Les pays africains brillent souvent dans les compétitions de football de jeunes mais ne confirment presque jamais au niveau des seniors. Les footballeurs africains ont été quelques fois désignés meilleurs jours de compétitions mondiales de juniors ou de cadets mais jamais à l’occasion de la compétition phare, la coupe du monde de football. Il est reconnu que le continent est un réservoir important de joueurs talentueux. Pour autant, le continent reste toujours à la traine derrière l’Amérique latine et surtout l’Europe et se fait rattraper peu à peu par l’Asie au niveau du classement des pays par la fédération internationale de football. Pourquoi ?
Qu’est ce qui explique que les meilleures nations chez les cadets et les juniors (Brésil, Allemagne, Espagne) sont généralement les mêmes en senior et pas nous ? Ce sont des questions que les leaders du football africain doivent se poser.
Au delà d’eux, les leaders de nos pays doivent également se poser les mêmes questions car le football est devenu quasiment une religion et un facteur important de ferveurs, d’harmonie et de communion mais aussi de déstabilisation ? Sans doute que les africains seraient grandement intéressés par les réponses appropriées à donner à ces questions pour faire en sorte que les fruits de notre football soient enfin à la hauteur de la promesse des fleurs.
A l’analyse, on identifierait quelques facteurs handicapants pour la réussite du football africain mais surtout une raison principale de ses insuffisances. Les facteurs handicapants sont la gouvernance du football qui doit être améliorée, les faiblesses de capacités techniques des encadreurs à tous les niveaux, l’amateurisme des footballeurs des championnats nationaux qui les précarisent profondément, l’insuffisance des infrastructures de formation au niveau des jeunes, l’absence de politique relative aux footballeurs d’élite…L’observateur extérieur identifiera, de la base au sommet, depuis les clubs de quartier jusqu’à l’élite des championnats de première division, à quelques exceptions près, notamment au Maghreb, des acteurs essentiellement préoccupés par eux-mêmes, leur prestige, leur ambition, leur situation personnelle, leur avoir.
Les clubs sont gérés de manière assez patrimoniale, on assiste à une multiplication d’équipes de quartier dont les responsables sont à la quête de talents à monnayer rapidement pour en tirer des subsides. La mise en place des bureaux se transforme en véritable psychodrame car les postes sont convoités et tous les moyens sont utilisés pour ce faire. Le management des organisations ne se traduit pas par une transparence absolue, l’opacité étant comme souvent à la base de conflits et de procédures judiciaires irrégulières. Il n’y a pas de sérénité à la tête des instances qui gèrent le football.
Toute volonté de changement est étouffée par le système et toute ambition de rupture contrariée par des coalitions de conservatisme. Quand on sait que tous ne sont pas indépendants financièrement des responsabilités fédérales, certains en vivent, et que la compétence et l’expérience de plusieurs responsables sont plus que discutables, il en résulte une organisation qui ne peut être performante et qui ne peut être facteur de résultats.
Surtout là où il faut de la rigueur, de la planification, de l’organisation, du professionnalisme et un engagement absolu de tous les rouages du système pour réussir. Le management du football en Afrique est quelque fois à l’image du management de nos pays. La confédération africaine de football elle-même n’échappe pas à ces tares.
Une véritable industrie avec des opportunités
Le football des jeunes est celui où le talent fait plus facilement la différence, celui où la spontanéité est encore déterminante, où l’insouciance, voire la témérité peuvent payer. C’est ce qui explique que dans ces catégories, les africains se rapprochent des nations fortes au plan international. Il en va autrement du football senior !
Le football comme le sport en général est devenu une véritable industrie, il ne laisse plus de place à l’à peu près. Il nécessite de la rigueur à tous les niveaux. Une organisation sans faille et une politique qui s’inscrivent dans le cadre d’une vision déterminant des objectifs, les moyens à employer, un rôle donné à chaque acteur et un système de suivi permettant d’évaluer et donner suite aux évaluations. Le mérite est récompensé et la moindre des erreurs, sanctionnée.
Une industrie où chaque acteur joue un rôle et chacun exerce la responsabilité de ses compétences et expériences. L’exemple le plus illustratif est donné par les deux derniers champions du monde de football senior, l’Espagne et l’Allemagne.
C’est par la planification, l’organisation de tout le système national vers un objectif fixé longtemps à l’avance, l’inculcation de valeurs et d’identité de jeux aux jeunes et le respect scrupuleux de celle-ci à tous les niveaux que ces deux nations sont parvenues à faire des résultats importants, longtemps après qu’elles se soient fixées des objectifs.
C’est aussi le triomphe du système sur les talents qui s’est manifesté par la victoire écrasante de l’Allemagne sur le Brésil lors des demi-finales de la dernière coupe du monde de football. Nous sommes dans cette ère de l’industrialisation du sport, de la planification, de l’organisation rigoureuse à y apporter. Et pour longtemps !
Les grandes nations ont compris que le football et, au-delà, le sport, sont devenus tellement importants qu’il faut les intégrer dans leur stratégie de progrès et d’influence. L’Amérique latine, terre de football, sera obligée de suivre ce mouvement, sinon bientôt, la Chine écrasera la Colombie lors d’une coupe du monde !
L’Afrique devra également s’y pliée. Nous devons mettre en place de véritables dispositifs pour mieux organiser notre football, le professionnaliser, le gérer comme on gère n’importe quelle organisation importante, y donner aux ressources humaines de qualité, la place qu’elles méritent et l’inscrire dans un processus mu par des objectifs clairement définis.
Le nouveau dispositif pour notre football, dans chacun de nos pays, doit être conçu autour des hommes (athlètes, encadrement, management), privilégier leur formation, leur accompagnement pour qu’ils donnent les résultats qui leur seront fixés. Par exemple, les sportifs d’élite ne doivent s’intéresser qu’à la performance et qu’à celle-ci.
Le sportif d’élite est une machine à gagner, il ne doit s’occuper de rien d’autre, le système doit tout prendre en charge. Les athlètes doivent participer aux compétitions l’esprit tranquille, sans souci de prise en charge en cas de blessure, ni de crainte sur leurs perspectives de reconversion, leurs revenus futurs, le confort de leurs proches et encore moins de tracasseries de plans de vol mal ficelés, de cachets mal négociés, de primes égarées etc.
De la base au sommet nous devons savoir détecter les sportifs d’élite et les encadrer totalement. Lionel Messi, incontestable meilleur joueur du Monde, a été détecté et pris en charge dés l’âge de 10 ans. Ses soins, son alimentation, sa formation, son encadrement technique…ont été satisfaits par son club. Avec un formidable retour sur investissement. Combien de Lionel Messi sont perdus par l’Afrique du fait de cette non détection et de ce non encadrement ?
Des académies indispensables à l’éclosion et à l’encadrement de talents en herbe
Il faut à chacun de nos pays, une ou deux académies de football, alimentées par la base et qui seront en lien avec toutes les structures et toutes les équipes du pays. Ces académies doivent être accompagnées par les pouvoirs publics et être gérées de manière à dégager des résultats comme cela a été vu ailleurs.
Elles accueilleront les enfants, les encadreront, les formeront, leur inculqueront une identité de jeu et les accompagneront jusqu’à l’âge où ils pourront intégrer des équipes professionnelles. Les pouvoirs publics leur verseront des subventions et seront impliqués dans leur gestion comme la fédération. Les académies dégageront des revenus suite à la cession des jeunes aux équipes de football, en Afrique ou ailleurs. Ces académies pourront aussi monter des équipes fanions pour donner des perspectives aux joueurs du centre de formation. Dans les pays où des structures proches de ce qui est décrit sont disponibles, elles doivent être accompagnées pour participer au dispositif décrit ci-dessus.
Les académies, structures de formation par excellence, forment le socle d’un sport comme le football. Elles doivent être partie intégrante de notre ambition. Au delà de cette simple question, nous devons définir une nouvelle vision, illustrée par des objectifs précis, pour le football de nos pays et mettre en place une architecture pour la traduire en réalité.
Ces objectifs pourraient être par exemple de remporter, pour un pays donné, la coupe d’Afrique des nations seniors dans un horizon de 5 ans et participer à la coupe du monde de football senior.
Un pays pourrait cibler d’avoir en permanence ses équipes nationales de classe d’âge aux avant-postes en Afrique et au niveau international, de pratiquer un football attractif et efficace avec une identité de jeu. Ce qui l’incitera à doter son football d’un système qui soutienne une pratique de base mais sait identifier, former, encadrer, renforcer, protéger et promouvoir son élite qui se renouvelle ainsi de manière régulière sans déstabiliser ses fondamentaux.
Les objectifs clairement énoncés permettent d’identifier les axes de travail, eux-mêmes permettant de situer les objectifs spécifiques, les délais d’atteinte, les activités à mener pour y arriver, les moyens nécessaires à déployer dans le temps, les acteurs à tous les niveaux et les attentes à leur endroit ainsi que l’organisation d’ensemble à établir. L’architecture à définir fixera les rôles et responsabilités des sportifs, de leur encadrement, des responsables du secteur, des autorités publiques, les acteurs privés…
Elle dégagera aussi les domaines où le pays aura besoin d’assistance extérieure, pour quelle période et pour quels résultats. Les pays qui engageront ces réformes, pourront ainsi commencer à bâtir et suivre avec la plus haute attention ce dispositif pour que chacun travaille comme il faut et que les erreurs et autres errements soient corrigés sans ménagement. Ce travail à moyen terme permettra de ne pas s’offusquer de résultats intermédiaires mitigés en se concentrant sur l’essentiel. D’autres y sont arrivés. Pourquoi pas nous ?
Moussa MARA*
*Expert comptable, président du parti Yèlèma et Ancien Premier ministre (moussamara@moussamara.com)
N.B : Les intertitres sont de la Rédaction
Source : Le Reflet