Mossadeck Bally, le PDG du groupe hôtelier Azalaï, appelle à lutter contre la corruption, relancer l’attractivité du pays et soutenir la population pour assurer la réussite de la transition malienne.
Dégradation continue de la situation politique, sécuritaire et socio-économique, népotisme, gaspillage des maigres ressources financières du pays… « Même si elle sort du cadre constitutionnel en vigueur, l’intervention militaire du 18 août était nécessaire, car le Mali était institutionnellement bloqué et subissait le pillage systématique d’une poignée d’individus », écrivions-nous, le 25 août, dans une prise de position publique avec un groupe de Maliens engagés.
Cette page de notre histoire est désormais tournée et, malgré l’insécurité, la pandémie et la récession économique, nous nous devons d’être optimistes. L’absence ou la quasi-absence de violences et les appels à la reprise des activités dans l’administration et les entreprises sont autant de signaux positifs lancés par cette transition. Il faut maintenant s’atteler aux prochaines étapes pour la reconstruction du pays et la mise en place de nouvelles fondations qui permettent de changer les règles du jeu politique.
Le privé doit aussi participer
À ce jour, le secteur privé n’a pas encore été consulté dans le cadre de ce processus, mais il pourrait y jouer un rôle à travers ses clés de voûte que sont le Conseil national du patronat du Mali (CNPM), la Chambre de commerce d’Industrie du Mali (CCIM) et le Réseau de l’entreprise en Afrique de l’Ouest (Reao).
On le sait, le politique conditionne l’économique. Certes, les acteurs économiques maliens souffrent avant tout d’un manque d’accès aux financements, mais cette situation n’est pas imputable aux seules banques, même si la plus grande part de responsabilité incombe à ces dernières. Le manque de protection juridique et judiciaire les amène aussi à souvent hésiter à accompagner les investisseurs.
Nous souffrons d’un manque criant d’État, c’est donc à nous d’en reconstruire un qui soit non seulement fort, régalien, juste, bâtisseur et visionnaire, mais qui applique également une tolérance zéro vis-à-vis de la corruption et évite de s’immiscer dans le secteur marchand du pays. Dans le même temps, il conviendra aussi de récupérer, chaque fois que cela sera possible, les sommes détournées aux dépens de l’État ou des entreprises publiques, car, dans de nombreux cas, les dossiers sont identifiés, et les responsables connus.
Attirer les investisseurs
Poser des règles du jeu claires, renforcer l’appareil judiciaire et refuser la corruption, c’est aussi progresser dans le classement Doing Business. Le Mali se doit de retrouver un minimum d’attractivité auprès des investisseurs, nationaux et étrangers.
Le principal problème du Mali – comme de la plupart de nos pays – étant de créer des emplois afin d’absorber le flux constant de jeunes en quête de travail, tous les investisseurs, notamment ceux venant de l’extérieur, y sont les bienvenus.
Ces derniers disposent souvent d’un savoir-faire et de capitaux capables de développer de gros projets structurants qui, en général, profitent également au tissu de TPE et PME nationales. Cela peut être encadré et renforcé par les clauses de contenu local intégrées aux contrats. Ces dispositions, dites de local content, existent déjà depuis plusieurs années dans notre législation, mais il semble évident qu’elles ne sont pas scrupuleusement respectées.
Besoin d’une réponse adaptée
Une fois ces préalables établis, nous pourrons espérer un retour à la « normalité » économique, sociale et politique, avec l’appui de la communauté internationale – dont la Cedeao, à laquelle appartient le Mali. L’organisation ouest-africaine a réagi aux événements en fermant les frontières et en demandant le blocage des flux financiers vers et depuis le Mali. C’est une réaction conforme aux textes en vigueur et à la jurisprudence en la matière, l’objectif premier consistant à amener les militaires à la mise en place rapide d’organes de transition dirigés par des civils.
Quel pays peut vivre durablement en autarcie ?
Mais si cette situation perdure, c’est la population tout entière qui sera pénalisée. Aujourd’hui, seuls les transferts financiers locaux sont possibles. Or, à l’heure actuelle, quel pays peut vivre durablement en autarcie ? La communauté internationale doit donc adapter ses réponses au contexte et prendre en compte le caractère « nécessaire » de la transition malienne.