Jamais dans l’histoire de la République depuis l’indépendance, il n’y eut une telle influence du fait religieux sur la sphère politique, une soumission du pouvoir politique face aux autorités religieuses qui sont devenues les faiseurs de «ROIS» ; il faut désormais être adoubé par les leaders religieux pour avoir des chances d’accéder à la colline du pouvoir ; l’équilibre entre le fonctionnement de l’État, du pouvoir politique et du fait religieux est en train de basculer dangereusement et de remettre en cause la laïcité consacrée par la loi fondamentale de la République; la création d’un ministère des affaires religieuses et du culte, compétence qui était celle de l’intérieur et de l’administration territoriale a été un pas de plus franchi dans ce sens. Analyse de Sory Ibrahim Sakho.
Le phénomène n’est pas propre au Mali, mais, avec cette histoire de Révision constitutionnelle, la promesse faite par l’exécutif d’exercer une parcelle du pouvoir par certains leaders religieux (spirituel+ temporel), est une perspective alléchante, lorsqu’on vous promet le sénat à vie, des V8 flambants neufs ; d’une pierre on fait deux coups: en plus d’avoir l’administration de l’État, on a le soutien des réseaux religieux, cet électorat, et on peut aisément se maintenir au pouvoir sur le dos du peuple malien, une conspiration du silence qui ne dit pas son nom?
Les agendas cachés de certains leaders sont également connus et il faudrait éviter l’erreur de tomber dans le piège de ceux veulent faire des religieux, les arbitres de cette crise politique et de société déclenchée par le pouvoir.
La brèche est ouverte et certains n’hésiteront pas à s’y engouffrer afin de s’installer définitivement comme cette force incontournable; lorsqu’un des plus grands leaders religieux lance le message suivant «Nous allons installer l’imam Kokè à Koulouba», c’est subliminal, et au rythme de l’influence, du poids, de la glissade politique du religieux au Mali, il ne faudrait pas s’étonner de la réalisation de cette prophétie d’ici quelques années!
Évidemment, l’effondrement de l’école de la République, appareil éducatif d’État, l’effritement des valeurs fondamentales et celles de la famille favorisent le développement du terreau fertile de ce glissement politique du religieux.
Nous n’avons pas besoin de crier sur les toits notre appartenance à la religion musulmane, là n’est pas la question;
Souvenons-nous: lorsqu’il y eut la plus grave crise depuis l’indépendance du Mali avec la grève des acteurs de la santé, avec des centaines de morts, quelle a été l’implication des religieux là où ils étaient attendus le plus?
Lorsqu’il y eut les attentats terroristes jusque dans la capitale du Mali à Bamako, dont le dernier en date, sanglant, fut celui du campement Kangaba, quelle a été la mobilisation des leaders religieux pour dire non à ces actes contraires à la religion?
Quelle a été la mobilisation des autorités religieuses lorsque le Mali a été envahi par une horde de criminels barbares obscurantistes, terroristes, djihadistes pilleurs, voleurs et violeurs d’AQMI, d’ANÇARDINE, du MUJAO avec la complicité des bandits armés de la CMA? Quelle a été leur mobilisation pour fustiger les actes de barbarie et de violences en tous genres qu’ils ont fait subir aux paisibles populations de Gao et Tombouctou?
Cette mobilisation spontanée contre le projet de révision constitutionnelle n’est pas une question de violence, tout au plus, il s’agit d’une prise de conscience du peuple, comme étant le dernier rempart lorsque les fondements de la République, les acquis démocratiques de la révolution de 1991 sont en danger, une volonté claire pour les forces vives de la nation de prendre en main ce destin collectif afin de sauvegarder ce qui est nous est commun: Le Mali!
S’il a été question de violence et de menaces lors de cette rencontre des leaders religieux, différentes associations religieuses dans la grande mosquée de Bamako, la maison d’ALLAH, où on ne devrait prôner que paix, tolérance, où on ne devrait que crier, appeler à l’apaisement eu égard à la situation déjà critique du pays, où on ne devrait que faire des prières, cela est fort regrettable et doit être dénoncé de la manière la plus véhémente, car, à aucun moment, personne n’a appelé à la violence lors des différentes manifestations pour le NON à cette révision constitutionnelle qui est en train de semer la discorde, la division dans le pays à un moment où le Mali a besoin d’une union sacrée de tous pour faire face aux périls qui guettent le pays et qui s’appellent INSÉCURITÉ liée au terrorisme, mal développement, balkanisation du pays par l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger.
Ne serait-il pas dans l’intérêt supérieur du pays que chacun reste à sa place dans le cadre de cette laïcité, de la séparation des pouvoirs:
Au pouvoir politique la gestion des affaires publiques, au religieux, le devoir moral de régulation et d’éducation, dans l’harmonie, le sens de la mesure et de la tolérance qui ont toujours caractérisé le vivre ensemble au Mali?
Sory Ibrahim Sakho
Titulaire d’un troisième cycle en Droit de l’université de Paris XIII