Taoudenit : Le manque de dialogue entre communautés est un frein au développement politique et économique.

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Nous avons assisté depuis la naissance du débat politique au Mali à un long et lent mais oh ! Combien persistant réveil mémoriel de quelques communautés, à une refondation, et un redécoupage, un fractionnement de nos composantes tribales, je dirais même un émiettement de nos tribus déclinées en fractions, en sous fractions par la seule volonté et la seule ambition des hommes qui les dirigent.

Cette redéfinition des contours de notre environnement socio culturel a pris plus d’ampleur avec l’avènement des conférences nationales et les prémices de la décentralisation.

La longue et profonde rupture avec nos mécanismes traditionnels de gestion, la rupture avec   nos grands hommes politiques, nos chefs de tribus, nos cadis, nos érudits, nos imams, a été à l’origine du tournant profond dans la transmission intergénérationnelle de nos valeurs. Cette rupture a empiré avec les multiples crises et conflits qui se sont succédé au cours des 30 dernières années.

Nos communautés ont  perdu alors leurs repères historiques, défigurés par les conflits politiques et par la violence et autres transformations et évolutions sociales. Une nouvelle configuration et un nouveau rapport de forces ont été imposés par le conflit, par les mutations socio environnementales et par la pauvreté grandissante mais aussi  des richesses soudaines engendrées par les trafics  en tout genre. C’est dans cette atmosphère d’instabilité politique, de misère, de précarité qu’est née la nouvelle région administrative de Taoudenit, créée par la loi : 2012-18 du 02 mars 2012, portant création des cercles et arrondissements. Elle se compose de Six Cercles : Achourat, Arawane, Al-Ourche, Boujbeha, Foum-Alba et Taoudenit et 30 arrondissements.  Sa superficie est près de 323 326 km² (environ 25% du Territoire national). Sa Population totale est estimée à 170 861 habitants en 2016.  Avec sa création, Taoudenit a amputé la région de Tombouctou de pans important de ses territoires, mais aussi une partie importante de sa population grâce au nouveau découpage administratif.

Taoudenit est à majorité arabe et touarègue. Elle demeure la région la plus reculée du Pays. Pas d’eau, pas d’infrastructures, pas de routes pas de dispensaires, pas d’écoles,   ni d’administration.  Ses populations arabo berbères sont éleveurs transporteurs et commerçants.

La région depuis sa création est le fruit de tiraillements de questionnements de débats creux ethnocentristes, et régionalistes.  Dans sa gestion, cette nouvelle région souffre du manque de cadres compétents, et de l’absence d’administration.  Ses ressortissants vivent pour la plupart dans leurs zones de transhumances et leurs terrains de parcours. Ils vivent aussi dans des villages, des sites, et autres points d’eau crées dans les environs de Tombouctou, à la faveur des rapatriements organisés par le HCR, il y a une vingtaine d’années. Une partie importante de sa population vit encore dans les camps de refugiés, dans de conditions dramatiques, insupportables, inhumaines et dégradantes. Une autre partie de ses ressortissants vit dans les grandes villes du Mali et quelques capitales régionales. On les rencontre aussi en Mauritanie, en Arabie saoudite, en Lybie, en Algérie, au Maroc, au Niger etc…. Les ressortissants de cette région ont été l’une des communautés les plus impactées par les crises et les conflits au Mali.

Cette cité historique connue pour ses grandes carrières de sel gemme, a fortement imprégné l’histoire des populations nomades du Sahara et du Maghreb qui s’y rendent pour extraire le Sel Gemme qu’elles iront revendre beaucoup plus au Sud vers Tombouctou, Gao, Mopti et le sud du Mali.  Au sous-sol très riche, Taoudenit renferme d’énormes gisements d’or, de pétrole, de Gaz, d’uranium et présente l’une des nappes les plus abondantes d’Afrique.

Très éloignée de Tombouctou et difficile d’accès, la nouvelle région est encore un désert vide, à la nature hostile, totalement vide et coupée du reste du Monde. Seuls quelques nostalgiques s’y rendent encore à bord de camions pour l’extraction du Sel, une activité   qui, jadis, se faisait à dos de dromadaire.

Depuis sa création Taoudenit traverse de multiples crises politiques qui ont fortement ralenti son développement et divisé ses habitants. A cela s’ajoutent de crises profondes de gestion  provoquées par des dissensions  et des tiraillements internes ridicules et injustifiés, basés soit sur des considérations ethniques, militaires ou de positionnement dans la course vers le Mali. Le Collège transitoire animé par de grands hommes originaires de la région n’arrive pas encore à lancer ses activités à cause de cette situation conflictuelle, soutenue par une attitude irresponsable et défaillante de l’administration centrale de Bamako, une négligence se traduisant par des lenteurs de décaissement, des lourdeurs administratives, et autres formes de corruption.

La nouvelle région de Taoudenit est ballottée, trimbalée, charriée par les errements, les questionnements, les antagonismes bouffons, les tiraillements grotesques et les ambitions  et les individualismes outranciers. Elle peine douloureusement à s’affirmer à se concrétiser.

D’ une part, un groupe tente de gérer les affaires de la région à travers ses seuls représentants. Ce groupe quoiqu’assez puissant ne possède pas de cadres politiques avérés.

 

D’autre part, nous avons un groupe de Cadres compétents, intellectuels, hommes politiques, de haut niveau, fonctionnaires de l’Etat, ingénieurs ou techniciens supérieurs. Ces hommes vivent dans un désintéressement total, un repli sur soi parce que taxés de « déracinés, de déculturalisés, qui ne méritent pas de participer à la gestion des affaires de la région.

Les antagonismes sur l’appartenance de Taoudenit, le choix du chef-lieu de région, le retard énorme dans sa viabilisation, la nouvelle configuration politique sont autant de freins à la concrétisation d’un projet de gestion décentralisée des régions du Nord.

Les incohérences, le scepticisme, le doute, sont les principales références de ceux qui tentent désespérément de s’approprier exclusivement et sans partage, la nouvelle région.  Ils se méfient de la fiabilité de tous ceux qui peuvent être utiles au développement de la nouvelle région.

Cette désarticulation, restera sans doute, un cas extrême d’altération, et même d’aberration, offrant le spectacle d’une communauté abandonnée, orpheline, prise en otage dans un conflit de positionnement, de leadership,  que toute rationalité argumentative aura déserté. L’évolution confuse et de plus en plus absurde de cette situation tendue, échappe à tout contrôle.

Ce chaos que vit la nouvelle région est sans aucun doute, le résultat d’un manque de dialogue intracommunautaire. Cette situation est aussi le résultat de l’égoïsme des hommes, de l’opposition des agendas, de lutte de clans, un problème de représentativité de légitimité et de compétence tout court.

Cette situation dramatique faite de confusion, de chaos de chambardement,  nous interpelle  à priori, en tant que fils et filles de la nouvelle région de Taoudenit. Nous devons nous poser les bonnes questions auxquelles nous chercherons ensemble, les bonnes réponses.

Il est désormais urgent de  tenter de définir les modalités d’un dialogue possible entre tous les fils de la région, entre  groupes et  communautés, entre  notables et intellectuels, entre nomades et sédentaires, entre groupes politiques, et  cercles de réflexion  indépendants,  au sein de cette société  pluriculturelle.

C’est notre existence qui est compromise par un manque de cohérence et d’efficience dans des initiatives, des actions cloisonnées, orientées en fonction de programmes différents, épars sans tête ni queue et qui se neutralisent plus qu’ils ne se complètent.

Tant que notre volonté de construire n’est pas partagée par l’ensemble des acteurs de la crise, l’ensemble des leviers de notre communauté, il n y aura aucun consensus autour du développement de cette nouvelle région. Chaque membre de notre communauté est donc interpellé et doit apporter sa contribution,   jouer sa partition.

Cela ne sera possible qu’autour d’un dialogue franc, sincère, inclusif de toute la population de la nouvelle région. Pour engager et réussir ce dialogue inclusif de toute la communauté, il faudra (et c’est mon humble avis) des préalables au dialogue devant conduire à une paix durable, une acceptation de l’autre et une conjugaison des efforts en acceptant de travailler ensemble, étant entendu que la région de Taoudenit ne sera que ce que nous en ferons ensemble.

Le dialogue est l’échange des points de vue dans la recherche commune et désintéressée de la vérité. On a plus de chances de trouver la vérité en la cherchant ensemble et à plusieurs, par le dialogue, par la confrontation des idées différentes, voire même opposées, que de vouloir la trouver seul, ou en groupes séparés.

Il nous faut donc établir dès à présent, un dialogue franc, fraternel, inclusif, constructif et dont l’unique objectif est d’atteindre la cohabitation harmonieuse et l’esprit d’équipe.

Le débat intellectuel, riche et varié animé, par les frères et sœurs sur les groupes sociaux, aborde des thèmes pertinents et dégage des propositions objectives et des idées constructives. Il faut enrichir davantage le débat et s’attaquer aux questions de fonds.

Nos questions de fond doivent être celles-ci : sur quelle base ce dialogue peut-il ou doit-il reposer ?  Qui en seront les animateurs et quels thèmes développerons-nous ?

Il faut identifier les thèmes du dialogue devant exister entre les ressortissants de Taoudenit. Nous devons créer des groupes de réflexions, et revoir la composition des acteurs au dialogue intracommunautaire, en y incluant fondamentalement les élus locaux, les chefs traditionnels et les religieux, les notables, les leaders d’opinion, les analystes politiques, les intellectuels et les représentants mandatés des populations.

Il faut qu’il y ait des discussions crédibles et porteuses d’espoir, des discussions qui engageront tous les ressortissants de Taoudenit sans exception aucune. Aucun groupe, aucune milice aucune tribu, aucune communauté ne pourra à elle seule assurer le développement d’une commune à fortiori une nouvelle région aussi grande et aussi vaste que Taoudenit, où il n’existe encore, le moindre signe de vie.

Nous lancerons le développement de notre région après que nous ayons accepté de nous parler de nous écouter, et accepter l’évidence selon laquelle nous ne sommes rien, qu’avec les autres et que nous ne réussirons jamais seuls.

Pour atteindre cette évidence, nous devons tout d’abord nous consacrer à l’essentiel, c’est-à-dire le dialogue et l’acceptation de l’autre quelque soit sa tribu ou sa culture. Nous devons nous consacrer à la culture de la paix, du dialogue sur tous les sujets qui fâchent notamment la composition de nos représentants légitimes, la désignation du chef lieu de région le lancement de quelques activités prioritaires   initiatrices, promotrices et incitatives.

Pour obtenir une solution définitive à cette crise interne, il est indispensable et fondamentale que les responsables au niveau des groupes armés (CMA-Plate-forme) conjuguent leurs efforts, mettent l’intérêt de leurs communautés au-dessus des intérêts et des préoccupations politiques.

Les intellectuels cadres, notables cadis, chef religieux, chefs de tribus de fraction, hommes politiques, animateurs de la société civile sont tous interpelés. Les ressortissants de la région, hommes, femmes jeunes doivent prendre leurs responsabilités, engager l’indispensable dialogue inclusif entre toutes les franges de la communauté pour un débat franc et sincère, dénué de toute forme d’hypocrisie ou de politesse. Ils donneront ainsi, des gages forts de leur volonté de briser le silence, de lever les obstacles, de crever l’abcès de se replonger dans leur propre histoire. Il faut redéfinir nos valeurs, restaurer les chefferies d’antan, revivifier nos mécanismes traditionnels de gestion d’avant : le chef est chef, le notable est notable le cadi est cadi, le cheikh est cheikh,   le politique est politique, le militaire est miliaire, et le civil est civil. Le Mali aussi gagnerait mieux en contribuant à apaiser ce climat de confusion plutôt qu’à l’ignorer ou le minimiser.

Assalamou Aleykoum.

Mohamed Ould Sidi Mohamed -Moydidi-                                          

jekaniya@yahoo.fr

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2 COMMENTAIRES

  1. Frere Ould le pays traverse de serieuses turbulences politiques et des menace serireuse des djihadistes. Si le nord n’est pas securisé le sud sera tjr menacé. Les populations du Nord doivent s’investir davantage et arreter leurs querelles claniques d”analphabetes attardés. Ils doivent laisser la place a leurs cadres et les soutenir. Les groupes armés jouent un faux jeu et divisent leurs communautés pour des interets egoistes. les francais aussi jouent un faux jeu et defendent leurs interets.

  2. De toutes les manière, c’est fini pour le Mali multiethnique !
    Aucune oeuvre ne peut durablement exister sur du mensonge, de l’hypocrisie et de la manipulation.
    Le Mali est un pays sous Apartheid tribal. Les groupes communautaires qui passent leur vie à travailler péniblement sous un soleil tant ardent que brûlant et épuisant, qui payent régulièrement tous les impôts et taxes à l’Etat malien, qui respectent à la lettre toutes les lois de la République, sont le plus souvent, ceux qui sont persécutés, exploités, discriminés et parfois, même esclavagisés par la mafia politico-administrative du Mali.
    Il faut purement et simplement mettre fin à cette farce tant grossière que grotesque, qu’on appelle République du Mali. Trop de temps se sont écoulés dépuis l’indépendance du Mali, trop de sang d’innocents a coulé sur cette terre, trop de gens sont réfoulés par ces guerres de vautours guidés par les hyènes juchées sur la Tour Eiffel.
    Il faut que chaque peuple réclame ses droits et sa part du butain.
    Ceux qui ne font que ressasser des phrases vides comme Mali un et indivisible, sont dans la plupart du temps, ces mêmes vautours ou fils de vautours, ou parents de vautours, ou amis de vautours, qui profitent des fruits du travail des ethnies productrices exploitées et esclavagisées par le régime d’apartheid du Mali.
    Il suffit de regarder dans les bureaux climatisés, dans les rangs de la hyérarchie militaire, policière, douanière, à la Sécurité d’Etat, dans les ministères, les gouvernorats, les grandes sociétés d’Etat et vous allez découvrir ce qu’on vous cache au Mali dépuis des décennies. Seules quelques ethnies nanties sont réprésentées dans ces structrures de consommation abusive du fruit du travail des autres ethnies générallement majoritaires au Mali, mais systématiquement mises à l’écart lors des prises de décisions et du partage de gâteau.
    Voilà cette réalité de l’apartheid malien !!!
    Il faut en finir avec ça, en laissant chaque ethnie créer son propre pays, dans lequel la langue de l’ethnie remplacera le français dans l’ainistration de l’Etat ethnique.
    C’est la seule façon d’éviter un génocide au Mali.
    Des Maïga et Touré partout dans l’administration et à la tête des grandes sociétés d’Etat, pendant qu’aucun des deux piliers de l’économie productive du Mali ne provient d’une terre de Maïga ni de Touré. L’or blanc et l’or jaune n’ont jamais été produit par les Sonrhaï, ni les Touareg, ni même les Peuhls, et pourtant, ce sont surtout ces trois ethnies qui occupent tous les postes stratégiques au Mali.
    L’hypocrisie n’a que trop duré au Mali. Maintenant, c’est l’heur des bilans, de la transparence et de la vérité tant amère qu’elle soit.
    Abas le Mali de l’apartheid !
    Vive les Etats ethniques en Afrique !
    Ceux qui réfusent de travailler crèveront de faim et de soif, tandis que les ethnies bosseuses créeront un nouvel eldorado envié par le monde entier. Donald Trump enlèvera cet Etat ethnique de sa fameuse liste des pays de merde.

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