Tabital Pulaaku- Mali : Pourquoi ce mutisme de carpe?

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Ceux qui suivent assidûment l’actualité nationale et la presse du Mali ont probablement remarqué que  depuis plus de six mois, Tabital-Pulaaku Mali (TPM) est aux abonnés absents sur la scène médiatique nationale et internationale ! Elle est devenue subitement muette. Aussi muette qu’une carpe morte. On pourra difficilement faire plus fort en la matière. Mais, pourquoi ? Pourquoi ce silence assourdissant maintenant, quand les évènements touchant  la communauté peulhe du Mali, les uns plus dramatiques que les autres, se poursuivent et se télescopent ? On n’entend plus la voix de Tabital-Pulaaku Mali, ni pour  informer, ni pour commenter, ni pour condamner, ni pour approuver, encore moins pour interpeller ! Que se passe-t-il ? Est-ce que ce sont les évènements dignes d’intérêts de Tabital Pulaaku qui ont manqué de se produire ? Certainement pas ! Jugez-en vous-même ! Voici une liste non exhaustive d’évènements qui se sont passés au cours de ces six (06) derniers mois et qui  n’auraient suscité, aussi paradoxale que cela puisse paraître,   aucune  réaction, ni visible, ni audible, de la part des instances de Tabital Pulaaku-Mali (TPM) :

L’opérationnalisation de la coopération officieuse établie  sur le terrain entre les Forces de Défense et de Sécurité  nationaleset les ‘donso’ de la milice ethnique dogon  Dan Na Ambassagou,à qui il aurait été confié de dresser des check points et de procéder à des patrouilles sur les principaux axes routiers de la zone exondée de la région de Mopti. Ce transfert illégal et en catimini des prérogatives de l’Etat à d’autres entités n’a fait l’objet d’aucun commentaire public de la part des responsables de TPM;

La large diffusion des images insoutenables de dépeçage de jeunes peulhs et d’exécutions  à la machette et à visages découverts sur d’otages également peulhs ; crimes perpétrés  par des miliciens ‘donso’ se revendiquant de Dan Na Ambassagou qui a démenti que les auteurs émanent de son camp ; ces diffusions aussi n’ont pas fait l’objet de réactions publiques de TPM. Il aurait été indiqué d’interpeller les pouvoirs publics sur l’origine et l’authenticité des images diffusées;

La tenue du Congrès des militants de Dan Na Ambassagou à Ningari, congrès au cours duquel ses militants auraient pris la résolution de  « finir le travail commencé », traduisez «d’expulser  définitivement l’ensemble de la population peulhe » de ce que eux appellent « Pays Dogon ». Quelle a été la réaction de Tabital Pulaaku Mali ? :

La violente  campagne de terreur des djihadistes contre des villages dogons pour tuer et détruire les récoltes et biens de populations innocentes. Tabital Pulaaku Mali aurait dû condamner publiquement et sans équivoque les actes criminels et exprimer sa compassion et sympathie aux victimes. Anotre connaissance rien n’a été fait dans ce sens ;

L’arrestation arbitraire de Me Hassane Barry, Président d’honneur de TPM qui a soulevé tout ce tollé sans qu’on entende la protestation officielle de TPM;

La bavure de la patrouille militaire qui a interpellé  et froidement exécuté plus de 20 jeunes peulhs  le 19 décembre 2019 à la foire de Malémana. Nous n’avons pas eu connaissance de communiqué  diffusé par TPM et traitant de ce sujet ;

La  tenue du Dialogue National Inclusif (DNI) du 14 janvier 2020. TPM a-t-elle été invitée ?  A-t-elle  préparé sa  participation ? Quelle a été sa contribution  au DNI ? A-t-elle pu transmettre le message de la TPM sur les conflits au centre du Mali ?TPM a-t-elle publié un document ou est-elle intervenue dans la presse pour informer ses militants et les maliens sur sa participation au DNI ?

Le décès du Ministre Témoré TIOULENTA, membre fondateur et premier Secrétaire Général de Tabital Pulaaku- Mali. TPM  aurait dû faire un témoignage officiel spécifique de sympathie  et de remerciements à son endroit. Lui, qui s’est si bien et si longtemps dépensé sans compter pour que TPM soit ce qu’il est devenu aujourd’hui ;

Le récent lancement de l’Opération ‘Maliko’ qui malgré la noblesse et la justesse des objectifs visés, devrait susciter des interrogations de la part de TPM. Quel va être son impact sur la vie des communautés peulhes du centre du Mali en milieu rural et zones urbaines ?  Comment s’assurer que sous un nouveau  nom on ne continue les anciennes pratiques ? Comment s’assurer de l’équité et de l’impartialité de cette opération ? Que faut-il faire pour mettre et maintenir réellement les milices ethniques en dehors de cette opération ? La voix de TPM devrait être entendue pour qu’on sache que la veille citoyenne continue.

Et d’autres évènements encore. Passons sur la nécessaire diffusion des  informations  traditionnelles relatives aux activités de fonctionnent de l’association et celles relatives aux traditionnelles actions de promotion de la langue et de la culture peulhe, activités, on le comprend, qui sont mises, en attendant, entre parenthèses.

Comment comprendre  qu’avec autant de problèmes et de questions existentielles qui se posent à la communauté peulhe, que Tabital Pulaaku – Mali continue à se taire ? Depuis le déclenchement de la crise au Centre du Mali en 2015, Tabital Pulaaku ne nous avait pas habitués à cette passivité. Aussi, de nombreuses personnes se posent ou pourraient se poser la question de savoir le pourquoi de cette situation.  Il s’agirait, notamment de :

Premièrement de  nous, les membres et sympathisants de TPM  qui avons mis en place  en 1992 cette association pour contribuer à l’épanouissement culturel de notre pays;

Ensuite de nous,les membres de la communauté peulhe du Mali qui souffrons aujourd’hui l’injustice et le martyre et qui voyons en TPM un rempart et un recours ;

Puis, les organisations de la société civile nationales et internationales dédiées à la défense des droits de l’homme et qui apprécientpositivement la contribution de TPM dans ce domaine ;

Et enfin, nous maliens  de tous les horizons qui sommes attachés à la vérité et  à la justice et qui savons gré à Tabital Pulaaku d’avoir contribué ànous  ouvrir les yeux sur  les enjeux et l’échec inéluctable d’une vision et d’une stratégie erronées de la lutte contre le djihadisme basée sur l’amalgame  et l’alimentation  artificielle des oppositions entre les communautés nationales,  prônées et pratiquées par les pouvoirs publics.

Toutes ces personnes ne comprennent pas ce silence adopté par TPM depuis juin ou juillet 2019 après l’échec d’un premier renouvellement du Bureau National.  Mais cette malheureuse circonstance ne peut pas expliquer tout et ne peut pas justifier ce silence à la limite coupable.Même une instance intérimaire pouvait valablement assurer ce rôle de veille et de défense des droits et intérêts  de la communauté peulhe et des maliens. Vu les conditions dramatiques dans lesquelles nous vivons, même une démission collective des membres du bureau n’aurait pas dû  occasionner une léthargie si longue et si préjudiciable à Tabital Pulaaku-Mali.

Il est impensable que parmi les nombreux  présidents d’honneur de TPM, les hauts cadres du pays membres ou non de l’association, les personnalités influentes du pays ou simplement les nombreuses bonnes volontés potentielles, que personne  n’ait pu  faire bouger les lignes s’il s’agissait  seulement de problèmes d’incompréhension au sein du TPM. Probablement que la médiation de bonnes volontés  n’a pas été sollicitée.  Nous ne le savons pas et nous n’avons pas demandé.Mais la léthargie ambiante qui perdure est suffisante pour attester la situation de crise et de sa gravité  et convaincre qu’il est temps d’y mettre un terme, si nous voulons rester crédibles et conserver la capacité de mobiliser les membres et sympathisants de TPM.

Mais, il ne faut pas se voiler la face, la mission  qui est confiée à nos camarades du Bureau de Tabital Pulaaku Mali, par les temps qui courent, est complexe, sensible et difficile. Quelques fois, la pression est certainement très grande. C’est un énorme sacrifice qui leur est demandé, pratiquement sans contrepartie et sans solide protection contre toute sorte de dangers qui guettent et qui sont inhérents à la vie en société, comme la nôtre. Ces dangers sont en nous-mêmes et en dehors de nous, puisque nous ne vivons pas en autarcie.  Faute  d’appuis solides et de reconnaissance  des fatigues et des efforts consentis, surtout si des résultats tangibles ne suivent pas immédiatement,  certaines personnes peuvent  ne pas supporter la tension et par découragement décrocher.  C’est humain, il faut le comprendre et le prendre comme tel. Mais est-ce le cas présentement ?

L’honnêteté aussi oblige à se poser la question de savoir si nous à TPM, nous ne payons pas aujourd’huila rançon des incessantes scissions intervenues  à chaque fois qu’il a fallu renouveler  le Bureau National. Divisions dues en grande partie à des égos surdimensionnés  qui relèguent assez souvent au second plan les problématiques importantes de vision de l’avenir et empêchent de prendre suffisamment en compte les  capacités de prospectives, d’anticipationet d’organisationdes responsables que nous nous choisissons. Alors, vue la situation que nous vivons, c’est important que chacun à son niveau se remette en cause et se dise que la ‘pulaaku’ du Mali a besoin de lui, que Tabital Pulaaku a besoin de lui. Divisés, nous ne représenterons jamais  quelque chose. La leçon à tirer est évidente.

Que Tabital Pulaaku -Mali, dans ces conditions soit confrontée à des problèmes, à des contradictions est  tout à fait normal, compréhensible et gérable. C’est le fonctionnement normal et habituel de toutes les associations.  Mais qu’elle n’arrive pas à les surmonter et à temps, c’est ce qui est incompréhensible et inadmissible.

MM les membres du Bureau National de TPM, messieurs les membres et sympathisants de TPM, nous devons faire trèsattention. Sur le terrain nous n’avons pas que des amis pour nous faciliter la tâche. Donc, il n’est pas séant que nous nous créions d’autres problèmes à l’interne. Beaucoup de rumeurs vont bon train sur la situation que vit TPM en ce moment. Selon certaines de ces rumeurs, les membres du BN TPM « sont occupés plus à se marquer à la culotte pour succéder à Abdoul Aziz Diallo à la tête de l’Association et  de ce fait, oublient ou négligent tout le reste ». D’autres pensent que des responsables  de TPM deviennent de plus en plus sensibles aux menaces de diverses naturesqui émaneraient des services sécuritaires du pays qui seraient mécontents de ses activités et travailleraient à les saboter. D’autres, (est-ce par méchanceté ?), avancent que l’argent de la corruption des mêmes services aurait probablementrendu certains leaders aveugles et aphones. Malheureusement on ne peut pas empêcher les gens d’interpréter  la situation comme ils l’entendent. Pour arrêter ces rumeurs préjudiciables, c’est à TPM de réagir et de tenir les gens informés et mobilisés,  quelle que soit la situation.  Dans de nombreux messages audio WhatsApp qui  nous parviennent de l’intérieur, leurs auteurs (par dépit ?) demandent « aux responsables et personnalités peulhes qui vivent  «tranquillement » à Bamako de continuer à boire le jisuma  (l’eau fraiche), de manger le zamè (le riz au gras) et de vivre au chaud, en oubliant leurs parents qui vivent tous les dangers à l’intérieur du pays ». Ces cris de cœur nous interpellent tous, mais surtout les responsables de TPM.

Ceci pour dire que nous  à Tabital Pulaaku- Mali, nous n’avons pas le droit de faillir dans la mission de défense des droits de toutes les composantes de notre peuple, notamment de la communauté peulhe. Mission que nous nous sommes librement assignée et que d’autres ne feront pas à notre place.Les tâches qui restent à faire et qui ne peuvent pas attendre davantage sont nombreuses et ce n’est vraiment pas le moment de flancher, après tout ce que nous avons abattu comme travail. Le Mali a besoin de notre apport pour retrouver  pleinement le chemin de la justice, de la dignité et de l’honneur. Nos parents ont besoin de sentir le souffle protecteur de notre présence, si minime soit-il. Ne mésestimons pas la contribution que nous pouvons  apporter  à notre pays sur le chemin de la  réhabilitation et de la stabilisation.

Alors ressaisissez-vous, ressaisissons nous. Si non, comment est-ce que les autres, surtout les  associations nationales de Tabital Pulaaku International (TPI) pourraient-elles nous aider dans notre combat pour la justice et  contre l’impunité ? N’est-ce pas  à nous de tenir la tête de notre lion, quand nous appelons à l’aide pour l’abattre ? Mais peut-on le faire si nous n’arrivons même pas à nous donner des responsables pour nous représenter ?

La balle est  dans notre camp à nous tous, mais elle est principalement dans votre camp, bureau sortant d’Abdoul Aziz Diallo et d’Abdoulaye Yéro Dicko.Il faut reconnaître que M Abdoul Aziz Diallo a le droit de démissionner, si tel est son vœu.  Mais on peut lui rappeler  aussi qu’il a le devoir de rester s’il est sollicité par ses compagnons de tous les horizons et si la situation l’exige. Surtout que jusqu’à preuve du contraire, il n’a pas démérité.

Communautés peulhes du Mali et militants de tous bords de la justice et des droits de l’homme, souvenez-vous de la citation du Pr Joseph Ky Zerbo  qui disait « An lara, an sara ! » (Si nous nous couchons, nous sommes morts !). Comprenez, si nous abdiquons et laissonstomber Tabital Pulaaku Mali et nos revendications pour le respect de nos droits, disons adieu à nos rêves de justice et de développement harmonieux et équilibré  de note pays,pour maintenant et pour toujours. L’âme  des victimes innocentes des différents pogroms et « bavures » du Centre du Mali nous observe.  Oserons-nous enterrer Tabital Pulaaku- Mali ?

Bamako, février 2020

Pr Bouréima Gnalibouly DICKO

 

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