Sud Global: le pouvoir contre l’Occident

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Le terme «Sud Global» est apparu pour la première fois en 1969 dans un article du militant politique Carl Oglesby dans le journal libĂ©ral catholique «Commonweal», qui affirmait que la guerre du Vietnam Ă©tait le point culminant d’une histoire de «domination du Nord sur le Sud Global». Il a ensuite Ă©tĂ© utilisĂ© dans un rapport bien connu de 1980, intitulĂ© «Nord-Sud: un programme pour la survie», publiĂ© par une commission indĂ©pendante dirigĂ©e par l’ancien chancelier allemand Willy Brandt, et dans un rapport de 1990 intitulĂ© «Le dĂ©fi lancĂ© au Sud: Le rapport de la Commission Sud», publiĂ© par une commission de l’ONU dirigĂ©e par Julius Nyerere, alors prĂ©sident de la Tanzanie. Cependant, elle ne s’est largement rĂ©pandue qu’après l’effondrement de l’Union soviĂ©tique en 1991, qui a Ă©galement marquĂ© la fin de ce qu’on appelle le «Second Monde».

Dans la seconde moitié du XXe siècle, des groupes tels que le Mouvement des non-alignés fondé en 1961 ainsi que le G-77 fondé aux Nations Unies en 1964 ont cherché à promouvoir les intérêts collectifs des plus pauvres et libéré des lourdes chaînes du colonialisme dans un monde dominé par les anciennes puissances impériales.

 Le terme «Sud Global» fait rĂ©fĂ©rence Ă  divers pays du monde situĂ©s dans l’hĂ©misphère sud et dĂ©signe un mĂ©lange d’Ă©lĂ©ments politiques, gĂ©opolitiques et Ă©conomiques partagĂ©s entre ces nations. Ces pays sont Ă©galement dĂ©crits par les termes «en dĂ©veloppement», «moins dĂ©veloppĂ©s», «sous-dĂ©veloppĂ©s» ou «tiers-monde», termes qui tendent cependant dĂ©sormais Ă  ĂŞtre supplantĂ©s par celui-ci, car ces trois derniers contiennent Ă©galement un sens pĂ©joratif.

En gĂ©nĂ©ral, ces pays sont plus pauvres, ont un niveau de dĂ©veloppement socio-Ă©conomique et industriel relativement faible, ont des niveaux d’inĂ©galitĂ©s de revenus plus Ă©levĂ©s et souffrent d’une espĂ©rance de vie plus faible et de conditions de vie plus dures que les pays du «Nord Global», c’est-Ă -dire les nations les plus riches situĂ©es principalement en AmĂ©rique du Nord et en Europe, avec quelques ajouts du Sud gĂ©ographique, c’est-Ă -dire en OcĂ©anie (Australie et Nouvelle-ZĂ©lande) mais aussi ailleurs (par exemple Japon).

Les pays du «Sud Global», qui ont pour la plupart Ă©tĂ© les victimes tragiques de l’impĂ©rialisme, de la domination coloniale et de l’influence Ă©conomique, sociale et politique gĂ©nĂ©ralement considĂ©rable de la part de puissants pays occidentaux, les pays africains Ă©tant par exemple les plus typiques, reprĂ©sentent plus de 85 % de la population mondiale, soit la grande majoritĂ© de l’humanitĂ©, et près de 40 % du PIB mondial.

Dans le même temps, depuis le début du XXIe siècle, on assiste à un déplacement des richesses de l’Atlantique Nord vers l’Asie et le Pacifique, comme l’a souligné la Banque mondiale. D’ici 2030, on prévoit que trois des quatre plus grandes économies se trouveront dans les pays du Sud, dans cet ordre la Chine, l’Inde, les États-Unis et l’Indonésie. Déjà, le PIB par rapport au pouvoir d’achat des pays du groupe BRICS dominé par le «Sud Global» –Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Éthiopie, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis et Iran–dépasse le PIB équivalent du groupe G7 du «Nord Global».

Le terme «Sud Global», qui n’est donc pas strictement gĂ©ographique (la Chine, l’Inde et le Mexique sont par exemple dans l’hĂ©misphère Nord), a Ă©tĂ© une fois de plus mis sur le devant de la scène en raison des rĂ©ticences de nombreux pays leaders d’Afrique, d’Asie et d’AmĂ©rique latine se tenir aux cĂ´tĂ©s de l’OTAN dans la guerre qui se dĂ©roule depuis le 24 fĂ©vrier 2022 en Ukraine. La guerre a donc mis en lumière le «Sud Global» en tant que facteur gĂ©opolitique important.

Il ne fait aucun doute, après tout, que le terme «Sud Global» est une expression unificatrice importante et incarne apparemment un fort sentiment d’insatisfaction à l’égard des institutions internationales établies qui reflètent les intérêts géopolitiques et économiques des pays occidentaux.

L’invasion de la Russie a fait ressortir la colère mondiale accumulĂ©e contre l’Occident, soit Ă  cause des annĂ©es de colonialisme et de pratiques nĂ©ocoloniales, soit Ă  cause des deux mesures avec lesquelles les pays occidentaux traitent les violations des droits de l’homme dans diverses rĂ©gions du monde.

Les pays du «Sud Global» n’ont majoritairement pas imposé de sanctions à la Russie, qui est un membre non occidental du «Nord Global». Certains pays ont même accru leurs échanges commerciaux avec Moscou, compromettant ainsi grandement l’efficacité des sanctions occidentales. En 2022, par exemple, les échanges commerciaux de la Russie ont augmenté de 68 % avec les Émirats arabes unis et de 205 % avec l’Inde.

La plupart des pays du «Sud Global» critiquent dans le même temps Israël, considérant la guerre à Gaza comme une conséquence de l’occupation israélienne, de l’oppression des Palestiniens et de l’application sélective des règles du droit international. En raison de leur propre histoire, de nombreuses personnes en Afrique et en Amérique latine envisagent les événements dans une perspective postcoloniale.

L’Afrique du Sud, l’un des États Ă©conomiquement les plus puissants et les plus modernisĂ©s d’Afrique et donc un modèle et un porte-parole pour de nombreux États du continent, a adoptĂ© une attitude extrĂŞmement critique Ă  l’égard d’IsraĂ«l, dĂ©nonçant le meurtre d’enfants et de civils innocents. L’Argentine, de l’autre cĂ´tĂ© de l’Atlantique, a condamnĂ© les attaques des forces armĂ©es israĂ©liennes contre des infrastructures civiles et a appelĂ© au respect du droit international humanitaire.

Le «Sud Global» se prĂ©sente donc comme la seule opportunitĂ© de rĂ©sistance des pays qui le composent et qui s’inspirent d’une vision du monde anticoloniale et anti-impĂ©rialiste, contre le «nouvel ordre des choses» que les États-Unis et les autres Ă©conomies puissantes de l’Occident le promeuvent vigoureusement. Le «Sud Global» affiche simultanĂ©ment une puissance politique et Ă©conomique que les «pays en dĂ©veloppement» et le «Tiers Monde» n’ont jamais eu.

Certains de ces États sont des sources essentielles de ressources minérales, de chaînes d’approvisionnement et parfois d’innovations nécessaires au développement mondial, ce qui leur confère plus d’influence qu’ils n’en avaient au XXe siècle.

Nous voyons donc les dirigeants adopter ce terme avec passion. Le Premier ministre indien Narendra Modi a prĂ©cĂ©demment dĂ©clarĂ© que son pays Ă©tait devenu «la voix du Sud», tandis que le prĂ©sident sud-africain Cyril Ramaphosa a dĂ©clarĂ© que son objectif Ă©tait de faire avancer «l’agenda du Sud».

En conclusion, je voudrais souligner que le camp des pays anti-internationalistes, appelĂ© «Sud Global», qui ne cède pas Ă  la volontĂ© des pays riches de l’Occident internationaliste, se renforce de plus en plus et marque le transition d’un monde unipolaire sous la direction des États-Unis et de leurs alliĂ©s vers un monde multipolaire.

*Isidoros Karderinis est né à Athènes en 1967. Il est journaliste, romancier et poète.

 

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1 commentaire

  1. La terminologie de Sud global est une arnaque philosophique. C’est aberrant de vouloir mettre dans un bloc idĂ©ologique la Chine, l’Inde, le BrĂ©sil pour ne citer que ceux-ci ainsi que les pays africains ; qui tous n’ont absolument rien en commun ni politiquement, ni stratĂ©giquement et encore moins culturellement. Leur seul trait d’union Ă©tant gĂ©ographique par le fait d’être ensemble dans l’hĂ©misphère sud, est un bien maigre argument pour constituer un contre-poids sĂ©rieux Ă  l’ordre mondial sous actuel sous domination occidentale.

    Pensées rebelles.

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