Sous nos yeux, le regard médusé, la malice encore sournoise s’installe et vient s’ajouter à toutes les confusions enveloppant la situation du Nord Mali. Cette situation de crise « instrumentalisée » notamment par les affidés du MNLA devient de plus en plus inquiétante. Elle l’est d’autant plus que peu d’entre ceux qui s’en sont chargés n’ont jusque là, pas pris la pleine mesure de ce qui nous est arrivé depuis le 30 mars dernier. De cette date au 15 septembre 2012, cela fait cinq mois et demi que nous sommes toujours sous le coup d’une impasse profonde qui nous enfonce davantage dans le labyrinthe de la rébellion et du narcotrafic.
Au fait, tout se passe comme si chacun a une vérité prééminente et à chacun sa solution. Celles-ci sont présentées par des procédés insolites comme étant les meilleures, non pour être convenues ou appliquées, mais pour influencer ou exclure d’autres.
Bon Dieu, qu’est-il arrivé au Mali et aux maliens ?
Entre paradoxes et dilemmes, la situation est certes complexe pour tous les urgentistes agités auxquels il faudrait rappeler en permanence la réalité du Mali affaibli, apeuré et esseulé. Face aux contraintes multiformes, il faudrait savoir raison garder et se décider à faire face aux dilemmes dans la gestion de la crise sécuritaire actuelle. Il faudrait aussi se convaincre que toutes les options qui s’offrent actuellement aux maliens, sont toutes mauvaises les unes que les autres. Cependant, les maliens sont condamnés à faire un choix. Oui, nous sommes obligés de choisir notre voie. Oui, nous sommes contraints de nous préoccuper véritablement des populations au Nord Mali, en leur prêtant main-forte.
Dès la première décade d’avril 2012, nous avions instillé l’idée de ne compter à priori que sur nos propres ressources et sur nos propres forces pour recouvrer entièrement notre liberté et notre dignité. Oui, il nous revient à nous-mêmes de donner forme à nos projets à l’instar du combat de Mandela empruntant ces mots à Hamlet : « A ceux qui affirment que tout arrive pour une raison, il répond que la raison, c’est nous ; et nous faisons que les choses arrivent. »
Alors : Qu’est-il est advenu en ce pays, du passé glorieux tant chanté : Empires du Ghana, du Mali, du Songhoï ? Qu’allons-nous répondre face au jugement de l’Histoire ? La réponse est en nous-mêmes.
Qu’il s’agisse de préférer les négociations à la guerre, de substituer le fédéralisme au processus de décentralisation, d’organiser des élections sans le Nord-Mali pour contraindre les autorités de transition à ne pas perdurer, les maliens les plus honnêtes savent que tout cela est un leurre. En effet, ça le sera tant que la volonté souveraine de s’en sortir ne redeviendra totale pour en être le principal guide. Ce faisant, arrêtons de louvoyer en obstruant tous les détours sinueux et inutiles.
Certes, nous ne réfutons pas la difficulté pour certains acteurs d’appréhender correctement la complexité de la situation malienne et les enjeux qui s’y attachent. Néanmoins, nous ne pouvons accepter aucune adjonction à la campagne destructrice menée par les affidés du MNLA sur le Nord Mali et encore moins tolérer le diktat d’organiser des élections dans une situation chaotique comme celle du septentrion en cette année 2012. Il urge de sortir rapidement de toutes ces confusions : i) les négociations chantées par des gens lovelaces ; ii) l’utopie d’élections sans le Nord Mali (iii) et le rêve fédéral des nostalgiques.
1ère confusion à contourner : Négocier ou faire la guerre ? Quel paradoxe ?
Après six mois sans assistance sécuritaire officielle aux populations laissées sous le joug de la barbarie, pourrait-on encore justifier cette posture ? Dans ces conditions, que peut-on négocier ? C’est cela le dilemme que nous, maliens, devrions résoudre. Car nous avons toujours honte de constater que nos gouvernants n’ont pu se résoudre à l’évidence. Déclarer l’état d’urgence ! Organiser l’assaut pour repousser tous les assaillants est notre seul salut. Actuellement, c’est la seule issue pour mettre fin à cette incurie profonde qui mine le pays. Et depuis cette date fatidique du 30 mars 2012, rien n’a été fait pour repousser les occupants. Rien n’est également fait pour dissiper les malentendus et sortir de toutes les confusions. Rien que le mirage…
Alors, il faudrait enfin se raviser et éviter les fuites en avant, après cinq mois et demi voire six mois de saupoudrage. Maintenant, il faut de la clarté, par une prise de décision courageuse, pour soulager les populations et prévenir tout nouveau désordre, car les signes d’une grande fébrilité sont visiblement entrain de se propager.
Tantôt, c’est le signe d’ouvrir de façon désordonnée des négociations avec « ceux qui voudraient combattre les terroristes. Tantôt, c’est le signe des contacts isolés sans emprise sur les réalités de terrain, avec en toile de fond une volonté effrénée de remettre en scelle les officiers intégrés qui ont trempé dans la gestion des milices (arabe et touarègue) si ce n’est tout simplement ceux qui avaient rejoint le MNLA, reconvertis depuis peu en Ançar dine ou MUJAO selon les localités.
De qui se moque-t-on lorsqu’on tente de faire une distinction entre terroristes ? Car le premier des terroristes est bel et bien le MNLA. Où est le patriotisme, lorsqu’on n’hésite pas, pour des causes subalternes, à tromper le peuple malien, en collaborant avec les bourreaux des populations restées en leur demeure, sur leurs propres terres – le dernier socle des économies locales ?
Alors, dites-nous pourquoi six mois après, cette inertie est-elle doublée d’une duplicité coupable qui traduit le refus d’armer moralement les hommes de troupe ? Par exemple, en faisant la paix entre tous les frères d’armes au delà de la couleur des « bérets » et des corps d’origine afin qu’ils se décident ensemble d’entonner le chant de la libération sur le champ des batailles au Nord Mali.
Dites-nous, qu’est-ce qu’il y a encore à négocier avec des gens restés sourds à tous les appels de sagesse et qui ont asséché les économies locales et familiales ? Que peut-on espérer, sans agir, avoir comme liberté et paix, après six mois d’impasse et d’une impuissance révoltante de ce qui reste de l’Etat du Mali ? Que peut-on céder au MNLA qui a pillé les stocks d’armes au Nord-Mali ? Que peut-on négocier avec ces criminels et terroristes du MNLA dont certains se sont abrités sous le manteau du médiateur de la CEDEAO. Ce dernier ne daigne même pas vouloir les désarmer, refuse d’imiter les autorités nigériennes qui ont su faire montre d’une rigueur exemplaire et d’une solidarité agissante à l’endroit du Peuple malien ? Que ce soit clair pour chacun d’entre-nous : les populations ont résisté du mieux qu’elles le peuvent, et elles persévèrent encore dans cette voie.
Il revient maintenant au gouvernement en place de trouver les voies et moyens pour repousser les occupants des zones occupées. Aujourd’hui, la guerre nous est imposée. Et nous devons agir si l’on se préoccupe tant soit peu de la liberté de ces populations restées courageusement en ces lieux de « terreur et de détresse ». En ce sens, la seule posture qui vaille – c’est de privilégier la reconquête militaire des zones occupées.
Parallèlement, le dialogue politique sera conduit de manière à sortir d’une première confusion, celle des exactions et de tous les crimes commis depuis le 17 janvier 2012. Il faudrait à terme que justice se fasse. C’est un des préalables à la paix sociale.
L’autre préalable au dialogue politique, c’est la nécessaire évaluation du « pacte national » dont le total des décaissements de ses projets & programmes est évalué en décembre 2011 à environ 49 % du total des financements projetés sur la période de juin 1992 à janvier 2012 (début des hostilités).
Cela correspond à un peu plus du milliard de dollars sur près de 20 ans. Comparé à l’aide budgétaire annuelle accordée au Mali estimée à près d’un milliard de dollars, on en déduit un pauvre ratio de 1/20ème des ressources disponibles sur le même pas de temps. Cependant, seuls les résultats d’une évaluation détaillée seront susceptibles de mieux nous renseigner sur la destination réelle des fonds ainsi que sur le degré d’efficacité et d’efficience dans l’utilisation des montants décaissés.
2ème confusion à contourner : Des élections sans le Nord Mali ???
Au paradoxe des négociations, s’est ajouté celui d’une problématique organisation d’élections au moment où l’Etat malien s’est effondré. Cette utopie place le Mali sur un petit nuage de stabilité retrouvée. Quelle imagination, cette trouvaille déroutante ?
Non conscient de pouvoir considérer l’Etat malien coupable de n’avoir su préserver l’intégrité territoriale du pays depuis au moins 2003, on pousse le toupet et l’outrecuidance des « nouveaux resquilleurs » d’envisager la possibilité d’« élection » sans le Nord Mali. Est-ce parce que personne ne porte encore la responsabilité civile et politique de cette chute des villes forteresses du Nord Mali ?
Aussi, est-ce parce que nul ne se sent troublé par le fait qu’aux différentes sessions des examens 2012, « de nombreux jeunes maliens ont involontairement été exclus de la compétition, malgré les démarches initiées auprès du ministère en charge de l’éducation » ? Est-ce parce qu’en vérité, on n’a pas encore compris que l’enjeu porte sur l’existence même du Mali ?
« Organiser précipitamment des élections » dans le contexte chaotique actuel serait inconcevable et cela ne mettrait pas les maliens à l’abri de contestations funestes auxquelles ils ont pu échapper en avril 2012, faute d’élections.
En plus, « organiser inconsciemment des élections sans le Nord Mali » serait un autre coup d’état contre la souveraineté du Mali, et à l’encontre du Peuple malien dont le suffrage, en partie méprisé, sera quand même sollicité sous le diktat de l’extérieur.
Le peuple malien, à l’instar des autres peuples du monde, a sa propre histoire à laquelle doivent se ressourcer tous ceux qui prétendent un jour conduire sa destinée. Les maliens ont cette capacité à produire plus d’énergie, à déployer des efforts supplémentaires pour gagner en efficacité et sortir de cette confusion sur une improbable élection de plus.
Envisager « d’organiser des élections sans le Nord Mali » est en soi une honte. Au moment où les populations ressentent jusque dans les tréfonds de leur être, l’angoisse, la déprime morale et le déshonneur, cela est amoral.
Si l’approche est politique, la démarche est opportuniste et politicienne. La légitimité que l’on semble accorder « aux pouvoirs « dits » élus » n’en est pas une, dès lors que ce sont des autorités issues d’élections dites démocratiques depuis 1992 qui nous ont conduit droit dans le gouffre dans le sillon d’un fossé creusé depuis 1968. Chacun des gouvernements successifs entre le dernier trimestre de 1968 et le premier trimestre 2012 est en partie responsable de ce chaos. Alors, n’en rajoutons pas encore, plus de désordre au mal, car le peuple malien est en droit de refuser d’en être la seule victime.
Voudriez-vous que les maliens sombrent davantage dans l’ignominie, qu’ils puissent tolérer l’intolérable dans l’inconscience la plus totale ? Comment pouviez-nous persuader que ceux qui clament la lutte contre toute forme de discrimination ne sont pas entrain de la pratiquer dans l’indignité là où les populations restent sous la frayeur d’une douleur exquise ?
Souhaiteriez-vous bénéficier à l’avenir de notre simple respect puisque nos suffrages sont nuls et de toute nullité, selon vous ?
Non ! A l’évidence, tous ceux qui participeront à ce jeu de dupes devraient comprendre qu’ils auront contribué à fragiliser davantage le Mali, et à préparer le terreau d’une très grande instabilité institutionnelle.
Aux politiques de se battre pour une fois – tous à hauteur égale, sans en payer le prix réel pour nombre d’entre- eux et sans supporter la charge due à leur part de responsabilité dans cette bêtise, pour que le Nord soit vite libéré. Ce serait déjà une contribution importante pour faire recouvrer au Mali de son lustre ancien.
Aux forces vives, de s’investir pour encadrer et maitriser durée de la transition à l’effet de produire un résultat optimal dans des délais raisonnables.
3ème confusion à contourner : le rêve fédéral des nostalgiques (la semaine prochaine).
En conclusion :
Pour renforcer les dispositions d’une véritable paix sociale, il ne saurait y avoir d’élections quelconques sans la libération des zones occupées. Bien malin sera celui qui détectera ô combien, les règles d’interférence sont manipulées par les resquilleurs dans l’antre de la crise malienne. Il n’y a de place à d’hypothétiques négociations que si les groupes rebelles rendent les armes, et les assaillants mis hors de nos villes et villages.
A cette condition, nous œuvrerons pour une paix sociale consolidée au sortir de la reconquête militaire du septentrion. Et en ce moment seulement, on pourrait envisager des négociations qui se feront bien plus tard lorsque nous serions au bout du labyrinthe de la rébellion. Ces négociations engageront à la fois, l’Etat malien, les communautés peuplant le Nord Mali, impliquant éventuellement l’Union africaine voire l’ONU.
Cette démarche procède d’une initiative qui avait été proposée en 1995 (sous la dénomination « La Grande Rencontre de Gao ») réfutée à l’époque par le garant de la Constitution au profit de la flamme de la paix. Cette fois-ci, cette démarche s’imposera d’elle-même à travers une approche inclusive et un vrai dialogue social qui va refonder un devenir commun durable et fixer les nouvelles règles d’une cohabitation pacifique. Ceci interviendra seulement lorsque les assaillants auront été dégagés loin de la frange fluviale.
Alors, l’option militaire est à fonder inévitablement. Il faut se résoudre à combattre les assaillants. Et plus tard des mécanismes seront définis pour un nouveau cadrage en matière de justice, d’équité, de sécurité, d’éducation et des choix de développement.
En ces instants si particuliers pour les maliens, on ne peut se satisfaire de cette situation paradoxale de ni paix, ni guerre. En cela, aucune des options (ni guerre, ni négociations) n’ouvre la voie de sortie de « l’entre-deux, mortel pour les populations des zones occupées ». La seule solution viable est de sortir de cette confusion tout en affirmant la nécessité d’observer les principes de justice sociale à la fois pour fonder les règles de fraternité et construire au Mali les bases d’une stabilité non factice.
Alors, comment faire pour refléter ces principes et règles dans notre façon de poursuivre l’objectif commun de libérer nos villes, villages, hameaux et zones de transhumance du Nord Mali ?
La meilleure réponse, c’est d’« être le changement promis le 22 mars 2012» et non la négation de ce changement proclamé. Faisons en sorte que chaque malien puisse être habité du vœu profond que le changement recherché est enfoui en chacun de nos concitoyens pour libérer le Nord. En ce sens, suivons ce précepte de Ghandi : « Soyez le changement que vous recherchez ».
Ainsi, soyons nous-mêmes, ce « changement » que nous réclamons. Alors, soutenons la meilleuredes mauvaises options qui s’offrent à nous pour libérer le Nord Mali. Aujourd’hui, seule l’option militaire permet de recouvrer les libertés collectives et individuelles et de préserver l’intégrité territoriale. L’échéance d’une reconquête par les armes a été repoussée jusque là, mais, cela s’imposera en définitive. Un premier pas salutaire vient d’être effectué sous un serment officiel à travers la requête adressée par les autorités du Mali au Conseil de sécurité.
M. Abdoulaye Idrissa MAÏGA
Ingénieur Analyste de Projets
Citoyen de la Cité des Askia – Daoudabougou – Bamako
Très belle analyse Mr Maïga. Ce de ça que nous avons besoin en lieu et place des singéries de Mariko and co à travers leur mouvement d’apatrides qui manque d’idées et de cohérence.
Comments are closed.