Son tè pan a den la ngounouma (La gazelle ne peut bondir et que son petit, le faon, rampe)

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Tiègoum Boubèye Maïga
Tiègoum Boubèye Maïga

« Vous avez passé 23 ans à la tête de l’État » lui dit le procureur général Mme Manassa Danioko. « Rectification lui répondit Moussa Traoré. J’ai fait 22 ans, 4 mois et 7 jours au pouvoir ». Nous étions au procès « Crimes de Sang », en novembre 1992. En ce temps-là, beaucoup de ceux qui vibrionnent  de haine aujourd’hui, l’insulte à la bouche et la bave à la commissure des lèvres ou qui sont au pouvoir comme on dit n’avaient pas encore perdu toutes leurs dents de lait. Nous sommes dans la semaine des Martyrs et je m’autorise quelques rappels pour bien fixer le cap et dire qui nous sommes. Peut-être que ceux qui pensent que le Mali n’a que 30 ans comprendront enfin que le Mali indépendant et souverain existe depuis le 22 septembre 1960. Je vais leur parler un peu de ce Mali qu’ils occultent sciemment parce qu’ils y ont partie liée, eux et/ou leurs commanditaires, ce Mali qui n’est pas à l’avantage de certains d’entre eux (ils pourraient dire « cachez-moi ce Mali que je ne saurais voir »). Et accessoirement, avec un peu de bonne volonté (je sais que ce serait trop leur demander), ils sauront qui sont les Maliens qui ont vécu les affres de la dictature, les Maliens dont le nom seul suffit à définir le mot martyre. Ils sauront qui sont ces Maliens, jeunes et vieux, enfants et adultes, hommes et femmes qui, dans leur irréfragable envie de libertés, ont combattu la soldatesque à mains nues, ont fait le 26 Mars , ont apporté la démocratie. Ils sauront qui sont ces Maliens qui se taisent estimant n’avoir fait que leur devoir de génération et dont certains n’arrivent pas à faire leur deuil de la perte d’êtres chers (on nous a dit ici, par dédain pensant faire du sarcasme, qu’il n’y a pas eu de morts, il n’y a eu que des fous qui ont été tués).

J’ai commencé par l’extrait de l’échange entre le procureur général Mme Manassa Danioko et le général Moussa parce que le procès « Crimes de Sang » fut l’épilogue d’une longue nuit sur laquelle régnait l’ancien président de la République avec ses compagnons du Comité Militaire de Libération Nationale au nombre de 14 mais dont le nombre s’est réduit comme peau de chagrin suite aux luttes intestines sur fond de trahison et d’éliminations physiques. Delà où il est, que Dieu ait pitié de Moussa Traoré. Mais l’histoire retiendra qu’il est l’initiateur des manquements à la parole donnée, au serment prêté. Quand il a pris le pouvoir, il avait déclaré qu’il le rendrait au bout de 6 mois. Il a fait 22 ans, 4 mois et 7 jours. Je ne vais pas m’attarder sur ce règne de terreur ou dresser un nouveau réquisitoire mais je survolerai juste quelques faits à l’intention de ceux qui ne parlent que des 30 ans de la démocratie « où rien n’a été fait, où le Mali a été vendu, où la corruption a gangréné le pays », etc.

Je commence par l’armée. À la chute du régime de Moussa, GMT pour les intimes, les Maliens découvraient incrédules les conditions de vie des militaires, des conditions infra-humaines. A l’occasion des visites dans les casernes, on se frottait les yeux pour le croire. Mais ce sont les militaires qui l’expliquaient le mieux : « ils ont pris le pouvoir en notre nom mais ils ont été les seuls à en profiter, regardez vous-même nos conditions  de vie ». Effectivement ça dépassait l’entendement. Les dortoirs étaient dans un état miteux et ressemblaient plus à des porcheries qu’à des lieux où on loge nos militaires , souvent ceux de l’élite. Mais comme c’est au nom de l’armée que de nombreux crimes ont été commis, elle a solennellement demandé pardon lors de la Conférence nationale. C’est la démocratie qui a remis l’armée sur ses pieds et lui a donné ses lettres de noblesse. La réforme de l’armée a commencé sous l’impulsion du Président Alpha qui a donné carte blanche au ministre feu Boubacar Sada Sy pour mener les réformes. L’armée est montée en puissance bien avant aujourd’hui, bien que cela ne devienne un slogan aux relents politiciens. ATT a fait ce qu’il devait et IBK a continué le chantier. Ceux qui ont renversé IBK investissent dans l’équipement et la formation militaire mais ils savent très bien l’investissement qui a été fait par IBK en termes de formation (Assimi  dirigeait le Bataillon armée des forces spéciales spécialement créé et équipé pour lutter contre les terroristes ; Wagué était chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, il sait le nombre d’avions achetés et leur équipage formé, etc.). Mais quand on a la haine , ce n’est pas pour 24 heures. Ceux qui n’ont jamais eu l’onction populaire lors des différents scrutins avaient comme une sorte de revanche contre la démocratie. Se cachant derrière ceux qui ont pris le pouvoir , ils ont monté des légendes pour montrer que la Démocratie a détruit l’armée. Comme leur histoire qui consiste à faire croire aux Maliens et à d’autres que Alpha a déclaré qu’une armée forte constitue une menace pour la démocratie d’où son acharnement à détruire l’armée malienne. Malgré mes incessantes interpellations, personne n’a pu me dire à quelle occasion Alpha a fait cette déclaration. J’espère sincèrement qu’après leur départ ou le retour à une vie constitutionnelle normale initialement annoncé pour 18 mois en août 2020, il ne se trouvera pas de militaires pour dire qu’ils « ont pris le pouvoir en notre nom mais nous n’en avons pas bénéficié ».

Je ne m’éloigne  pas trop de l’armée dans la mesure où il y a une abondante littérature concernant le crime le plus grave : l’abandon voire la vente du Nord de notre pays. Comme le Mali n’a pas existé pour eux avant ces 30 dernières années, il faudrait bien doucher quelque peu leur ardeur à déblatérer des mensonges. Pour ceux qui savent lire, je les revoie aux Accords de Tamanraset signés le 06 Janvier 1991. Pour avoir la paix et pour mieux se concentrer sur les manifestants exigeant la démocratie à Bamako, le régime de Moussa Traoré a accepté de démilitariser le Nord et de démanteler toutes casernes. Les Accords de Tamanraset constituent les ancêtres de tous les autres accords et pacte signés souvent dans des conditions qui ne nous ont pas toujours été favorables. Aujourd’hui, la réoccupation des villes suite au départ de la Minusma constitue une fierté légitime. Je ne parlerai pas de l’insécurité sur fond de terrorisme, parce qu’il y a du boulot qui reste et je salue personnellement dévouement de nos militaires qui se battent contre un ennemi qui a muté.

« Son tè pan a den ka ngounouma ». Parlant des enlèvements, avec ou sans cagoule, Moussa Mara se demandait quand est-ce que cette nuit noire allait prendre fin. C’est vrai que les Maliens en parlent de plus en plus fort parce qu’ils ont tendance à se banaliser. L’ancien premier ministre Choguel Kokalla Maiga se surprend à dénoncer aujourd’hui les arrestations extrajudiciaires et l’instrumentalisation de la Justice, comme si cela ne se faisait quand il était à la Primature. La liste des détenus est plus longue que mon bras. Pour un Oui ou pour un Non, on peut avoir maille à partir avec la Justice souvent pour des motifs qui laissent perplexes. Du temps de Moussa, c’était pire. La liste des opposants déportés dans le Nord (Kidal, Taoudénit, Ménaka, Anderamboukane, Gao, etc.) est très longue. Les survivants qui ont pu revenir gardent encore dans leur chair les séquelles de la maltraitance dans ces bagnes mouroirs. Du temps de Moussa, la cagoule était petite, c’est  carrément dans un sac qu’on enlève les gens. Il n’y avait aucune liberté. Comme les Maliens sont des génies, ils ont inventé les grins. Les cadres se retrouvent entre eux pour jouer à la belote, boire du thé et surtout parler des problèmes de la nation. Or je remarque que le phénomène grins est de retour. L’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, si je ne m’abuse, est le premier à avoir remis au goût du jour les grins plus dans un souci de proximité avec les populations dans la perspective des joutes électorales que de vouloir contourner des restrictions. Maintenant tout le monde en fait. Il y a le Grin, le petit Grin et le grand Grin. La manœuvre. Insiste à contourner la réduction des espaces d’expression libre. Que les autorités, les hautes comme les plus hautes, n’ont qu’à lâcher du lest. Les Maliens ont une grande capacité de résistance , de résilience même . Mais ils sont comme le roseau qui plie sans jamais rompre et qui peut faire très mal en se redressant. Moussa l’a appris à ses dépens lui qui a répondu à l’imam Balla Kalé à l’occasion des présentations de voeux que « foyi tè digui malienw na ».

« Son tè pan a den ka ngounouma ». Ils affirment avec le front qui les caractérisent que c’est durant ces 30 ans que la corruption est née ou presque. Ne leur en déplaise, la corruption est née et a grandi sous le régime de Moussa Traoré. Elle avait tellement prospéré qu’il a été obligé de créer la Commission spéciale d’enquête sur les crimes de corruption et d’enrichissement illicite dont le siège était à Dar-salam, l’actuel siège de l’école supérieure de journalisme (ironie du sort). Je dois signaler que déjà en 1974, le CMLN prenait une ordonnance portant répression des atteintes aux biens publics. Je le dis souvent, peut-être de manière maladroite, on parle de corruption aujourd’hui parce que personne ne la nie, parce que les moyens de communications, les hommes de médias, la société civile, les juges, ont suffisamment de liberté et d’outils pour en parler et pour la réprimer. Mais il convient de rajouter que tous les instruments de lutte contre la corruption ont été mis en place par la démocratie. La démocratie a formé les juges, leur a donné les moyens d’assumer leur indépendance. La démocratie a fait des juges les fonctionnaires les mieux payés de la fonction publique, des fonctionnaires qui ont des gardes corps, qui ont été formés à pouvoir utiliser les pistolets et possèdent chacun une arme de défense. La démocratie , à travers l’OCLEI, oblige certains fonctionnaires à déclarer leurs biens. Actuellement seuls 5 ministres ont déclaré les leurs dans un gouvernement qui en compte 29 et ça n’émeut personne.

Je ne terminerai pas sans parler de la situation des fonctionnaires. Ils faisant 3 mois ou 4 mois sans salaire. Les fonctionnaires de la catégorie A étaient payés à moins de 40.000 francs CFA. La démocratie a permis la revalorisation des salaires. Aujourd’hui même le SMIG dépasse les salaires de la catégorie A de l’époque. La démocratie a favorisé le libéralisme économique. Nous avons un secteur privé florissant et prospère. Je pourrais parler de l’école et du temps où les petits enfants portaient sur leur tête leur table banc. Je pourrais parler de la santé et du temps où il n’y avait qu’une seule clinique et un seul Cescom. Je pourrais parler de l’hôtellerie où il n’y avait que l’hôtel de l’Amitié et dans une moindre mesure le Grand Hôtel. Bien entendu, tous ces secteurs comportent des tares. Le système et les hommes ont travesti le serment. Mais au lieu de passer notre temps à lécher nos plaies, corrigeons les dysfonctionnements et avançons. Que chacun face sa part et passe le témoin, comme dans une course de relais. La démocratie a permis de limiter le nombre des mandats ainsi que leur temps. C’est pour cela que tous les 5 ans, on appelle les citoyens à juger le bilan, à reconduire l’équipe ou à la changer. Nous sommes donc là, nous qui avons souffert le martyre, nous qui avons fait Mars, qui avons œuvré à l’avènement de la démocratie. Je pense que ceux qui limitent l’existence du Mali aux dernières 30 ans, ont épuisé leur temps de parole.

C’est avec plaisir que je dépoussière un vieux proverbe russe: « on a voulu faire mieux mais finalement on a fait comme d’habitude ». Ceux qui ont la charge et la chance de diriger le pays devrait le méditer. Personnellement je crois en eux et je sais qu’ils feront tout pour que le pays émerge. Je ferai de mon mieux, dans le domaine que je maîtrise, pour les accompagner.

 

Tiégoum Boubèye MAIGA

 

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3 COMMENTS

  1. UNE IDIOTIE QUE “MEME D’ESSAYER” DE FAIRE UNE COMPARAISON ENTRE LE MALI DE 1968 ET CELUI DE 2020. PENDANT LES ANNEES 80 A 90 J’AI VECU DANS LE CAMP DU 34 BATAILLON DU GENIE MILITAIRE, NON LOIN DU CELIBATERUM PRES DU BUREAU DU CHEF DE CORPS. OUI LES CONDITIONS N’ETAIENT PAS MAXIMALES, MAIS NOS SOLDATS ETAIENT HEUREUX
    QUAND EST CE QUE LES MALIENS COMPRENDRONT QU’ON AVAIT PAS DE PAYS DEPUIS 2012?

  2. Maigake, tu dois apprendre le Bamanan kan un peu plus: so c’est le cheval et pas la gazelle. Ensuite sur le sujet meme, tu t’es trompée d’adresse car en effet c’est Moussa Joseph qui suit les traces de son père Joseph Mara que nous avons tous connus comme un ennemi du Mali! On s’en souvient et on efface pas simplement au tableau de l’histoire!

  3. Rather lengthy lie. I stop reading when he put forth Mali had sovereignty in 1960. Having sovereignty in name is far from having sovereignty in action. Truth is if nation do not have sovereignty in action it do not have sovereignty. If Mali had had sovereignty in action in 1960 it would not have been so reliant on NATO France plus likely would not use CFA as its currency.
    Maybe Moussa Traore pride would not allow him to admit that leaders of Mali including him was knowingly is servitude to NATO France. It is Mali led by President Goita that have acknowledged what sovereignty is, demanded it plus receive it or “raise hell”.
    People of Books!
    Henry Author Price Jr aka Kankan

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