Société et politique : Pour une redéfinition de notre étape

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Me Amadou Tieoule Diarra XD’emblée un remerciement à tous ceux et à toutes celles qui ont contribué de par leur écrit à faire comprendre le sens des résultats des élections de 2013 et 2014.

 

 

« Alliances contre-nature », « démocratie perdue », « démocratie sans répères » « élections embrouillées » telles sont quelques caractérisations des tableaux des élections de 2013 et 2014. Si on rémonte dans le temps, il ya de cela 5 ou 6 ans, j’étais de ceux qui pensaient que « la différenciation politique qui s’était dessinée sous le Président KONARE s’est estompée ou dégradée en 2007 à tel point qu’on ne sait pas si ce sont les effets de la mondialisation ou le retour au moyen âge qui ont contraint les partis à certaines alliances en 2007 ? »

La vie s’est chargée d’apporter des éléments de clarification et il ne nous est pas permis, en cette période que nous traversons de décrire avec satisfaction les résultats des deux élections sans avoir d’abord essayé d’analyser notre société sur laquelle ces élections reposent.

 

 

En fait la question centrale soulévée par les récentes élections est de savoir s’il existe une harmonie entre les organisations politiques maliennes avec les structures sociales à la base.

Les résultats des deux consultations que nous venons d’avoir permettent-ils d’établir des rapports rigoureux entre les organisations politiques et les structures sociales à la base ?

Deux phénomènes importants sont à noter. D’une part les partis politiques au Mali  se sont maintenus (malgré tout), est-ce par la force de la tradition républicaine ou par quelle volonté ? D’autre part, malgré la profondeur des crises économiques des vingt années qui se sont écoulées l’aspiration de marcher dans les sillages de nos aieux n’a pas été un seul instant absente des discours politiques !

 

 

Si le coup  d’Etat et les crises qui en sont issues ont sensiblement eu des impacts négatifs sur les organisations politiques, en revanche, les structures sociales ne se sont guère modifiées irrémédiablement dans les campagnes et certains vieux quartiers des villes.

Nous devons sortir d’un cadre trop juridique et mathématique des élections et renouveler notre étude par la connaissance des réalités sociales. Notre époque est bien le 21e siècle, mais j’ai peine à admettre l’application à nos sociétés actuelles de méthodes de recherche fondées sur des critères de comportements électoraux ou de choix qui conviennent mieux à des sociétés beaucoup « occidentalisées ».

 

 

La base fondamentale des sociétés maliennes, c’est la famille,  le mariage le lignage, etc. Le mariage même conclu entre deux individus de milieux différents reste un mariage entre deux familles, trois voire même plusieurs.

 

 

Beaucoup d’analyses faisant état d’un échantillon concluent à une généralisation, en l’espèce, hasardeuse de ce qui est « occidental » à nos réalités socio-culturelles. Je n’ignore pas que le système des degrés de parenté dans la famille d’aujourd’hui, a mis à l’épreuve l’existence du droit d’aînésse qui en impose aux cadets relégués à une situation inférieure .

 

 

Autrement dit le cadet peut ne pas voter comme l’aîné, l’aîné comme le père.

Je voudrais simplement expliquer que la famille, le « clan », la tribu forment en campagne et même dans certains quartiers péripheriques le noyau de certains partis. Et les partis mettent souvent à leur tête de tels membres de famille, capables de leur apporter la force politique indispensable aux élections.

 

 

Ce qui est important aujourd’hui de savoir est de cerner cette notion de famille en tant que groupe social dans son rapport avec un système électoral républicain.

 

 

Les élections de 2013-2014 nous ont mis en présence de deux catégories de groupes sociaux : les organisations associatives au-dessus parfois des partis de façon apparente, et d’autres organisations dont les contours sont moins visibles et qui établissent entre les leaders et les individus des liens d’une autre nature transcendant les partis en tant qu’organisations. Il est vrai que les partis politiques n’ont pas manqué de vigueur  sous le Président KONARE  (allant jusqu’à la conspiration contre son pouvoir!). A l’agitation des partis sous AOK succède sous ATT une période de tranquillité mettant les partis politiques en sommeil sauf en ce qui concerne le SADI de 2007 à 2013.

 

 

Ce qui caractérise les 20 ans, ce sont les divisions, les scissions au sein des partis débouchant sur l’existence même de ‘’factions’’ (au sein des partis) qui se disputent le pouvoir en dépit du fait que chaque formation politique est en relation plus ou moins étroite avec les autres ‘’factions’’ !! (Ex des scissions du PDP, RDA, CNID, ADEMA, PARENA, etc).

 

 

Ce dont on a le sentiment aujourd’hui c’est qu’il n’y a pas d’intéraction entre les doctrines politiques établies sur les papiers et les faits sur le terrain.

 

 

Si l’on consulte les discours et interventions du chef de l’Etat actuel, I.B.K, il est en admiration pour les acquis du RDA de 1960 à 1968 et ses références constantes à de très vieilles ‘’doctrines’’  du soudan médiéval contenues dans les récits de Ibn Battuta, El Bekri, le Tarik EL Fettach de Mohamed Kati, etc.

 

 

Ces doctrines et merveilleuses pratiques qui sont d’un prestige incomparable et d’une source d’inspiraiton sont constamment invoquées par le Président IBK et même la plupart des leaders politiques maliens. Mais leur application qui est prônée par tant de maliens et maliennes signifie qu’il nous faut une nouvelle force novatrice pour bousculer nos mauvaises mœurs financières, pratiques et surtout politiques pour arriver à établir un rapport cohérent entre les formations politiques et les positions politiques sur le terrain.

 

 

Les discours, messages et interventions du Président IBK sur ‘’la dignité’’,‘’l’amour du Mali’’‘’l’invitation des jeunes à visiter l’histoire du Mali’’,‘’se nourrir de fierté’’‘’nos ancêtres ont fait telle ou telle œuvre et nous-mêmes ?’’, ce sont là des discours de la renaissance d’un passé glorieux mais qui mettent en valeur des principes républicains. En effet, le voyage et les discours d’IBK à Nouakchott sont les plus convaincants et éloquents qu’il ait prononcés depuis son accession à la magistrature suprême. Je ne suis pas sûr qu’il en sera autant. La réaffirmation de notre identité culturelle à travers quelques principes républicains ont été mis à l’honneur.

 

 

 

Lui-même est sous la loi :la loi positive comme la loi divine « toute personne mise en cause,  fût-il IBK qu’à Dieu ne plaise, répondra », « la chose publique devra être sacrée et elle le sera » « à ce stade de ma vie je ne saurai faire autre chose » « le devoir de partage egal et de justice » « la confiance du peuple ne sera pas galvaudée » , « le rôle du chef de l’Etat est de garantir qu’une once d’un Malien ne soit  prise  » ; « Une gestion vertueuse pour un pays pillé avec les mains et même les pieds » , « rebâtir un pays  de droit dans la paix et pour un Mali nouveau », « celui qui préside au destin des Maliens ne doit pas mentir, (par ce que ) craint le regard de demain, de reprobation ».

Le Président IBK a touché les deux grands problèmes de notre temps : notre attitude envers « la chose publique »et nos « vertus ancestrales » et le rapport entre l’homme et son semblable « ce pays ne sera plus le jouet de personne … ».

 

 

Si le souci d’ordonner, de comprendre et de « ne pas perdre du temps » caracterise le discours de IBK, on pense aussitôt raison, c’est à dire l’engouement pour la raison. Et son raisonnement intellectuel repose essentiellement sur la construction de l’humanisme. Qui peut signifier à la fois la prédilection pour notre passé glorieux et l’attachement à la création et à l’homme. D’où la renaissance de toute la création exemplaire de 1960 à 1968 et la « restauration » de nos valeurs ancestrales dans un cadre republicain.

Alors IBK exprime –t-il un idéal ou une réalité ?

 

 

L’idéal est essentiel  dans la vie de toute société comme la nôtre et il l’a envisagé non pas sur une base individualiste ou partisane mais en commun «restons unis, formons un front, le front du Mali…..ma main reste tendue dans la fraternité….la kalachnikov par dérrière …. ».

 

 

IBK n’appelle pas au ralliement à un ‘’consensus’’, tel que nous l’avons vécu douleusement. Non, les mots on leur sens. Il s’agit d’un front et bien sûr un front ! Ce front à la base les Maliens l’ont prouvé dans une cohésion claire et nette à travers les élections législatives. Les alliances loin d’être‘’contre- nature’’ reflètent la réalité des strucures sociales à la base. La différenciation politique au sommet des partis politiques n’a pas pénétré les masses avec une conscience aigue de leur appartenance à telle ou telle formation. Ce qui compte pour eux c’est le pays.

 

 

Pourtant, malgré  cette réalité et la sincérite  de l’appel de IBK à la création d’un front, il nous faudra faire l’effort d’échapper  à la situation de Chili de Salvador  Allende. Allende était d’origine bourgeoise mais profondément un homme de gauche.

 

 

Allende usa de toute une pédagogie pour trouver un point de ralliement entre la bourgeoisie chilienne et l’extrême gauche chiliènne. Le Danger qui guêtait le Chili démocratique était très mal perçu par les uns et les autres.

 

 

J’invite les lecteurs à partager avec moi ce passage extrait d’un livre intitulé « SAVALDOR ALLENDE : L’enquête intime de Thomas Huchon que j’ai personnellement rencontré à Paris à la parution du livre en septembre 2010« Longtemps, la bourgeoisie reprochera à Allende d’être un traite à sa classe. Il a commis le crime impardonnable de lèse-majesté : défendre les pauvres, et même pire, demander à sa propre classe (la bourgeoisie) de se suicider avec joie ! (…). Il devenait difficile de conserver l’amitié de ceux auxquels on souhaitait imposer des changements essentiels. Allende croyait en ces rapports humains, et les maintenait avec ses adversaires politiques alors que sa gauche acceptait mal l’idée que son candidat pactise avec l’ennemi ».

Et comme dédicace après l’achat du livre, Thomas Huchon écrit ceci : « Pour un Professeur d’Histoire des Institutions, voilà donc un autre moyen de rentrer dans celle du Chili. C’est aussi l’occasion de faire revivre nos rêves et de les réaliser.

Pourquoi pas au Mali ? L’histoire est à nous, ce sont les peuples qui la font ».

A nous de méditer tout ça !

 

Me Amadou T DIARRA

Historien des Institutions

Membre de la Société des Etudes

Robespierristes-France

Tel : (223) 66 72 37 10 / 77 64 00 78

Email : atdiarra@yahoo.fr

 

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11 COMMENTAIRES

  1. Bonjour grand maître A T, vous nous rendez toujours encore plus fier. Bravo pour la qualité de cette réflexion.

  2. Grand professeur Diarra, qu’allah tout puissant vous donne longue vie. Je suis tellement impressionné par votre ouverture d’esprit… Je vous adore

  3. Les chargés à la communication d’IBK doivent lui faire lire ce document. Walay c’est trop fort.

  4. Cher ami, tu est l’un des seul Diarra que je respecte. Tu as vraiment des idées a la suite. Merci pour cet article que j’ai vraiment trouvé pertinent. i traoré

  5. Me AT de tout les temps. Merci pour cette belle reflexion qui cole avec la realité et l’actualité nationale….

    A nous de méditer tout ça !

  6. C’est bien Me.
    Il faut que vous les intellectuels acceptent de jouer votre rôle, il ne faut pas rester en marge et après critiquer quand c’est gratté. C’est ce qui nous est arrivé avant, les intellectuels n’ont pas joué pleinement leur rôle, ils n’ont pas du tout anticipé sur les événements pour expliquer au peuple ce qui était en préparation. C’est pourquoi le choc a été trop dur pour les populations. Je pense qu’avec vos connaissance de l’histoire et des institutions et même des régimes, vous êtes à mesure de comprendre et d’analyser des situations présentes et en tirer des hypothèses pour expliquer au peuple, pour moi c’est ça le rôle des intellectuels.

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