Et la maladie commença après Modibo. Ce magnifique texte écrit par notre compatriote expatrié aux Usa, Chérif Haidara, a été publié, il y a deux ans en septembre 2010. Ces aspects descriptif et instructif sur la mentalité dominante du malien contribuent à bien comprendre la crise actuelle que vit notre pays en 2012. Nous pensons que cet impressionnant texte mis à la Une attirera admirablement votre attention.
Il a fallu l’apport et le support de la science pour que nous comprenions que la faim que nous ressentions dans les tripes lui est dictée depuis le cerveau, que les yeux ne voient qu’avec la commande du cerveau, que l’articulation du verbe est articulée depuis la matière dite grise. Bref, tout est orchestré à partir de ce centre nerveux.
Le corps humain est constitué de plusieurs systèmes, eux-mêmes composés de plusieurs organes chacun jouant sa partition à merveille et en harmonie étroite avec les autres. Tant que leur fonctionnement suit leur rythme naturel, on dit que l’on est saint d’esprit et de corps ; on est en bonne santé.
A chaque fois qu’un organe faille à sa partition, il dérange le ou les système(s) auxquels il appartient, le corps le ressent et souvent de façon violente. On devient donc malade.
Prenons le Mali comme un corps et l’ensemble des maliens, les hommes et les femmes, les jeunes et les moins jeunes, les citadins et les ruraux, les artistes et les artisans, etc.…, comme ses organes et chacune de ces couches sociales comme un de ses systèmes. Il va s’en dire par déduction que lorsque les maliens ne joueront pas leur rôle pour quelque raison que ce soit, les strates auxquelles ils appartiennent deviendront défaillantes et subséquemment, le Mali se portera mal ; il sera alors malade.
Le Mali souffre de presque tous les maux qui existent dans l’encyclopédie clinique des nations sur la voie de la désuétude parce que ses organes, les maliens, sont mal en point. Cependant, il y a dans le corps humain comme dans la société des composantes majeures, ceux sans lesquelles respectivement, il ne peut avoir de vie et ceux sans lesquelles il n’y a pas de conscience nationale. Il n’y a pas de vie sans le cerveau, il n’y en a pas sans le cœur. Aussi, une nation sans conscience et sans but ne vit pas mais, se trouve sous alimentation artificielle ; il vivote. Oui ! Vous avez bien deviné, le cerveau d’un peuple ce sont ses fils et filles.
C’est un euphémisme que de dire que le Mali va mal, en réalité, c’est le malien qui souffre et comme la logique des vases communicants, il en vient que le Mali en pâtisse, comme la défaillance des organes fait souffrir le corps, les maliens font souffrir le Mali. Un sage me confiait des années déjà que l’ennemi mortel du Mali n’est rien d’autre que le malien. Ce grand pays, moins par sa superficie que par les idées qu’il a incarnées, l’a été quand ses fils et filles étaient vaillants, et, si il se démantibule aujourd’hui, c’est le fait que ces derniers s’abâtardissent. Il n’y a pas d’effet sans cause bien que chez nous on veuille toujours soigner l’effet sans chercher la cause.
Le cerveau de l’Homme est divisé en deux hémisphères cérébraux (droite et gauche), eux-mêmes repartis en plusieurs compartiments, à chacun est assigné un ensemble de fonctions bien précis Le néocortex, par exemple, du côté gauche du cerveau, contrôle les activités mentales les plus sophistiquées tandis que le côté droit contrôle principalement les fonctions liées aux corps de l’Homme. Dans la société aussi, il y a parmi ses composantes deux couches extrêmement importantes qui constituent le baromètre de son développement. Ceux qui détiennent le savoir et ceux là détenant le pouvoir. Comme l’encéphalopathie et la tumeur cérébrale entre autres, sont des pathologies connues qui menacent le fonctionnement du cerveau et ultimement la vie de l’Homme, la corruption, la prévarication et la mauvaise foi des sachant et des capables, elles aussi, finissent par saper le destin de tout un peuple, de toute une nation ou, faisons court ce qui est court : de tout le monde.
En matière de soin, l’étape la plus cruciale reste toujours d’établir un diagnostic correct. Nul besoin d’avoir été un disciple de Pasteur ou de Montagnier pour identifier les causes qui alitent ce pays depuis des décennies. La faute incombe, bien sûr, à tous les maliens mais principalement aux deux couches suscitées ; les bénis de la force intellectuelle et les oints de la force temporelle. Commençons par ceux qui ont la force de la pensée. C’était Sartre qui formulait que : Un intellectuel est forcement compromis. Oui, compromis parce qu’il ne peut connaître la vérité et continuer à l’affaiblir où à l’occulter. La foi qu’il détient doit agir pour la lumière de nous autre sinon, comme demandait Jean Racine : la foi qui n’agit pas, est ce une foi sincère ?
Nous parlons de l’intellectuel et non du diplômé car, il n’existe presque aucun diplôme sur la face de la terre qui n’ait été détenu par un malien. Bon enfin!!! Nous pouvons nous tromper. Où se trouve le Mali avec toutes ces brillantissimes? Pour nous, des figures comme Bazoumana Sissoko (le lion) ou Djéli Baba Sissoko et tant d’autres que nous ne citerons pas, pour ne pas devenir lacrymal, sont des intellectuels au sens noble du terme. Leurs idées et leurs enseignements ont fait tâche d’huile dans les mentalités collectives. Lorsque l’intellectuel perd la charge morale de son sacerdoce, lorsque son engagement se rétrécit à célébrer les chrysanthèmes selon le diktat des puissants et à s’accommoder du statu quo, il nous sied bien de porter la soutane et de lire dans Apocalypse 3 : 16 : « Ainsi parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche ».
De toute l’histoire de l’humanité, les porteurs de message ont toujours souffert de l’oppression des forts. Notre classe des sachant, dans sa vaste majorité, a refusé depuis de se compromettre moins avec la vérité qu’avec le pouvoir. La névrose finit toujours par avilir le cerveau comme le pouvoir finit toujours par corrompre les moins vertueux. Un intellectuel malhonnête est plus dangereux qu’un honnête ignorant qui lui, se trompe de bonne foi et est facile à éclairer. C’est pourquoi nous préférons les ténèbres de l’ignorance à la fausse lumière de l’erreur.
Heureusement, il y en a qui nous donne espoir, parmi la poignée citons pelle mêle Aminata Dramane TRAORE, l’honorable Konimba SIDIBE, Amadou Djikoroni TRAORE haut perché de ses 84 ans, le Pr. KONATE Dialla et son « think tank » etc…mais une hirondelle fait elle le printemps ?
A nos « fondés de pouvoir », le pouvoir ne doit être ni une lutte ni une fin mais, plutôt un moyen et il vient avec la responsabilité. Parce que notre culture du pouvoir est erroné pour notre époque, nos actions qui activent ce pouvoir s’avèrent la plus part du temps en deçà ou au delà, inappropriées ou à contre courant de la réalité.
Le Mali a-t-il eu l’élite dirigeante qu’il fallait au moment ou il le fallait ?
L’état actuel du pays donne la réponse cinglante : Non.
Il y a plus de vingt ans que l’on parle de corruption au Mali. Il y a plus de vingt ans que le débat sur l’Education fait rage. Il y en a autant depuis que l’emploi des jeunes est sur la table. Il y a longtemps que la sécurité alimentaire et sécuritaire au Nord n’est pas résolue. Nous avion toujours entendu parler de la dépravation des mœurs, de la faiblesse de l’Etat à résorber certaines crises inhérentes à la vie d’une nation (grève des enseignants, du corps médical, débrayage corporatiste, etc.). Mais c’est bien parce que ceux qui savent et ceux qui peuvent manquent de vision, de rigueur et d’autorité pour conduire ce pays là, dès lors, comment s’étonner que les républiques changent, les gouvernements changent sans que rien ne change véritablement.
Le pire au Mali est l’argumentaire de la pauvreté du pays alors que les détournements se chiffrent à des centaines de milliards de francs annuellement. Les premières années de l’indépendance avec le premier régime, et parce qu’il était le premier, ont vu surgir des chantiers énormes qui présageaient d’un dynamisme fougueux qui s’estompa très vite avec les contradictions dans l’exercice du pouvoir et quand on devrait être rigoureux dans l’exécution des objectifs. Au finish un coup d’état inconsciemment applaudi par un peuple qui n’avait pas compris les enjeux des lendemains de régime militaire. Ces militaires ont-ils mieux fait que ceux qu’ils ont renversés ? L’histoire a pourtant donné le verdict.
Les prochaines vingt trois années ressembleront bien à un gâchis hors gabarit. Les capables avaient obligés les sachant à parler dans la gourde comme au Mandé. Ironie du sort, nous sommes sur les terres du Mandé. Au soir du 26 Mars 1991, cet autre régime subira le sort du premier. A cet instant décisif, nous croyions à un nouveau départ. Cette brève transition qui se mit en place n’était courte que par sa durée mais, les effets qu’elle léguera à la démocratie naissante n’ont pas fini de surprendre.
Les pseudo-démocrates qui ont pris les rênes ont-ils fait oublier les despotes d’hier ?
S’il en était, le marasme qui sévit actuellement serait conjoncturel et non structurel.
Une tête bien pensante donne des commandes précises à ses membres, la tête pensante dans ce pays donne des signaux conflictuels aux autres couches de la société.
Cette élite pensante, a pensé les nouvelles méthodes corruptives, les stratégies électorales avec les cooptations et les listes communes qui continuent d’affaiblir la liberté du choix. La transhumance politique n’est pas le fait du boutiquier de la rue, c’est encore eux qui, dès les premières crises d’idées au sein de leur parti, en créent d’autre. Le Mali, et il n’est pas le seul en Afrique, a plus de partis politiques que toute l’Europe de l’Ouest réunie. On nous rétorquera que la démocratie c’est aussi cela. Mais, est ce que tout le permit est il souhaitable ? La liste est impressionnante de ce que les éclairés et les forts font subir sur ce pays. Peut-on les énumérer dans les détails sans un mortel ennui ? Essayez voir….
Dans quelques jours, il est question de célébrer un cinquantenaire dans un pays où les hôpitaux sont défaillants, où l’école est en crise, où l’électrification existe sur moins de 15% de son territoire, où l’insécurité est palpable avec les narcotrafiquants et les grands bandits qui ont pignon sur rue. Dans cet univers aux valeurs tronquées, qui en sont les artisans ? C’est encore eux.
Dans une démocratie, lorsqu’il y a un coupable, nous sommes tous responsables. Il est vrai que la tête et le cœur sont des organes majeurs du corps humain qu’il faudra entretenir par l’activité mentale et physique pour qu’ils fonctionnent sans ambages. Le peuple aussi se doit, par un certain nombre d’activités, à avoir un droit de regard sur ceux qui prétendent parler en son nom, agir en son nom et défendre l’intérêt de tous. S’il faillit à son devoir, alors il doit entendre ce hadith du prophète Mohamed (SAW) : « Kamà takuunou walla allaykoum » Tels que vous êtes, vos dirigeants le sont aussi.
Hô si ! Le malien de nos jours a de très grandes qualités mais aussi d’innombrables petits défauts dont le fatalisme, le manque de rigueur, son hostilité à la critique, sa docilité à ne pas dénoncer,… etc.
Un de ses fils méritant, le sage de Badiangara, Thierno Bokar TALL avait prophétisé de façon prémonitoire ce qui se déroule sous nos yeux impuissants en assenant ces lignes : De tous les temps, ceux qui arriveront seront les pires, pourquoi ? La vérité n’aura pas d’effet, le bien ne sera plus attirant et le mal ne sera plus repoussant, le mensonge n’aura plus de méfaits…. Voilà de quoi réfléchir.
Il y a ceux qui font quelque chose ; ceux qui regardent ce qui se fait et ceux qui demandent ce qui se fait. Ensemble faisons quelque chose.
Chérif Haidara aux Etats-Unis d’Amérique
Merci M. Haidara, vos contributions sont toujours très remarquables et chargées de symboles.
Nous sommes dans un faut pays, du moins dans un pays où il ya plus de fausses gens.
Dépuis que l’on perd nos dignités, il ne peut plus avoir de vérité, de justice, d’honneteté, d’où le cao dans tous les domaines et malheureusement la majorité ne prennent pas conscience.
Analyse pertinente.
Bravo les femmes et les jeunes du nord vous faites la fierte d’un peuple dont son armee lui a abandonne
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