Situation socio politique : Une analyse de M. Amadou Traoré dit Amadou Djicoroni (1re partie)-

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Dans une contribution de belle facture, M. Amadou Traoré dit Amadou Djicoroni décortique les causes profondes de la crise malienne, du coup d’Etat du 19 novembre 1968 au coup de force du 22 mars 2012, en passant par la gestion calamiteuse des démocrates de juin 1992 au 22 mars 2012. Non seulement, il propose des réformes institutionnelles pour que notre pays se relève, mais ne souhaite pas la tenue des élections au mois de juillet. Nous vous proposons la suite de cette première partie de la contribution de Amadou Djicoroni.

 

Problème du Nord Mali

Pour comprendre la genèse des évènements qui ont agité le Nord de notre pays, il faut savoir qu’il existe deux forces centrifuges : l’une d’origine externe et de nature impérialiste ; la seconde interne et de caractère racial, quoique des alliances  puissent les souder provisoirement même si, objectivement, des contradictions les divisent

Le fait est que, malgré l’hostilité et l’opposition de plusieurs parlementaires d’Afrique du Nord et de l’Afrique Sud saharienne, l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) fut créée par la loi française n°057-7-27 de 10 janvier 1957 parue dans le Journal Officiel de la République Française du 12 janvier 1957. Le but officiellement proclamé était de «promouvoir toute mesure propre à améliorer le niveau de vie des populations et à assurer leur promotion économique et sociale dans le cadre d’une évolution qui devra tenir compte de leurs traditions».

Et Max Lejeune alors ministre français, inaugurant le pipeline n°1 à Toggourt en Algérie, déclarait : «Dans quelques années, la France, aidée par des concours extérieurs arrivera à obtenir son ravitaillement en carburant et deviendra directement après les USA et l’URSS la 3è puissance énergétique mondiale». Et c’était bien là le véritable mobile de la création de l’OCRS qui a causé entre 1958 et 1960, une véritable fièvre dans les milieux, capitalistes et gouvernementaux français.

Le projet OCRS échoua parce que le gouvernement de la République soudanaise dirigé par l’US-RDA, s’opposa fermement à cette tentative d’atteinte à notre intégrité territoriale, et parce qu’il fut rejeté par la plupart des chefs de tribus et de fractions.  Cette folle entreprise a donc été enterrée à l’installation du premier Conseil de gouvernement de la République soudanaise, en présence du Haut Commissaire de la France et de l’inspecteur des Colonies : la partie soudanaise était représentée par le Vice-président du gouvernement, Jean-Marie Koné et le ministre de l’Intérieur Mamadou Madeira Keita. Le projet d’amputation du territoire soudanais au profit de l’OCRS, fut retiré devant l’opposition ferme de la partie soudanaise.

L’année suivante, en 1958, en présence du gouverneur général des Colonies, Messmer, en visite chez nous, le conseiller territorial de Goundam, Mohamed El Mehdi, chef général des Kel Antassar revendiquait l’indépendance de la zone saharienne qu’il voulait faire ériger en soi-disant «République des Lithamés» pour  «soustraire les nomades blancs à la domination de leurs anciens esclaves noirs». Le Gouverneur général Messmer envisageait favorablement la requête.

Le chef Kel Antassar persista dans sa volonté de sécession définitive qui aboutit, à la rébellion qui se manifesta dans l’Adrar des Iforhas et fut jugulée en 1964. Un noyau résiduel sécessionniste a persisté longtemps après et a trouvé refuge au Maghreb.

Mais il reste que parmi les tribus touareg, le mouvement de rébellion n’ait touché ni les Ouilliminden de Ménaka, ni les Kel-Bourem, les Irreguenaten et les Iguadarane de Gourma Rharous, ni les Kel Temoulaït et les Tillémédès de Tombouctou, ni les Tingueréguif de Goundam et de Diré. Il en serait de même des tribus arabes des Kunta, des Tormoz et des Idreylouba et enfin parmi les Kel Tamashek des Deg Hawalane, des Kel Haoussa et des Kel Essouk.

La première rébellion, celle de 1963-1964 a été réglée par l’emploi simultané de solutions militaires et politiques. Sous la direction de l’US-RDA, les notables et patriotes Tamasheq de l’époque ont amené plus de révoltés à rendre leurs armes aux autorités civiles et militaires que ne l’a fait l’armée malienne. C’est ce qui transparait dans l’interview que le président Modibo a accordée à des journalistes algériens en août 1964.

Après avoir précisé que le mouvement de rébellion de 1963 était «circonscrit dans le seul cercle de Kidal», le président Modibo Keita a déclaré : «Vous savez que de tout temps cette région a été le théâtre d’opérations militaires des troupes françaises en raison de difficultés que la France avait rencontrées (alors que la République du Mali était le Soudan français)… pour intégrer ces populations accrochées à leurs montagnes dans le cycle normal de la vie du territoire. Et les derniers événements entre ces rebelles et les troupes françaises datent de 1958. C’est vous dire donc que pendant les 78 ans de domination coloniale, cette région n’a jamais été totalement pacifiée.»

Le deuxième élément, c’est que pendant longtemps, ce secteur a été soumis à une administration militaire, et que certains officiers Français, devant la poussée du nationalisme en Afrique et la perspective de constituer un Etat saharien autonome comprenant le Sud algérien et le Nord des pays situés au sud de l’Algérie, avaient tenté de créer un sentiment anti-noir dans cette région. En effet, on faisait croire à ces Touareg qu’ils étaient des «Blancs» et qu’il était impensable qu’ils puissent accepter une domination noire.

Le troisième facteur qui a surgi après notre indépendance, c’est qu’en raison de notre option, nous avons tenu à éliminer tous les vestiges de la féodalité dont l’aspect le plus inacceptable comme système était une forme déguisée de l’esclavage et de l’exploitation des populations par les féodaux.

Enfin le quatrième point, c’est que ces populations nomades, précisément celles de l’Adrar des Iforhas, vivaient en marge de la société malienne et n’étaient pas accessibles à notre option d’une Nation malienne s’étendant du Sud algérien aux limites avec la Haute Volta (actuel Burkina Faso), la Côte d’Ivoire et la Guinée au sud.

D’autre part, l’exercice et l’édification économique du jeune pays devenu indépendant imposent à chaque citoyen des charges qui sont en proportion avec ses moyens. Or les nomades de cette région avaient été habitués à vivre en dehors de toute réglementation ; c’est vous dire en d’autres termes qu’ils ne payaient pas d’impôts. … La République du Mali  a mis un terme au système de servage, liquidé la féodalité… Les membres des conseils de fractions et de tribus étant élus par l’ensemble de la population de la fraction ou de la tribu, le chef de la fraction ou de la tribu ne peut rien décider sans qu’au préalable il y ait l’accord d’une majorité du Conseil de la fraction ou de la tribu…

Le dernier chef rebelle a été abattu en juillet dernier (1964)… pratiquement le mouvement a été liquidé et les autres comparses se sont rendus soit aux unités de sécurité algériennes, soit aux unités de sécurité maliennes.

«Nous devons dire également que notre action a été appuyée par les populations qui ont refusé de céder au chantage de ces rebelles. Certains jeunes et certains vieux de ces populations ont même aidé nos unités de sécurité à poursuivre les rebelles et n’ont pas hésité à voisiner avec ces mêmes unités contre des rebelles.

Il est évident que si ces résultats ont été obtenus, alors que comme je vous le disais tout à l’heure, un état permanent de troubles et d’insécurité régnait dans cette région, ce fut certes grâce à la qualité de nos troupes, mais aussi à notre organisation politique, parce que pendant que les forces de sécurité œuvraient contre les rebelles, le Parti, par les tournées de ses responsables politiques et administratifs, poussait les contacts jusque dans les moindres centres où il éclairait les populations sur la réalité de notre conception socialiste, et c’est ainsi que, très rapidement, le mouvement a été liquide».

Ce n’était pas un arrangement ; c’était un règlement. Comme le disait le président Modibo Keïta, «les problèmes, il faut les régler, car à force d’arrangements, on finit par déranger la République elle-même». La solution a été tellement efficace que plus aucun des rebelles de cette époque n’a repris les armes. Ceux qui, 27 ans après se sont manifestés en 1989 n’ont rien à voir avec la première rébellion.

Le régime CMLN-UDPM, tout en assurant la promotion personnelle de cadres nomades véreux, raviva l’opposition sédentaires et nomades jadis encouragée par le colonialisme, et la cristallisa en procédant à la surreprésentation des populations nomades au détriment de leurs compatriotes sédentaires.

A suivre

Le 17 avril 2013

Amadou Seydou Traoré

Libraire éditeur

Tél : (223) 76 05 76 67

E mail : aslaruche@yahoo.fr

 

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1 commentaire

  1. Une Biblithèque Vivante de l’histoire du Mali#Les peuples qui ne savent pas rendre homage à leurs Héros(Patriotes) sont toujours condamnés pour l’éternité!Des gens de ce calibre doivent etre consultés par tous!Merci!

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