Le service public doit être un sacerdoce et non une source d’enrichissement facile

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La cité administrative
La cité administrative à Bamako,la capitale malienne.
AFP

Le constat irréfutable et malheureusement fort désolant, que nous avons tous pu certainement faire  dans notre pays, c’est cette folle ruée vers les fonctions publiques électives et nominatives, devenues aujourd’hui de véritables sinécures pour certains  compatriotes. Ainsi, nous avons assisté à l’occasion des locales du 29 juin 2014, à un acharnement immodéré de ceux-là. Egalement à des guets au Palais faits à la veille de chaque formation du gouvernement, par certains de nos compatriotes assoiffés de pouvoir et avides d’argent. Tout cela, rien que pour occuper à tout prix, certaines fonctions électives ou nominatives, à cause de leur nature juteuse aujourd’hui, et pour les privilèges exorbitants qui leur sont rattachés. Et pourtant à l’origine, ces nobles fonctions  étaient un véritable sacerdoce. Leurs occupants d’hier, se mettaient avec abnégation au service de leurs populations et défendaient leurs intérêts sans contrepartie. Ils s’y employaient à cœur, uniquement pour l’honneur et la satisfaction d’avoir accompli un service, utile à l’endroit de leurs concitoyens et mandataires, moyennant une modeste  et raisonnable indemnité compensatrice de remboursement de frais.

Cela dit, il est maintenant devenu urgent pour notre pays, de faire un retour aux sources ou à l’orthodoxie de ces fonctions de service public. Autrement dit, il faut mettre fin à cette actuelle république de privilèges en faveur d’une minorité et leurs amis au sommet de l’Etat, pour l’instauration de celle des droits et devoirs de tous les citoyens, sur la base de l’équité, de la probité morale, de la compétence et du seul mérite.

Notre pays s’est en effet engagé sur le plan des émoluments et traitements des salaires dans le public comme la gestion des affaires du pays en général, dans une voie suicidaire et intenable à la longue, parce que sans issue, ou alors, que celle inévitable d’un échec certain. Quand on y ajoute un train de vie si dispendieux en constante progression de l’Etat, surtout avec ses fameux fonds politiques spéciaux, accordés presque à toutes les institutions de la République, l’absence d’un contrôle rigoureux des dépenses publiques, il y a de fortes probabilités que notre pays ne connaitra pas de si tôt, l’émergence souhaitée. C’est une aberration de parler dès lors de développement dans de telles conditions défavorables, où les principales ressources du pays sont affectées à nos gouvernants et non au service du développement de la nation. Comme le dit Montesquieu : « Quand dans un royaume il y a plus d’avantage à faire sa cour qu’à faire son devoir, tout est perdu »

C’est encore justement, l’occasion  de réaffirmer toutes ces valables raisons majeures, qui président à la nécessité urgente de procéder à la refondation profonde de nos institutions, conformément à nos réalités économiques, sociales, culturelles…, dans les plus brefs délais. En vue de nous doter d’institutions solides, fortes et crédibles, pour quitter ainsi cette dangereuse trajectoire sur laquelle nous sommes en ce moment. Par conséquent, et pour aller vite sans perte de temps inutile au demeurant, il faut soumettre au référendum les présentes conclusions et recommandations fins prêtes de la CNRI, qui ont passé en revue et au peigne fin, toutes ces questions vitales qui nous préoccupent, pour une meilleure conduite des affaires publiques, sur des bases justes, égalitaires et de mérite.

Nous pensons qu’il est très utile voire important et pour que nul n’en ignore, d’apporter un éclairage en matière d’avantages et de risques entre le service public et secteur privé, dans le cadre de la République. A cet effet, faisons un succinct parallèle, pour marquer la différence fondamentale entre les deux. Il est de notoriété que la Fonction publique garantit l’emploi aux fonctionnaires et agents de l’Etat, quasiment de manière irréversible, sauf cas de force majeure. Par conséquent, l’emploi une fois acquis est assuré et garanti avec en plus, tous les avantages y afférents tels que la couverture médicale de la famille, la pension de retraite mensuelle équivalente à peu près à un salaire de base sans indemnité, le droit au logement, etc. Par contre, l’emploi dans le secteur privé procure certes un salaire substantiel, mais n’offre pas la garantie. Celle-ci est étroitement liée à la satisfaction du service commandé ou au respect strict du contrat souscrit. Par conséquent, une évidence nette de risques réels qui planent en permanence comme une épée de Damoclès sur l’employé. Et naturellement, il y a une règle générale absolue, qui prévoit qu’en cas de faute lourde ou d’objectif fixé non atteint, l’employé est sanctionné, quel que soit du reste son niveau hiérarchique occupé dans la Société. Ce qui montre que dans le secteur privé, il est fait exigence dans le travail de l’employé, qui requiert un résultat probant. Ceci  dénote  qu’il y a une réelle précarité ambiante et permanente de l’emploi dans le privé, tout le contraire de celui dans le public.

Alors, signalons que c’est sous le régime de Diouf, que l’on a commencé à tailler sur mesure les émoluments des ministres et autres membres du gouvernement, sous forme de « dessous de table ». Une appellation qui dénote déjà d’elle-même, l’intention du chef de corrompre, par le caractère hors la loi du fait qui ne laisse aucune trace et probablement n’est pas soumis à l’impôt, donc condamnable. Ce geste représentait en fait, un supplément ou plus exactement un pot-de-vin en plus du salaire réglementaire, que le président de la République remettait à chacun d’eux. C’était le début des dérives et graves inégalités de traitement dans la gestion des affaires publiques et du personnel de l’Etat. Et le mal est allé crescendo par la suite, avec l’arrivée de Me Wade au Pouvoir.

Celui-ci, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, a mis totalement les pieds dans le plat, en bouleversant tout, dans le pays tout entier, sens dessus dessous, notamment toutes les règles de bienséance qui étaient établies auparavant dans l’Administration publique. Ainsi, sa gestion calamiteuse et chaotique a donné naissance à toutes les difficultés que nous vivons en ce moment notamment l’indécence enrichissement illicite et autres biens mal acquis. Et en plus, il a instauré le laxisme et le laisser-aller, et a favorisé aussi l’impunité totale en faveur des délinquants qui étaient tous, ses proches.

Le paradoxe aujourd’hui chez nous,  c’est qu’effectivement, les choses vont de mal en pis dans le service public et parapublic. Alors, au lieu que l’Etat ramène les traitements de salaires de ces élus et membres de l’appareil gouvernemental à un niveau acceptable, à savoir à leurs justes proportions, conformément à l’état réel de nos ressources financières peu reluisantes, non, le président de la République continue à rémunérer cette catégorie, comme le faisait son prédécesseur. Ainsi, de manière discriminatoire, une minorité perchée au sommet de l’Etat, est grassement payée et couverte de privilèges exorbitants à n’en pas douter, sans aucun rapport avec la compétence requise. Une minorité composée essentiellement de ministres, d’élus et d’autres personnels de direction de sociétés d’Etat, de conseils ou d’agences nationales, sans que leur rendement effectif ait un apport positif dans la bonne marche du pays et notamment son service public. Et pourtant on note bien cependant  que leur travail est peu soigné et insatisfaisant pour un service public performant en direction des besoins des citoyens. Mais malgré tout, cette minorité choisie dans le tas et au sommet de l’Etat par affinité et proximité avec le chef, en lieu et place de la compétence et de l’éthique, est grassement rémunérée au-delà de toutes proportions gardées. Dans le même temps où le pays n’arrive pas faire face à ses urgences de l’heure et à satisfaire ses nombreux besoins de développement ou d’émergence arrivés à maturité.

Le président Macky Sall devrait savoir raison garder. Il est en fait inadmissible, que les élus et autres personnels affectés  au service public soient rémunérés comme les employés du privé, alors qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes obligations. Et à y regarder de près d’ailleurs, ils les surclasseraient même, si l’on tenait compte de tous les avantages matériels et privilèges dont ils bénéficient, alors qu’ils ne sont pas soumis à aucune contrainte ou exigence de résultat dans leur travail, tel que c’est le cas dans le privé. Et pire encore, il arrive quelquefois que certains d’entre eux, malgré tout, poussent leur cupidité  et indécence jusqu’à détourner en plus, les deniers publics sous leur garde, sans courir aucun risque. Ces pratiques prédatrices, qui ne se répriment pas comme il se devait dans le public, ce qui est dans le privé inconcevable et sévèrement sanctionné, ont pris d’ailleurs beaucoup d’ampleur depuis lors chez-nous. Cet état de fait a débouché naturellement sur une gestion du pays peu vertueuse, calamiteuse et à la mal gouvernance généralisée, parce que toutes ces brebis galeuses, des prédatrices notoires, bénéficient  jusque-là d’une protection d’impunité totale des autorités en place. C’est  tout de même une attitude inadmissible de faiblesse ou de complicité des autorités, qui tord le cou à l’éthique,  aux vertus et valeurs morales de la République. Comment, malgré le constat dûment établi de ces graves dérives par des organismes habilités et commandités par l’Etat, que ce dernier puisse quand même fermer les yeux par-dessus tout, sans même daigner appliquer aux contrevenants, la moindre des sanctions qui s’imposaient à leur encontre, dans de tels cas d’espèce ?

A l’évidence, de nombreux citoyens sont maintenant  assez édifiés sur la mauvaise gestion du pays et ses causes, surtout la dilapidation de nos ressources financières. Ainsi, avec une gestion si peu orthodoxe, qui se fonde particulièrement sur des irrégularités et pratiques contraires aux règles élémentaires d’une bonne gestion, ce résulta ne devrai surprendre personne. En vérité, cette manière particulière de gérer les affaires publiques, ne profite qu’aux gouvernants en général et à leurs proches. Au demeurant, nos gouvernants, loin de rompre avec ces pratiques de gestion nauséabondes si décriées hier avec Me Wade, par la majorité des citoyens, ils les perpétuent plutôt, en lieu et place de retourner de manière souveraine et courageuse, aux sources et à l’orthodoxie des valeurs du service public, dans la République et un Etat de droit. Nous invitons le président de la République à méditer ceci : « Qui croitdevoirfermer les yeux sur quelque chose se voitbientôtforcé de les fermer sur tout.  » de Jean-Jacques Rousseau Extrait d’ Emile ou de l’éducation.

Avec l’avènement de la seconde alternance survenue le 25 mars 2012, c’était à l’évidence, l’esprit de solidarité et de patriotisme affirmé qui devait prévaloir dans toute la République. Un tel esprit de haute portée citoyenne, devait émaner logiquement du président de la République d’abord, de son gouvernement et de l’Assemblée nationale ensuite et enfin, de toutes les institutions de la République, qui ont en charge la conduite des affaires publiques du pays dorénavant.

Comme par enchantement, ils sont maintenant singulièrement interpellés par l’exemple de ce Maire. En effet, « Bathie Gadiaga, élu nouveau maire de Ngaye, une localité du département de Mbacké, a décidé de renoncer à son salaire et à l’ensemble de ses privilèges que lui accorde sa nouvelle fonction de maire. » a de son propre gré, pris cette noble initiative qui, au-delà de son exemplarité, constitue un acte citoyen de solidarité et de patriotisme de haute portée. Et, il est à saluer vivement. Osons seulement espérer, que son acte et esprit de  renoncement feront des émules dans la République, mais et surtout, une tache d’huile au sommet de l’Etat où la cupidité règne en maître.

Au regard de cette méthode de gestion cinquantenaire qui tourne toujours le dos aux intérêts des larges couches populaires déshéritées du pays, il est temps de mettre fin maintenant à cette république des privilèges comme la nôtre, pour son retour à celle des droits et devoirs citoyens imprescriptibles, autrement dit, à un Etat de droit consacré.

Tout ce qui précède doit être revu à la loupe dans le cadre judicieux des réformes incontournables venues à maturité. Il devra l’être  avec un esprit de justice sociale non discriminatoire, de solidarité nationale de partage des peines et des joies et de patriotisme à toute épreuve. Et naturellement, le tout, rien que pour l’intérêt général bien compris du peuple sénégalais dans toute sa composante, diversité et complexité.

A cette étape historique précise de la marche de notre pays, nous avons nécessairement besoin de dirigeants intègres, qui ont le courage de gérer leur pays dans l’impartialité parfaite au service du peuple ; qui assument leur mandat ou mission comme un sacerdoce avec un esprit de renoncement, de solidarité, de patriotisme et non, de dirigeants cupides qui se servent à la fois de leurs fonctions et du peuple, uniquement pour s’enrichir illicitement,  et sans honte, au détriment de leur peuple. Objectivement, nous manquons de leaderships d’une telle envergure dans l’arène politique comme dans l’espace social. C’est cela, notre problématique au Sénégal !

Et comme le dit le proverbe chinois : « Le chemin du devoir est toujoursproche, mais l’homme le chercheloin de lui.  »

Mandiaye Gaye

Gaye_mandiaye@hotmail.com

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