Réformes Constitutionnelles : Le Juriste Baba Dakono, président de Solidarité de Kalaban-coro, fait des mises au point

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Les réformes adoptées par l’Assemblée nationale par une écrasante majorité ne sont pas seulement utiles, elles sont aussi essentielles à notre jeune démocratie, qui, comme toute autre œuvre humaine, elles ont besoin des retouches de perfectionnement. La nécessité de cette correction ne fait l’ombre d’aucun doute (ne se dément pas). Faut-il rappeler, qu’il y a quelques années (sous le régime Alpha Oumar Konaré) il a été question d’un projet de Lois portant sur la révision de la constitution. Lequel avait été déposé sur la table des élus de la nation.

 

Le Référendum n’a certes pas eu lieu, mais le Président de la république bien convaincu de la nécessité de réviser la constitution du 25 février 1992 avait suggéré à son successeur d’y procéder au moment qu’il jugera opportun pour le faire. Au fil des temps, les questions qui motivaient l’initiative de 2000 sont devenues aujourd’hui de véritables sujets de préoccupations de l’ensemble des maliens et des maliennes.

 

Le projet comme fonds de commerce politique !

 

S’opposer au projet pour attirer la sympathie d’un quelconque électorat et de paraître par la même occasion comme étant des connaît- tous, tout en bondant sur le sujet comme s’il était question de se frayer un fonds de commerce. Eh bien, sachons garder raison ! Aujourd’hui, les hommes politiques qui animent l’opposition démocratique, veulent transformer les enjeux de ce projet de ces réformes constitutionnelles, en un simple fonds de commerce. Ils se sont appliqués à faire apparaître au grand jour des questions purement politico philosophiques et partisanes. D’où ces nombreuses questions et interrogations qui font que le peuple est confronté à des calculs de philosophes politiques et de partisans admis à l’école des échecs de tout bord.

C’est vrai que le débat est quelque peu politique, mais quant à en faire un fonds de commerce politique ; c’est là, la grande inquiétude ! Nombreux sont les hommes politiques, qui au lieu de se contenter de leurs carences, se mettent à jeter de l’huile sur du feu. Ils sont aussi nombreux (parlant des hommes politiques) à animer les débats autour de ces Reformes Constitutionnelles avec passion, ce dans une totale démagogie, ne prenant en compte rien de positif de ces Reformes, qui par contre en plusieurs points sont conçus d’éléments clés entrant parfaitement dans la construction du pays. Le pays commence à trop souffrir de ses politologues de la 25ème heure qui n’ont aucun argument valable pour défendre leur position d’hommes politiques carrents. En démocratie, il est bon de s’opposer souvent à un pouvoir, mais quand il s’agit de s’opposer à tout, même à la réalité, cela est synonyme de démagogie et de la pire malhonnête alourdies d’une extrême méchanceté. Toute chose qui ruse de façon intellectuelle et aveugle le cours normal de l’évolution démocratique. Pour ma part, c’est la terrible découverte que j’ai eu à faire au cours de cette expérience que nous vivons actuellement au Mali. Je me pose aussi, la question suivante : combien d’arguments objectifs faut-il empiler pour faire changer une préférence politique affective ? Et si le débat juridique à bien du mal à exister, n’est-ce pas qu’il ressort quelque part que ceux qui réclament ce débat seraient en réalité des gens qui chercheraient plutôt à être confirmés dans leurs croyances médiocres et dépassées ?

 

Il n’y a pas de période exclusivement consacrée à la révision constitutionnelle

 

Le problème pour d’autres, c’est le moment choisi pour la révision constitutionnelle. Pour eux, le changement souhaité, doit attendre. Car, selon toujours eux, il existe bien d’autres priorités. Quelles priorités ? Les insuffisances dont parlent ces experts politico philosophes n’ont jusque là pas tué des personnes. Que cela soit compris par tous. En somme, l’erreur est-il d’avoir conscience d’un problème en choisissant de ne pas agir ou bien de chercher des solutions pour le problème, avant d’être au pied du mûr, fussent-elles insuffisances. J’estime, comme le disais Bourguiba, qu’être réaliste, c’est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre, à un miracle impossible. Les partisans du « sur place » et du « plus tard c’est mieux » peuvent encore essayer de me convaincre de la nécessité pour une République de se maintenir dans un système qui a déjà montré ses limites. Sinon, je reste convaincu que nul besoin n’ait de vivre un second 26 mars pour adapter notre architecture institutionnelle aux réalités sociopolitiques qui sont les nôtres.

A ceux-là qui pensent que l’Etat ne doit s’occuper que des élections ensuite autres choses, j’estime qu’ils doivent contenir leur besoin de parler pour parler. « Certes, je ne suis qu’un. Mais je suis un. Je ne peux pas tout faire. Mais je peux faire quelque chose. Et le fait de ne pas pouvoir tout faire ne m’autorise pas à refuser ce que je peux faire » déclarait en substance Edward Everett. Et je pense que ce qui est vrai pour cet homme est encore plus vrai pour un Etat et celui du Mali ne sera pas cette Administration qui ne peut que s’occuper d’une chose à la fois.

 

Des réformes politiques qui feront entrer le Mali dans le club « des démocraties modernes » tout en donnant encore plus d’impact à notre politique de décentralisation et assurer du coup la représentation des maliens à l’Etranger

 

Il ne s’agit pas de remettre tout en cause. Je ne pense pas qu’il soit un cadre de ceux qui ont fait ce projet de Loi ayant cette prétention. La conférence nationale avait posé des actes dont certains ont merveilleusement réussi et d’autres par contre ont montré des difficultés dans leur mise en œuvre du fait de notre contexte sociopolitique. On peut penser qu’à l’époque le législateur avait vu trop grand pour certaines institutions comme par exemple le Haut Conseil des Collectivités (HCC). En effet, cette institution qui devrait être la clé de voûte de notre politique en matière de décentralisation s’est avérée être un organe de décor qui n’a su répondre à aucune des exigences attendues d’elle. Elle coûte excessivement chère et tourne à vide avec souvent des problématiques insolubles quant aux véritables missions, à lui confiées.

S’agissant de la création du Sénat, partout où il existe, il a soulevé de vives polémiques avant sa mise en place, car en réalité j’ai découvert en lisant des livres de droit, qu’il n’ y a pas eu de plus grands débats en droit public, en ce qui concerne les instituions, que ceux se rapportant au fait pour un parlement d’être mono ou bi camérale. Je me réjoui donc que nos intellectuels maliens, qui sont pour nous jeunes, des repères ne font guère exception à cette tradition, mais ce qui me bouleverse c’est que le seul argument récurrent reste la question de coût. Je pense que nous connaissons tous, au Mali, l’histoire du peulh avare qui meurt sur un lit d’hôpital, faute de paiement d’ordonnance et sur lequel on retrouve dissimulés plusieurs centaines de milliers de francs après sa mort. C’est donc ce peulh que vous voulez pour le Mali ? Jugez-en !

 

Il faut tirer les conséquences de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct

 

S’agissant de la définition de la politique nationale par le Président de la République, il existe une doctrine aujourd’hui, qui se forme sur les conséquences d’une élection au suffrage universel direct. Si vous prenez l’exemple de la France, la constitution de 1958 donne la prérogative de définition de la politique de la nation au Gouvernement parce qu’à l’époque le Président était élu par le parlement et donc ce n’était par le même régime. En 1962, le système a été réformé et le Président était élu maintenant au suffrage universel direct et sur la base d’un projet de société présenté aux électeurs. Mais les réformateurs ont négligé de prendre toute la mesure de cette réforme et aujourd’hui les gros calibres du droit constitutionnel en France sont unanimes qu’il faille permettre au Président de la République de définir la politique de la nation et au Gouvernement de mettre en oeuvre un programme. Cela ne constitue guère un mimétisme et comme le dit souvent l’ancien Ministre et Docteur en Droit Public, Mamadou Sissoko, on n’invente pas le fil à couper le beurre.

Ce qui est proposé dans le cadre de la consolidation de la démocratie au Mali est une révolution dans la matière et des experts en droit constitutionnel peuvent avoir d’autres avis mais quant à dire que cela fait du Président de la République un monarque relève d’une totale démagogie, que je n’ai jamais compris. Allez savoir, quelle est la véritable crainte de ces politologues nouveaux ? Enfin juste que quelqu’un prouve que le régime préconisé sort du cadre semi présidentiel et de clamer par la même occasion que ce régime semi présidentiel n’est pas démocratique. En fait un régime semi présidentiel, « Etat, élections, institutions »…Tout cela constitue un ensemble qu’il faut adapter et maintenir dans un schéma et la constitution en définit les grandes lignes tout en précisant les axes prioritaires. Un choix sur le mode d’élection entraîne des conséquences sur les modes de gestion de l’Etat et tout le reste. Il s’agit là de faire les choses telles qu’elles doivent se faire et après tout nous parlons d’une institution, le Président de la République pas de l’individu.

Le Gouvernement présente un programme à l’Assemblée nationale et c’est sur la base de ce programme que sa responsabilité est engagée. Techniquement, il n’existe aucun problème à ce que ces acteurs jouent pleinement leur rôle. Le schéma est clair et précis. Le Président de la République est élu sur la base d’un projet de société comme par exemple « le PDES ». Et le Président de la république définit la politique en fonction de ce projet. Partant de là, le Gouvernement élabore un programme et se donne les moyens de son exécution et c’est pour cette raison que le Président nomme le Premier Ministre. Et dans la pratique vous conviendrez qu’un programme est plus aisé à évaluer qu’une politique si le premier est absolument concret, la seconde est pratiquement abstraite.

 

Tous les Maliens sont responsables des actes qu’ils posent, fussent-ils Président de la République ou Ministre…

 

En matière de justice et de garantie des Droits et libertés, des mesures subséquentes à la révision sont envisagées pour renforcer davantage le pouvoir judiciaire. Dans le projet de loi portant révision, il est prévu l’introduction du contrôle de constitutionalité par voie d’exception, le statut pénal du Président de la République est revu et il est instauré un nouveau régime dans la déclaration des biens permettant plus de contrôle. En ce qui concerne la proclamation des résultats par l’autorité indépendante en charge des élections, il relève du souci d’éviter des conflits de compétence. Les résultats d’une élection, quelque soit l’autorité qui en proclame sont susceptibles de recours devant la Cour Constitutionnelle ou le Conseil d’Etat, suivant les pays, et après avoir vidé le contentieux, cette Cour ou Conseil proclame les résultats qui ont un caractère définitif et inattaquable, du moins sur le plan juridique. Je ne vais pas entrer dans ce piège de résultats provisoires ou définitifs car le dernier mot appartient toujours à la Cour même si c’est bien le ministère ou l’autorité en charge des élections, qui proclame les résultats et au cas ou il n’y a pas de contentieux ils sont considérés comme définitifs.

La société évolue et les règles avec lesquelles, il faut pour s’adapter à son époque et prendre toutes les mesures utiles à la gestion efficiente des affaires publiques c’est même l’essence du Droit. Je ne parlerais pas de la directive de l’UEMOA qui demande une Cour des comptes dans chaque Etat membre, mais de la nécessité de renforcer le contrôle de l’action gouvernementale mais là encore, il y aura des gens qui me diront oui et le VEGAL !!! Et la CASCA !!! Et d’autres…A ceux-ci, je dirais simplement qu’en matière de gestion des fonds publics, on n’est jamais trop prudent quant à son contrôle.

 

Des considérations personnelles

 

Certains individus sont allés jusqu’à poser la problématique de la qualification des personnes qui ont eu la charge du dossier sans rentrer dans les débats personnalisés et qui visent à faire croire qu’une personne est ou non ce qu’elle n’est pas. En réalité, le débat de construction d’une démocratie forte pour le Mali est au dessus des individus et, toute modestie bue, je suis au dessus des considérations personnelles. Sachons garder raison et laisser de côté les idées destructrices.

Vive le Mali

Vive la démocratie malienne                                                                               

 Baba Dakono, Juriste, président de Solidarité de Kalaban-coro

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