Renforcement du contenu local dans le secteur minier au Mali

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Les besoins de renforcement de la valeur ajoutée locale et d’emplois locaux dans la chaîne de valeur minière, ainsi que le développement d’une main-d’œuvre locale qualifiée et compétitive ont poussé le législateur malien a adopté les lois n°2023-040 et n°2023-041 du 29 août 2023. La première porte sur le code minier et la seconde est relative au contenu local.

Le contenu local est considéré comme étant l’ensemble des dispositions et mesures qui exigent des entreprises minières qu’elles donnent la priorité aux nationaux, aux communautés locales, aux entreprises nationales et aux matériaux produits localement dans l’exécution de leurs activités. Dès lors, les opérateurs miniers doivent utiliser autant que possible des services et matières d’origine malienne.

Désormais, tout titulaire de titre minier, sous-traitant, prestataire et fournisseur (personne physique et morale) fournissant des services et/ou des biens aux entreprises minières est soumis aux obligations de contenu local. Toutefois, dans le cadre de certaines prestations spécifiques, il est possible de bénéficier d’un délai de mise en conformité pouvant aller jusqu’à trois (3) ans.

En tout état de cause, les biens et services liés aux activités minières sont dorénavant fournis par des entreprises maliennes. Les entreprises étrangères n’interviennent que si les entreprises maliennes ne sont pas à même de le faire, et ce, dans des conditions de coûts et de planning comparables et selon les standards internationaux applicables à l’industrie minière.

En outre, les activités minières sont classées en trois (3) régimes :

  • le régime exclusif concerne les activités pour lesquelles l’État du Mali, dans le but de réduire la quantité des biens et services importés, se réserve le droit d’octroyer des autorisations de services exclusifs, sous réserve d’une garantie de qualité du service et d’un encadrement des prix.
  • le régime mixte renvoie aux activités nécessitant une association d’une société étrangère avec une entreprise locale.
  • le régime non exclusif regroupe les activités à faible potentiel de contenu local.

 

Les textes d’application devront apporter plus de précisions en matière de classification des activités minières. Néanmoins, les acteurs du secteur minier sont soumis au respect de certaines mesures déjà en vigueur.

 

  1. Renforcement de l’actionnariat national

En matière d’actionnariat des sociétés d’exploitation, l’État bénéficie de 10% de participation gratuite. L’État dispose également d’un droit optionnel de participation en numéraire de 20%. Cette option peut être levée dans un délai de douze (12) mois suivant la date de délivrance du permis d’exploitation. Cette participation ne peut être frappée de forclusion.

En outre, les sociétés d’exploitation sont tenues de céder cinq pour cent (5%) de leurs actions aux investisseurs nationaux. Les modalités de cette participation des investisseurs maliens seront précisées par les textes d’application.

S’agissant des sous-traitants et fournisseurs étrangers, ils sont tenus de céder au minimum 35% de participation à des associés maliens. Ces derniers n’interviennent qu’en cas de carences au niveau national.

En ce qui concerne les sous-traitants et fournisseurs nationaux, le législateur fait référence à la notion d’« entreprise locale » qui est une personne ou un groupement de personnes disposant de personnalité juridique de droit malien et dont le capital social appartient à au moins cinquante un pour cent (51%) à des personnes physiques de nationalité malienne ou personnes morales de droit malien et dont le bénéficiaire effectif est malien. Son siège social est établi sur le territoire malien avec les coûts salariaux de sa main d’œuvre de nationalité malienne représentant au moins cinquante pour cent (50%) des coûts salariaux totaux.

Le législateur fait également référence à la notion d’ « entreprise malienne » qui n’est pas définie. Cette notion était définie par le décret n°2020‐0177/PT‐RM du 12 novembre 2020 fixant les conditions et les modalités d’application du code minier de 2019, comme étant est une entreprise qui (i) a son siège social au Mali, (ii) détenue majoritairement par des personnes physiques de nationalité malienne et (iii) les coûts salariaux de sa main d’œuvre de nationalité malienne représentent au moins 50% des coûts salariaux totaux.

Dès lors, en tenant compte des objectifs recherchés par la réforme, on pourrait considérer que la notion d’entreprise malienne mentionnée à l’article 8.1 de la loi n°2023-041 est une erreur rédactionnelle et qu’il s’agit plutôt d’entreprise locale. En ce sens, les biens et services liés aux activités minières ne sont fournis que par les entreprises locales. De sorte que les autres entreprises de droit malien et étrangères n’interviennent que par exception.

 

  1. Plan d’approvisionnement des biens et services

Dans le cadre du plan du contenu local, les opérateurs miniers doivent adopter un plan d’approvisionnement des biens et services comprenant leurs objectifs et perspectives d’approvisionnement local. Ce plan porte sur une période initiale de trois (03) ans, renouvelable pour la même durée. Ce plan peut être révisé chaque année et est soumis au Secrétariat Permanent du Contenu Local (SPCL) chaque année au plus-tard le 31 mars.

En outre, les opérateurs miniers soumettent semestriellement au SPCL des rapports sur la mise en œuvre du plan d’approvisionnement des biens et services locaux.

Par ailleurs, certains services tels que la restauration, transport, sûreté, travaux topographiques, terrassement, génie civil, d’aménagement et réhabilitation des sites miniers, forages, fourniture d’énergie, études environnementales et sociales, sont exclusivement fournis par les entreprises locales.

  1. Programme de recrutement et de formation

Les opérateurs miniers doivent faire enregistrer leur personnel expatrié. Ils adoptent et soumettent pour approbation au SPCL, un programme de recrutement et de formation de maliens. Ce programme comprend :

  • les détails sur le recrutement et la formation de maliens pour remplacer les étrangers;
  • le pourcentage de personnel étranger par rapport au nombre total du personnel malien toute catégorie confondue ;
  • Le ratio entre le personnel étranger et le nombre total du personnel malien toute catégorie confondue.

S’agissant du pourcentage du personnel, le législateur précise que pendant les trois premières années à compter du début des opérations minières, les sociétés minières ne doivent dépasser dix pour cent (10%) de personnel étranger. Après la troisième année, ce pourcentage est réduit à 5% et après la sixième année, ce pourcentage est systématiquement réduit en vue d’atteindre la pleine participation malienne.

En outre, le pourcentage de la masse salariale du personnel étranger par rapport à la masse salariale globale de la société d’exploitation ne peut excéder les taux de trente pour cent (30%) pendant les trois (3) premières années d’exploitation, vingt pour cent (20%) après la troisième année et après la sixième année, ces vingt pour cent (20%) sont systématiquement réduis en vue d’atteindre la pleine participation malienne.

 

  1. Souscription d’assurances locales

Pour la couverture des risques liés aux activités minières, toute société participant auxdites activités souscrit des contrats d’assurances auprès des sociétés d’assurance agréées au Mali. Toutefois, les contrats d’assurance dont la couverture excède les capacités financières des sociétés d’assurance agréées au Mali peuvent souscrire un contrat de réassurance auprès des sociétés étrangères.

En ce sens, aucune assurance offshore sans l’accord écrit de la Commission nationale des Assurances ne peut être souscrite par un opérateur minier.

A ce titre, les opérateurs miniers doivent annuellement soumettre un rapport au SPCL. Ce rapport porte sur (i) toutes les sociétés par l’intermédiaire desquelles une couverture d’assurance ou de réassurance a été obtenue, (ii) les primes payées pour la couverture d’assurance, (iii) les commissions et les identités des courtiers.

  1. Régime de sanctions

Les manquements aux règles de contenu local sont relevés par le SPCL. Tout manquement d’une société exploitante expose cette dernière au retrait de son autorisation ou la résiliation de son contrat la liant à l’État.

Pour les sous-traitants, fournisseurs et prestataires, ils peuvent être exclus de la plateforme d’appel à concurrence et l’interdiction de conclure des marchés liés aux activités minières au Mali.

En outre, tout opérateur minier ignorant la part des prestations de services ou de fourniture de biens réservée aux maliens est punis d’une peine d’emprisonnement de dix (10) jours et d’une amende correspondant au montant de la part des prestations de services ou de fourniture de biens non exécutée par de maliens.

De même, les opérateurs miniers s’exposent à une peine d’emprisonnement de trois (03) mois et d’une amende de 75 000 000 de francs, en cas de non-transmission du plan d’approvisionnement de biens et services ou pour non-transmission du rapport d’exécution dans les délais requis, après une mise en demeure de sept (07) jours francs restée sans suite.

Ces peines et amendes sont majorées en cas de récidive.

  1. Mesures d’atténuation

Pour atténuer les conséquences de nouvelles mesures de contenu local, certaines structurations ou restructurations corporate peuvent être adoptées aux fins de conforter les actionnaires majoritaires originels d’une société intervenant dans le secteur minier malien. En d’autres termes, un montage corporate adapté permettra d’atténuer légalement les conséquences juridiques de la perte de contrôle d’une société minière (exploitant, sous-traitant…) par ses actionnaires majoritaires originels.

Bakary DRAME

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