Reconquête des territoires occupés par les terroristes et les islamistes au nord Mali : «Le peuple malien dans sa majorité absolue s’est élevé contre la négociation. Le dialogue et la négociation peuvent dans certaines conditions conduire à la collaboration avec les ennemis»

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Je voudrais, ici, après tant d’autres citoyens, apporter ma modeste contribution au débat actuel sur l’avenir de notre patrie : le Mali, un, indivisible, républicain, laïc et démocratique.

Abdoulaye DIARRA

Le rôle et la place de l’histoire dans la compréhension des faits sociaux présents et dans la détermination rationnelle de ce que les sociétés veulent atteindre ne peuvent être contestés par personne. Ce fut ainsi depuis l’aube des temps.

La crise du Nord du Mali s’inscrit systématiquement dans une perspective historique. La spécificité de la crise au Nord de notre patrie appelle sans nul doute à une analyse comparative. Les spécialistes maliens en la matière, les spécialistes étrangers, les historiens et les géographes ont dégagé depuis longtemps les caractéristiques de cette crise. Les philosophes de l’antiquité gréco-romaine, du moins certains d’entre eux, ont analysé l’évolution des cités en mettant en exergue le cycle décadence – renaissance, renaissance-décadence, etc. L’histoire de notre pays de l’antiquité à nos jours est notre histoire, c’est l’histoire de tous les Maliens. Nous l’assumons.

Le Mali, notre pays, fut incontestablement au cœur du progrès du genre humain. Le Mali en tant que puissance mondiale a rayonné dès le XIIIè S. Le Mali n’a pas négocié cette puissance.

Le Mali pendant la longue période de la domination coloniale n’a pas négocié. Les pères de l’indépendance du Mali n’ont pas négocié l’indépendance du Mali après le complot de Dakar c’est-à-dire l’éclatement de la Fédération du Mali.

Les résistants maliens à la pénétration coloniale et les patriotes maliens qui ont arraché l’indépendance après avoir dit non à l’humiliation nous interpellent à tout moment ou l’intérêt supérieur de la nation malienne est en jeu. La partition de notre pays n’a jamais été un projet circonstanciel dans l’esprit des séparatistes rebelles fanatiques et les trafiquants de drogue opérant au Nord de notre pays.

Le Président Modibo KEÏTA, fondateur de la République du Mali n’a pas négocié avec les terroristes et autres séparatistes du Nord de notre pays. Si la négociation avait triomphé en 1962, la République du Mali telle qu’elle est aujourd’hui n’existerait pas.  Faisons attention aux mots, aux actes, aux comportements que nous posons lorsqu’il s’agit de l’existence physique du Mali.

Les groupuscules mal organisés, sans vision cohérente, des groupes de rebelles appuyés par des complices régionaux et internationaux mais caractérisés par leur fragilité et leur manque de stratégie viennent sous nos yeux au bout de cinquante ans se consolider, s’organiser, s’armer pour mettre en œuvre la stratégie de division de notre pays.

La question centrale qui rend totalement absurde la prétention au succès de la négociation est incontestablement celle relative à la connexion entre les divers mouvements ou organisations terroristes à travers le Sahara depuis l’époque coloniale. La structure de cette connexion s’est adaptée aux circonstances avec  une capacité vertigineuse de nuisance.

La procédure, depuis 1960 est systématiquement machiavélique : tous les moyens sont indiqués pour atteindre le but visé y compris la négociation quand on est en position de faiblesse.

La confiance et la bonne foi n’existent pas lorsque les intérêts en présence sont antagoniques tant sur le plan économique, politique, idéologique et stratégique. C’est pourquoi la sauvegarde de la nation malienne interdit toute distinction conduisant à porter sa préférence sur un quelconque mouvement. Quand on essaye de citer aujourd’hui on se perd dans les termes.

L’objectif commun est le même : le refus de la République une indivisible, laïque et démocratique. Essayons : Front Islamique du Salut (FIS) Groupe Islamique Armé (GIS) Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) Al-Quaïda au Maghreb Islamique (AQMI) le Mouvement National pour la Libération de l’AZAOUAD (MNLA) Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) la Secte Islamique Boko Haram, le Mouvement Populaire de l’AZAOUAD (MPLA) fondé par le mystérieux Iyad Ag Ghali qui a terrorisé, massacré, tué les paisibles populations maliennes de Ménaka le 28 Juin 1990. Il faut négocier avec le MPLA aujourd’hui. Incroyable. Lorsqu’on a refusé à Iyad Ag Ghali la direction du MNLA en 2011 l’ancien diplomate malien, Conseiller Consulaire à Djeddah (Arabie Saoudite) en Novembre 2007 crée Ançar Eddine.

Résultat final : les fusions, les connexions, les négociations pour le pouvoir au sein des divers mouvements cités, les alliances circonstancielles dans la sous-région ou à travers le monde entier visent l’unique but : s’emparer du pouvoir et des armes et réaliser son dessein au Sahara. Sans être un stratège on sait que la négociation, après une confrontation de guerre, s’analyse par perte et profit. Les mouvements ci-dessus cités n’ont pas demandé de négocier après le génocide d’Aguel Hoc.

Des Maliens rassemblés par eux et groupés selon la couleur de leur peau furent massacrés de façon différente. Peut-on aujourd’hui négocier avec ces gens parce que leur verbe a changé de tendance ? Les atrocités accomplies par le MPLA à Ménaka le 25 Juin 1990 se sont malheureusement soldées par un accord négocié : les accords de Tamanrasset sous la supervision de l’Algérie.

Des Maliens ont cru à la sincérité de Iyad Ag Ghali. Duperie. Le rebelle renforce sa position, défit les autorités maliennes et radicalise son islamisme à partir de 2003. Les prises d’otages pour s’enrichir, les chantages, les fusions entre mouvements recommencent. Les accords de Tamanrasset sont piétinés, enterrés.

L’Algérie s’interpose encore. Les accords d’Alger dénoncés par une grande partie de notre classe politique sont signés au mépris de l’intérêt supérieur du Mali en Juillet 2006. Pire le rebelle est officiellement nommé en Novembre 2007, diplomate malien en Arabie Saoudite pour promouvoir les intérêts du peuple malien. Il reprend sa nature et commet avec d’autres le génocide d’Aguel Hoc en Janvier 2012 et s’installe à Ménaka avant de rejoindre les autres pour occuper les ¾ de notre pays. Il faut négocier toujours.

La négociation peut se définir comme étant une “action de traiter une affaire, de passer un marché et par extension (sens principal aujourd’hui) des opérations préalables divers (entretiens, démarches, échanges de vues, consultations) tendant à la recherche d’un accord, désigne aussi bien la discussion d’un contrat en vue d’arriver à sa conclusion (…) que les efforts déployés en vue du règlement d’un différend (conflit collectif ou international)“.  (Gérard Cornu (dir) 1998 PP. 553-554). Le peuple malien dans sa majorité absolue s’est élevé contre la négociation. J’ai écrit dans ce journal le 2 Juillet 2012 ceci : “Soutenir que la négociation est la solution pour mettre fin définitivement à une occupation terroriste préparée de longue date et mise en œuvre par le MNLA, AQMI, Ançar-Eddine et leurs complices internationaux est du domaine du rêve… Le dialogue et la négociation peuvent dans certaines conditions conduire à la collaboration avec les ennemis du peuple malien“.

L’évolution de la situation incite a plus de rigueur dans la dénonciation de la négociation. Négocier la négociation c’est faire le jeu de l’occupant. Pourquoi le dialogue et la négociation ont échoué lamentablement. Premièrement les accords de Tamanrasset ont volé en éclat.

Deuxièmement, les accords d’Alger caractérisés par la confusion dans les termes de l’illisibilité des dispositions viennent de s’écrouler tragiquement. Troisièmement la reconversion régulière des mouvements terroristes ne permet pas de parler de négociation. Le traitement du dossier Nord du Mali par la CEDEAO depuis Janvier 2012 prouve que la négociation est juridiquement impossible et politiquement compromettante. Opter aujourd’hui pour la négociation c’est faire l’économie d’une guerre de libération de notre pays que les Maliens feront demain. Les rebelles reprendront les armes. Et l’histoire jugera chacun des actes posés aujourd’hui.

La lenteur du processus décisionnel au sein de la CEDEAO est pour le moins surprenante, inquiétante, troublante voire coupable. On se perd totalement dans le processus. On sait depuis fort longtemps que le tout n’est pas la somme des éléments. Le tout est autre chose que la somme des éléments.

L’intérêt d’un collectif n’est pas forcément l’intérêt de ses éléments constitutifs. Lorsqu’un élément d’un collectif constate que ses intérêts sont totalement mis en cause par le fonctionnement du collectif jusqu’à remettre en cause son existence, il doit tirer les conséquences de droit et de fait. Il doit sur le plan juridique dénoncer la rupture du principe d’égalité entre les éléments du tout pour dans un deuxième temps opter pour la solution de survie c’est-à-dire prendre ses responsabilités politiques. Oui dans ces conditions c’est le politique qui détermine le juridique. L’histoire nous éclairera sur le reste.

En tout cas, l’intérêt du peuple malien aujourd’hui est de chasser par la force des armes tous les mouvements expansionnistes sans exception.

Le Président de la République Française vient d’opérer une rupture systématique avec l’ancienne approche française sur notre pays. Bien entendu dans le concert des nations chaque Etat a le droit de défendre ses intérêts mais en reconnaissant les intérêts des autres.

Hier, les terroristes s’exprimaient en toute quiétude dans les salons occidentaux, expressions retransmises par des corresponds au service de la voix du maître. Hier on est venu au Mali pour nous faire savoir que les rebelles ont emporté du succès. Hier on est venu nous demander d’accepter un “cessez-le-feu“. Le terme cessez-le-feu est juridiquement inacceptable pour la simple raison que notre pays n’est en guerre contre aucun pays.

Le Mali est occupé par des groupuscules aux nationalités douteuses. Aujourd’hui, le Président français François Hollande a fait preuve d’une consistance et d’une constance remarquables dans la gestion de la crise de notre pays : mettre en place des mécanismes pour la libération du Nord Mali par les armes.

L’histoire reconnaîtra un jour que c’est François Hollande qui a redressé les hésitations sous régionales sur la crise de notre pays. On lui a tout raconté. Il a tranché aux Nations Unies : le Mali ne sera pas abandonné et l’intégrité territoriale du Mali, l’indivisibilité de la République du Mali et le caractère laïc de la République ne seront pas négociés.

Le sarkozisme fut une parenthèse dans la vie politique française mais une réelle calamité pour nous autres africains. Sarkozy a dit à Dakar que nous ne sommes pas rentrés dans l’histoire. Le comble c’est qu’il s’est exprimé à Dakar dans une université qui porte le nom de l’un des plus grands savants que l’humanité ait connu : le Professeur Cheick Anta DIOP.

L’ancien Président français Nicolas Sarkozy s’est vertigineusement aligné sur les positions du philosophe allemand Hegel qui sans trembler a déclaré dans sa leçon inaugurale sur la philosophie de l’histoire en 1830 que le continent africain n’avait pas d’histoire.

L’Africain, selon ce philosophe très influent du XIXè S. serait en dehors de la rationalité. Ignorance ou mauvaise foi : les deux. Le Président François Hollande est un socialiste français. Son socialisme est le socialisme occidental. Le Président François Hollande est un intellectuel au sens propre du terme. Il est sorti de l’ENA après de brillantes études. Son style n’est ni arrogant, ni méprisant.

Le Président François Hollande vient de prononcer un discours à Dakar. Ce discours se situe à l’antipode de celui prononcé par l’ancien Président Nicolas Sarkozy.

Le Président Hollande y affirme que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Il rejoint ici le célèbre historien français Fernand Braudel qui rédigea la préface du livre du Professeur Joseph Ki – Zerbo : Histoire de l’Afrique Noire 1978.

Le Professeur Braudel écrit, entre autres, “l’histoire c’est l’homme, toujours l’homme, et ses admirables efforts. L’histoire du continent africain, si elle est sincère et droite, ne peut que déboucher sur tous les hommes à la fois, sur tous les peuples  à la fois, sur le monde entier…” P5.

Le Professeur Fernand Braudel n’est pas Hegel et François Hollande n’est pas Nicolas Sarkozy. Les relais africains du sarkozysme encore en fonction n’ont plus la tâche facile.

L’action de la France sous François Hollande sera déterminante pour la libération de notre pays. Je connais la trajectoire historique du socialisme français, je peux même écrire de la Gauche Française.

Le Président François Hollande est un socialiste fidèle de l’héritage, entre autres, de Jean Jaurès. Le parfait n’existe nulle part. La passion en politique n’a pas de principe. Le grand écrivain et résistant antillais Frantz Fanon a dit ceci : “chaque génération choisit sa mission pour la remplir ou la trahir “.

La mission de tous les hommes épris de paix, de tous les humanistes et de tous les justes à travers le monde est d’aider militairement le Mali à reconquérir son intégrité territoriale afin de sauvegarder la République une, indivisible, laïque et démocratique.

*Ancien membre de la Cour Constitutionnelle

Vice-Recteur de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques

Médaillé du Mérite National

Officier de l’Ordre National

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