Comment l’Union Soudanaise RDA est née ? Réponse dans cette contribution de I. G. Maïga de l’Association REPERES.
Les longues années d’exploitation tant en ressources naturelles qu’en ressources humaines ont cultivé en l’homme africain, la nécessité de recouvrer sa liberté, ses droits à la vie et au bien-être. La prise de conscience était surtout effective dans le milieu des travailleurs soumis aux injustices et exactions de toutes sortes du colonisateur. C’est ainsi que les travailleurs africains ont engagé une lutte d’auto-défense d’abord et une lutte d’émancipation ensuite. Lutte commença d’abord par le Syndicalisme. Pour ce faire, Mamadou Konaté, Ouezzin Coulibaly et Modibo Keita créaient à Dakar en 1936 le premier syndicat des enseignants et la grève des cheminots africains le Dakar-Niger du 10 Octobre 1947 au 19 Mars 1948.
En effet c’est à partir de la deuxième constituante et face à la répression coloniale que les représentants des peuples d’Afrique à l’Assemblée Française ont décidé de créer un mouvement politique Africain dont les idées fondamentales sont les suivantes :
1- Rejet du principe de l’assimilation pour une politique qui permette la libre expression de l’originalité africaine ;
2- Union de tous les africains quelles que soient leurs conceptions philosophiques et religieuses pour la lutte contre le colonialisme ;
3- Union des Africains se réclamant de l’esprit du Rassemblement et des démocrates français décidés à les aider dans la lutte contre le colonialisme.
C’est ainsi que fut rédigé le manifeste du Rassemblement Démocratique Africain, convoquant le congrès constitutif de Bamako pour Octobre 1946. Les Signataires de ce manifeste: Félix Houphouët BOIGNY, Député de la Côte d’Ivoire ; Lamine GUEYE, Député du Sénégal-Mauritanie ; Jean Félix TCHICAYA, Député du Gabon Moyen Congo ; Sourou Migan APITHY, Député du Dahomey Togo ; Fily Dabo SISSOKO, Député du Soudan Niger ; Yacine DIALLO, Député de la Guinée ; Gabriel d’ARBOUSSIER. Auxquels se joignait Léopold Sédar SENGHOR, Député du Sénégal absent au moment de la signature, mais y adhérera immédiatement après en avoir pris connaissance.
Cependant, quelques jours après la publication du dit manifeste, le colonisateur mesurant l’ampleur d’un tel mouvement, contraindra certains Députés signataires de renoncer quant à leur participation au dit Congrès, résultat des manœuvres orchestrées par le Ministre Socialiste de la France d’Outre-mer de l’époque Marius Moutet, qui ordonnera aux administrations locales de s’opposer aux déplacements des signataires du manifeste. Ainsi les Députés socialistes: Lamine GUEYE, Yacine DIALLO et SENGHOR ne feront pas le déplacement. Fily Dabo SISSOKO, Député du Soudan, après avoir sollicité et obtenu que le congrès se tienne à Bamako, usera de tous les moyens pour empêcher la tenue de celui-ci. Il sera cependant contraint par ses propres amis à participer au Congrès, malgré lui et contre sa propre volonté. Il présidera les séances d’ouverture avec la célèbre expression «Votre congrès » que l’assistance en bloc a rejetée en ces termes « Notre Congrès ».
Les collectes faites en vue de payer les frais de voyage des délégués de l’A.E.F. furent confisquées.
Néanmoins, contre vents et marées plus 800 délégués venus par tous les moyens et de toute l’Afrique Noire se retrouvèrent à Bamako du 18 au 21 Octobre 1946.
Le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) est né.
Des résolutions issues de ce congrès constitutif, il ressort que chaque pays membre doit se doter d’une Section Territoriale et c’est ainsi que, dès le 22 Octobre 1946 avec la fusion de 3 partis politiques, est née l’Union Soudanaise RDA et Modibo KEITA élu Secrétaire Général. Un Manifeste consacrant l’union fut publié. Extrait du Manifeste de la Section Soudanaise du Rassemblement Démocratique Africain (U S R D A) :
SOUDANAIS, SOUDANAISES
Réunis à Bamako le 22 Octobre 1946, les représentants valablement mandatés des 3 partis politiques suivants : Parti Progressiste Soudanais (PSP), Parti Socialiste (PS), Parti Démocratique Soudanais (PDS) ont solennellement dissous leurs organisations respectives et créé un PARTI SOUDANAIS UNIQUE dénommé UNION SOUDANAISE, Section Soudanaise du Rassemblement Démocratique Africain.
Pour régler les modalités de fusion, un bureau provisoire composé de quinze membres signataires du présent manifeste à raison de cinq délégués par ancien parti a été immédiatement constitué. Il est habilité pour décider souverainement de tous les problèmes d’organisation et d’orientation politique qu’il pourra être appelé à solutionner…..
Ils s’engagent solennellement à dénoncer comme traîtres à la cause soudanaise tous les aventuriers… Ils convient la population Soudanaise à s’unir dans le seul parti existant dès maintenant………
ONT SIGNE
Pour le P S P : Tidiani Diallo,Tidiani Traoré,Amadou Doucouré,Hamaciré Ndouré,Mamadou Diawara.
Pour le Parti Socialiste (Bloc Soudanais) : Tidiani Sidibé,Mamadou Fadiala Keita,Makane Macoumba Diabaté,Kassé Keita,Adama Sissoko.
Pour le Parti Démocratique : Idrissa Diarra,Boubacar Sissoko,Mamadou Goundiam,Sadio Diallo,Oumar Ly.
En application des résolutions du Congrès du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) et à l’instar de l’Union Soudanaise RDA, d’autres sections territoriales seront créées. Il s’agit entre autre de :
Côte d’Ivoire : Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI RDA )
Haute-Volta (actuel Burkina Faso) : Parti démocratique voltaïque, puis en 1957 Union démocratique voltaïque (PDV et UDV)
Cameroun : Union des populations du Cameroun (jusqu’en 1951) ( UPC )
Sénégal : Union démocratique sénégalaise ( UDS)
Guinée : Parti démocratique de Guinée, ( PDG) avec Madéra KEITA comme Secrétaire Général jusqu’en 1955 date è laquelle il rejoindra le Soudan
Niger : Parti progressiste Nigérien ( PPN)
Tchad : Parti progressiste Tchadien (PPT)
Moyen-Congo : Parti progressiste congolais, remplacé en 1958 par l’Union démocratique de défense des intérêts africains (PPC et UDDIA)
Gabon : Comité mixte gabonais, puis en 1954 Bloc démocratique gabonais (CMG et BDG).
N’ayant pas pu empêcher la tenue du congrès, mais déterminé à briser l’élan révolutionnaire de ces patriotes africains engagés, le colonialisme français utilisera une fois de plus comme moyens de dissuasion sa politique de diviser pour régner, la violence, les mutations arbitraires, les suspensions voire même des révocations.
Pour ce faire, le Gouvernement Français va initier en Mars 1950, un projet de loi relatif à la répression contre lequel Mahamane Alassane HAIDARA, Sénateur du Soudan au moment des faits et premier Président l’Assemblée Nationale du Mali indépendant, s’élèvera en exprimant à la tribune du Conseil de la République Française son indignation en ces termes : « …. Il est temps de réfléchir et de vous ressaisir. Ce n’est pas par l’accentuation de la répression que vous pourrez conquérir le cœur des millions d’Africains qui ne demandent qu’à vivre dans la paix et dans la prospérité … » Fin de citation.
Face à l’éveil croissant des consciences des peuples d’Afrique et suite à la victoire enregistrée lors des élections de 1956 par le RDA en Afrique, la France socialiste, opposée à tout mouvement pour l’émancipation des peuples d’Afrique et dans le but d’affaiblir encore et davantage ces mêmes peuples, usera une fois de plus l’arme de diviser pour régner en adoptant la loi 57-7-27 du 10 Janvier 1957 portant création de l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS). Là aussi, la France colonialiste a échoué face à la détermination des Africains d’être eux-mêmes.
Au prix de mille sacrifices, les pays africains, pour la plupart avec le combat mené par le RDA, se libérèrent progressivement du joug colonial pour enfin accéder à la souveraineté nationale et internationale à partir des années 1960.
I. G. MAIGA
ASSOCIATION REPERES