En matière de réformes institutionnelles, les Maliens ont parfois le défaut mignon de s’agripper à des idées reçues qui résistent difficilement à l’analyse froide.
Ils s’imaginent ainsi que la mission contentieuse de proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle pourrait être transférée à l’AIGE.
Parce que la Cour constitutionnelle a pu réaliser des contre-performances jurisprudentielles en contentieux électoral de la présidentielle et des législatives notamment, une certaine opinion manifestement mal informée, se met à rêver naïvement de son dessaisissement au profit de cette nouvelle institution.
On entend régulièrement surgir des débats relatifs aux réformes de la gouvernance électorale, qu’il faut confier certaines prérogatives de la Cour constitutionnelle à l’AIGE.
On pointe du doigt en l’occurrence la proclamation des résultats définitifs des élections qu’on lorgne y compris par voie de réforme constitutionnelle en ce qui concerne les élections nationales.
Est-il besoin de rappeler que dans le droit électoral malien, les « résultats définitifs » se définissent par opposition aux « résultats provisoires ». C’est l’organisateur technique et matériel des élections qui a toujours proclamé les « résultats provisoires » en ce qui concerne les élections nationales.
Ces « résultats provisoires » font ensuite l’objet de proclamation par la Cour constitutionnelle sous forme de résultats dits « définitifs ».
Le terme « définitif » induit implicitement que lesdits résultats passés aux mailles du filet contentieux, sont désormais exempts de tout recours contentieux.
Dans le droit électoral malien, il est inconcevable que des résultats définitivement proclamés puissent faire l’objet de contestations futures au plan contentieux.
Quelle idée alors que de faire déménager les compétences contentieuses d’institutions judiciaires pour les faire loger dans un organe politico-administratif ? Fallait vraiment y penser !
Sauf que ce n’est tout simplement pas concevable. L’AIGE, même du haut de son statut d’Autorité administrative autonome, ne saurait nullement prétendre à un rôle de juge. Une Autorité administrative autonome n’est pas une institution judiciaire.
À moins de fabriquer une autre signification à la notion de résultats définitifs. Car, dans la compréhension commune en matière électorale, on ne saurait parler de résultats définitifs que lorsque tout contentieux est totalement vidé sur lesdits résultats.
En d’autres termes, il ne peut y avoir de recours contentieux sur des résultats définitifs d’élections, le caractère définitif étant exclusif de tout recours contentieux futurs sur ces résultats.
Il est difficile d’admettre qu’un organisme administratif, si autonome ou indépendant soit-il, puisse décréter des résultats définitifs. Car cela reviendrait, soit à supprimer toute contestation contentieuse de l’élection, soit à reconnaître implicitement des compétences judiciaires réelles à un organisme administratif.
Est-il besoin de rappeler que les prérogatives de la Cour constitutionnelle sont essentiellement contentieuses et qu’elles portent dans le domaine électoral sur la « régularité de l’élection présidentielle, des législatives et des opérations de référendum aux termes de l’article 86 de la Constitution ?
Il est vrai que les Maliens qui ont parfois le défaut mignon de s’agripper à des idées reçues en matière de réformes institutionnelles, ont également la fâcheuse habitude dans cet exercice, de ne jamais traiter frontalement les problèmes, préférant de loin les contourner par des bricolages juridiques.
En réalité, les contre-performances jurisprudentielles de la Cour constitutionnelle tirent leur source d’une problématique filigranée et peu perceptible.
Cette problématique est en rapport avec le contentieux des résultats. S’agissant en l’occurrence des législatives, jusqu’à ce jour, la pratique contentieuse a consisté à vider définitivement tout le contentieux des résultats des législatives avant la proclamation des résultats dits définitifs qui consacre l’entrée en fonction des nouveaux députés élus.
Mais si la pratique contentieuse observée en la matière a consisté à vider complètement et définitivement ledit contentieux pour proclamer des résultats définitifs, l’analyse combinée des dispositions constitutionnelles et législatives qui en fournissent le substrat juridique, jette un sérieux doute sur son bien-fondé.
Plutôt que d’être enfermé dans une sorte de bande d’urgence temporelle séparant la proclamation provisoire de la proclamation définitive des résultats, ce cadre juridique paraît au contraire suggérer un contentieux des résultats des législatives plutôt exonéré de ces contraintes, allant au-delà de la date butoir de proclamation de résultats.
Ce mouvement contradictoire témoigne d’un imbroglio juridique tirant sa source de dissonances entre la Constitution, la loi organique sur la Cour constitutionnelle, le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle et la loi électorale.
C’est cette configuration conflictuelle de l’environnement normatif du délai du contentieux des résultats des élections législatives qui pose problème et est préjudiciable à tous les acteurs du processus électoral.
Dr. Brahima FOMBA/Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB)
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