La récente polémique sur l’instauration de règles « sécuritaires » à Kidal a fait planer dans les esprits des acteurs de la communauté internationale l’ombre d’un retour à la charia instaurée en 2012. Pourtant, la charia est devenue peu à peu constitutive de la vie courante des touaregs. Leur pratique de la charia est totalement opposée à celle salafiste des groupes terroristes. Son application peut même s’inscrire dans un cadre particulier de l’APR (article 46). Le Mali n’a-t-il pas construit son histoire pluriculturelle depuis des siècles en mêlant cultures, traditions et pratiques religieuses ? Dans cet esprit, le HCIM, interface religieuse avec le gouvernement, se doit de rassembler les fidèles issus de branches différentes. Au travers de ces discours moralisateurs durant ses deux mandats, le président Mahmoud Dicko, n’a eu de cesse de prôner un islam radical, résolument tourné vers le passé, afin de servir ses intérêts personnels.
Depuis 2002, le Mali subit l’influence des mouvements religieux musulmans dans le débat public. Selon la sociologue Danielle Jonckers, en 2011, le Mali comptait près de 200 associations à caractère islamique enregistrées auprès de l’État. Cette diversité et cette cohabitation religieuse, parfois conflictuelles, ont largement participé à l’écriture de notre histoire commune et à l’évolution de la société malienne moderne. Ces multiples mouvances ont su se rassembler en 2002, et s’unifier au travers de la création du HCIM. Il a constitué le principal mouvement de représentation de la société civile, face au gouvernement, jusqu’à l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta en 2013. Bien qu’ils ne remettent pas en cause le principe de laïcité, les mouvements religieux musulmans influent sur la physionomie de la scène politique et sur les décisions prises par le gouvernement. Aussi, le HCIM, derrière la figure tant emblématique que controversée de son président Mahmoud Dicko, a largement participé à la mise en place d’IBK au pouvoir, mais a également su faire interdire le manuel scolaire d’éducation sexuelle soi-disant contraire aux valeurs maliennes. En combattant ses alliés du passé afin de servir ses ambitions politiques Dicko divise, Dicko s’enlise dans un Islam radical.
La plus haute instance religieuse malienne doit œuvrer pour la sauvegarde des valeurs et des principes de l’Islam en vue de sa consolidation et de son épanouissement, et pour rassembler la population en prônant un Islam modéré unifié. Dans ce cadre, le HCIM procédera, le 03 avril prochain, à l’élection du président du bureau exécutif national, qui a pour mandat de représenter administrativement et juridiquement l’organisation auprès des tiers et des pouvoirs publics. Les statuts du HCIM préconisent que le mandat du président soit au plus une fois renouvelable. Mahmoud Dicko, qui quittera donc définitivement ses responsabilités début avril prochain, a affiché ses ambitions. Début mars, un communiqué d’Issa Kaou Djim, porte-parole du HCIM, annonce que l’imam Dicko met en place son mouvement d’opposition dénommé « Le mouvement pour la défense des valeurs sociétales et religieuses », avec le soutien du dignitaire religieux, Mohamed Cheickna Ould Bouyé Haidara. Dès le lendemain, le porte-parole se rétracte ! Ledit mouvement aurait été créé par des jeunes afin de soutenir l’Imam et le Chérif de Nioro, à la suite du grand meeting du 10 février dernier.
Les articles 56 et 57 des statuts du HCIM interdisent respectivement et formellement au président, entre autres, d’être membre du bureau d’une autre association islamique durant son mandat, mais aussi d’être membre dirigeant d’un parti politique. Les ambitions personnelles de Dicko auraient-elles outrepassé les règles immuables de l’organisation dont il est encore le Président ? Son absence médiatique depuis cette bavure est sans équivoque. L’appétit politique dont il fait preuve, a largement été confirmé lors du meeting du 10 février dernier, au point que des milliers de fidèles ont quitté la séance, écœurés par des discours haineux voilant à peine la rancœur et l’avidité de son orateur. La soif de pouvoir de cet homme sans scrupule a été démasqué au travers de cette annonce prématurée de la création de son mouvement, s’affranchissant des statuts fondateurs du HCIM. Illustration parfaite d’un extrémisme terrifiant, Mahmoud Dicko est un ennemi de la nation, un ennemi de la paix, dont la seule arme est de diviser pour mieux régner !
Khalilou Coulibaly
@khaliloucoulib3