Prolifération annoncée des machines à sous : Le Mali bientôt sous l'impitoyable industrie du hasard

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Nous pensions avoir tiré sur la sonnette d’alarme, avec notre cri du cœur, " le Mali, futur Las Vegas de l’Ouest africain ? ", lancé le 6 octobre dernier dans le  quotidien le plus populaire du Mali, L’Indépendant.

A l’époque, deux projets concurrents étaient, en effet, en chantier, qui visaient le même objectif : la prolifération des machines à sous au Mali. Si le premier émanait d’une initiative parlementaire, avec une proposition de loi tendant à relire la loi n° 96-021 du 21 février 1996 portant autorisation de certains jeux de hasard dans les établissements spécialisés, le second, en ce qui le concerne, retiré subrepticement de l’ordre du jour du Conseil de ministres du 15 septembre 2010, consistait en un projet d’ordonnance du gouvernement, modifiant la loi n° 03-025 du 21 juillet 2003 autorisant les paris sur les courses de chevaux et autres jeux de hasard. Et figurez-vous que dans ce dernier cas, l’on était devant le cas de figure ubuesque suivant : le projet d’ordonnance allait tomber sur la table de l’Assemblée nationale, alors en pleine session ordinaire ( !), fébrilité attestant chez ses initiateurs une précipitation permettant de  réussir en catimini un coup tordu.

Nous pensions avoir suffisamment donné l’alerte. Mais voilà : ce mercredi 8 décembre 2010, le Conseil de ministres est appelé à statuer sur un projet de loi tendant à faire sauter les verrous institués par les intelligentes lois de Alpha Oumar Konaré et du premier mandat de Amadou Toumani Touré en la matière, qui régissent actuellement les jeux de hasard au Mali. Si jamais, si jamais, si jamais une telle décision était prise, ce serait ouvrir une voie royale vers l’essaimage dans le pays de ce que l’on pourrait appeler les " casinos du pauvre ", avec tout son cortège de drames humains sur fond d’escroquerie organisée. Alors, les responsabilités seront aisées à situer.

Rappelons-le : Le Mali a déjà connu son expérience malheureuse des machines à sous. C’était dans les années 80, sous la 2ème République. Elle se heurta à une réprobation populaire vigoureuse, en particulier de la part des Ulémas. L’introduction massive de ces machines a en effet engendré, comme partout en Afrique où elle avait été tentée, une véritable déchéance sociale. Et Moussa Traoré dut y mettre un terme.

On ne le dira jamais assez, la prolifération des machines à sous, ces appareils que l’on appelle d’ailleurs " bandits manchots " justement parce que, face à eux, on a plus de chances d’être dépouillés que de faire fortune, c’est à coup sûr, l’acheminement de pans entiers des populations dans une impasse sociale ; C’est, à coup sûr, la désorganisation de l’économie nationale, l’appât du gain facile prenant le pas sur la quête d’épanouissement par le travail.

En quoi les lois d’Alpha étaient-elles intelligentes ? Elles l’étaient parce qu’elles organisaient l’architecture institutionnelle des jeux de hasard sur deux béquilles :

 D’une part, les jeux électroniques, parmi lesquels les machines à sous, parce que les plus propices à engendrer une dangereuse addiction au jeu, sont rigoureusement confinés dans des Etablissements spécialisés, eux-mêmes impérativement liés à des Hôtels de classe internationale. Ils sont ainsi de contrôle plus facile à tous point de vue, en particulier sur le plan de la traçabilité de leurs sociétés d’exploitation (évitant le blanchiment) et sur celui de l’accès des nationaux (rendant l’accès de ces jeux difficile aux nationaux, et pratiquement impossible aux plus démunis).

Et d’autre part, les courses de chevaux et tous les autres jeux, moins nocifs pour les populations, sont organisés par le PMU-Mali agissant en héritier de la LONAMA. C’est à cette architecture que s’attaquent les tentatives actuelles de relecture des textes législatifs. L’initiative de certains députés, sapant le premier pilier, consiste à briser la liaison impérative faite entre Etablissement spécialisé et Hôtel de classe internationale. Alors, non seulement cela aurait pour effet de multiplier les salles de jeux sur toute l’étendue du territoire, mais des établissements de jeux déconnectés d’un hôtel soucieux de sa réputation feraient du Mali un havre de blanchiment d’argent sale.

Les effets induits par le projet de loi du gouvernement seraient encore plus désastreux : Il autoriserait à PMU Mali d’exploiter les jeux électroniques, et expressément les machines à sous, soit par ses structures propres, soit par le truchement d’un partenaire. Et il se murmure déjà de façon récurrente que certains dirigeants de PMU Mali sont en train de monter, en cheville avec certaines hautes personnalités du pays, la société avec laquelle PMU Mali entrerait en partenariat dans l’exploitation des machines à sous, une fois la loi modifiée. D’où l’acharnement et la fébrilité de la direction du PMU dans ce dossier. Encore un scandale en perspectives ?. Et si encore une telle modification se soldait par de substantielles recettes pour l’Etat ! Loin de là ! Il est plutôt prouvé que toutes les expériences africaines du genre enrichissent sûrement les exploitants et quelques gagnants, et beaucoup moins sûrement les finances publiques. Dans le cas d’espèces, il est attendu, selon la note accompagnant le projet de loi, 10 milliards de F CFA par an de recettes et seulement 500 millions de F pour l’Etat. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle, surtout face à l’accroissement de la pauvreté chez les plus démunis ainsi que les drames humains qu’il draine ?

En tous les cas, il serait vraiment triste qu’une telle entreprise, fondée essentiellement sur l’exploitation de la misère, soit refusée par Moussa Traoré, mais instituée par Amadou Toumani Touré à la fin de son mandat.

Abdel Aziz COULIBALY

 

 

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