Prolégomènes à propos de l’affaire : Adama Sangaré contre ministère public

15
Me Mamadou Gakou
Me Mamadou Gakou

Pendant toute l’histoire du monde, beaucoup d’hommes ont lutté contre le droit en prétendant avoir lutté pour lui. Le crime contre le droit au nom du droit est éternel et permanent. Le verbalisme, les républiques bananières, tous les tyrans de tous les temps, de tous les lieux et de tous les milieux ont eu le ” droit “, la “ légalité “, la justice, la morale, les droits de l’homme, la prospérité, la fin de l’impunité (depuis peu, relativement), plein la bouche. C’est le régime du contre-mot (cf. les sorcières de Macbeth “ Fair is foul and foul is fair “). Dans tous les temps, dans tous les lieux, dans tous les milieux, les hommes ont toujours gémi, crié ou ricané contre le droit injuste, contre la loi injuste, contre le juge injuste. (B. Pascal, ”Pensées” : ” c’est piperie bonne à duper le monde ” ; La fontaine, ”les animaux malades de la peste” : ” selon que vous serez puissant et misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir “ ; Tolstoï, ”résurrection”, ch. VIII ” Et moi, je connais des forçats qui sont incomparablement supérieurs à leurs juges “ ; Anatole France, ”Crainqueville, Pertois, Riquet” : “ un juge peut être bon, car tous les hommes ne sont pas tous méchants ; les hommes sont enclins à adorer les dieux méchants , et ce qui n’est point cruel ne leur semble point vénérable… ils n’ont point une autre morale que les juges, et ils pensent comme eux qu’une action punie est une action punissable ” etc. Le droit juste et l’imposture du droit injuste sont, pour la philosophie de l’absurde qui a naguère régné en  France, les deux faces d’un même visage : ‘Albert Camus, ”l’homme révolté” : ” Le monde du procès est un monde circulaire… où tous les miroirs réfléchissent la même mystification “.

 

 

La justice, au Mali, est surtout rendue par l’Etat, (il ya aussi l’arbitrage par exemple), plus précisément par des juridictions, jugeant ” au nom du peuple malien “. Il existe un grand nombre de juridictions (de “ Tribunaux et Cours “) reparties sur tout le territoire, qui constituent l’organisation judiciaire, ce qui signifie deux choses : d’abord elles sont reliées les unes aux autres d’une manière hiérarchique, ensuite elles n’ont pas toutes les mêmes attributions. Le dossier Adama SANGARE suivant son cours, l’affaire étant pendante, le secret professionnel et le secret de l’instruction commandent des limites infranchissables à la chronique, sauf cependant à faire état de commentaires juridiques généraux tirés de notes personnelles en guise d’introït. L’histoire, fille du temps, est comme lui maîtresse du droit. Avant d’être un phénomène moral, économique, rationnel, social ou politique, le droit est essentiellement historique ; l’histoire n’est donc pas seulement un élément du droit : elle en est le signe, le témoin, le facteur permanents. Cette évidence, tout le monde, ou presque, l’a dite, il suffit de citer Ihéring, “le sentiment du droit n’est pas inné, mais acquis en fonction du milieu historique”.

 

 

Entre ces deux pôles de l’humanité, le juste et le criminel, il ya l’immense variété des opinions diverses, des intérêts rivaux et des vérités qui changent : l’homme en marche. De cet antagonisme  naît une tension permanente, un conflit incessant, partie intégrante de l’histoire, une controverse constante, la dialectique juridique : le droit naît de la lutte.

 

 

Le droit est ainsi un mélange d’absolu et de relatif : fondé sur l’absolu, la justice est divine (psaumes, XIX, 8 : “la loi de Dieu est parfaite ” ; CXIX, 97 : “Comme j’aime ta loi ! Tout le jour, je la médite “). Il est aussi relatif : il varie selon les temps et les lieux (Pascal : ” Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité en deçà des  Pyrénées, erreur au-delà “. Il est un mélange de paix et de rapports de force, de justice et d’ordre. Telle est la pathétique et la contradiction du droit, l’image même de la condition des hommes, leur pathétique, ” la possibilité infinie de leur destin ” (André MALRAUX, les dernières lignes de ”l’espoir”: ” on ne découvre qu’une fois la guerre, mais on en découvre plusieurs fois la vie…Manuel entendait pour la première fois la voix de ce qui est plus grave que le sang des hommes, plus inquiétant que leur présence sur la terre-la possibilité infinie de leur destin-, et il sentait en lui cette présence mêlée au bruit des ruisseaux et au pas des prisonniers, permanente et  profonde comme le battement de son cœur “.

Le temps est un des grands maîtres du droit, mais il est un maître ambigu : tantôt érosif et irritant (il détruit), tantôt statique (le droit est conservateur), tantôt dynamique (le droit est modificateur). La vie sociale est décidément liée au jour : le droit est diurne, et la nuit n’est pour lui qu’un vide, qu’il abandonne, ou un inconnu qu’il redoute.

 

 

Le juste et l’utile ne se s’opposent pas. Il n’est pas vrai, selon un mot historique célèbre souvent mal compris, ” qu’il vaut mieux une injustice qu’un désordre “. Les deux sont liés : il n’y a ni ordre sans justice, ni justice sans ordre.

 

 

Lorsque W. GOETHE (dans “ Le siège de Mayence “) prononçait ces mots, il avait empêché une foule en colère (et injuste comme le sont toutes les foules) de lyncher un prétendu coupable.

Dans notre pays, on doit redouter aussi bien l’idéologie de la vérité absolue que celle du règne des procureurs, car elles sont, aussi bien l’une que l’autre, et souvent ensemble, le germe de tous les despotismes. La justice, la mesure et la paix sont pour  Hésiode (milieu du VIIIe siècle av.J.C.) l’origine et la fin du droit : ” le fils de Chronos (Zeus) a constitué pour les hommes une loi (nomos) ; tandis que pour les poissons, les bêtes sauvage et les animaux de proie, il a établi celle de se manger les uns les autres, puisqu’il n’y a pas chez eux une justice (dikhê) ; aux hommes il a donné la justice…La démesure est chose mauvaise, pour les pauvres gens : les grands eux-mêmes ont peine à la porter, et son poids les écrase, le jour où ils se heurtent aux désastres “.  Notre droit pénal donne lieu actuellement à de singulières bizarreries. Il protège mal l’honneur du particulier, qu’il affiche, a priori, de ne pas outrager. Comment, toutefois, ne pas reconnaître le médiocre résultat obtenu de cette procédure et plus encore les nombreuses incohérences ? L’honneur, il ne se définit pas : se définir, ce serait s’arrêter. Or le temps n’a rien à dire ni à répondre à l’éternité.

 

 

Selon Eschylle (”les Perses”) : ” La démesure en mûrissant produit l’épi de l’erreur, et la moisson qu’on en lève n’est faite que de larmes “.

 

 

Lorsqu’une poursuite est exercée avec excès, passion, revanche, calcul ou violence, elle devient détestable aux dieux, aux juristes (juges et avocats), qui donnent leur faveur, c’est-à-dire le droit, à l’inculpé – devenu victime. La justice est une très vieille institution, mais une très belle dame: ” Genèse, XXX, 36 : Jacob adresse ainsi la parole à Laban : quel est mon crime, quelle est ma faute, que tu te sois acharné après moi ? Tu as fouillé toutes mes affaires : as-tu rien trouvé de toutes les affaires de cette maison ? Produis-le ici, devant mes frères et tes frères, et qu’ils jugent entre nous deux “.  Les lois de l’organisation judiciaire sont d’une admirable  stabilité. Mais dans ce cadre immuable, les changements de régime entraînent des renouvellements surtout du personnel, selon un schéma qui se renouvelle trop souvent. Le régime nouveau qui s’installe suspend l’inamovibilité des juges, élimine les amis du régime précédent, il les remplace en nommant ou en promouvant ses propres amis. Ces derniers connaîtront, à leur tour, le tragique de l’épuration au plus prochain changement de régime, à moins que d’avoir, par une trahison réussie, rallié à temps le pouvoir nouveau. Le fait n’est pas propre au Mali.

Le Premier Empire avait éliminé en 1807 les révolutionnaires attardés. La monarchie

 

restaurée, élimine le personnel impérial. Plus hypocrite, le régime de Juillet se débarrasse des légitimistes jugés trop voyants en leur imposant un serment que 153 d’entre eux refusent de prêter. La IIème République conservera un renom de modération en n’écartant que 24 monarchistes. Le second Empire établit une limite d’âge qui le soulage de 132 magistrats hérités des régimes passés. Si l’Assemblée Nationale de 1871 avait été singulièrement respectueuse de l’inamovibilité, les républicains entrés dans les places seront, directement ou indirectement, les plus grands épurateurs du siècle : ils chasseront ou dégoûteront 614 magistrats conservateurs en 1883…L’épuration sévère opérée par le gouvernement de la Libération (présidée par De Gaulle) a exercé des conséquences et emporté des suites que n’avaient pas eues les épurations du XIXe siècle. Elle a détruit le loyalisme d’une part importante du corps judiciaire au profit de l’obéissance, de la servilité.

 

 

Revenons à la justice saisie par son ombre, par Sophocle (”Antigone”) : “ je ne croyais pas non plus que ton édit eût assez de force pour donner à un être mortel le pouvoir d’enfreindre les décrets divins, qui n’ont jamais été écrits et sont immuables : ils sont éternels… “. Et à Alfred de Vigny (Servitude et grandeur militaires) : “ Gardons nous de dire de ce dieu antique de l’Honneur que c’est un faux-dieu, car la pierre de son autel est peut-être celle du Dieu inconnu. L’aimant magique de cette pierre attire et attache les cœurs d’acier. Les cœurs des forts. Dites si celà n’est pas, vous, mes braves compagnons, vous à qui j’ai fait ces récits, ô nouvelle légion Thébaine, vous dont la tête se fit écraser sur cette pierre de serment, dis-je, vous tous Saints et Martyrs de la religion de l’honneur “.

 

 

Le pouvoir judiciaire, d’essence constitutionnelle (il a remplacé depuis 1992 ” l’autorité judiciaire “), dont on craint de s’emparer, se réduirait-il uniquement à l’inculpation automatique et brutale suivie du mandat de dépôt requis par le parquet ? Adieu donc lois, doctrine, jurisprudence, conclusions. Place à la mise en liberté habilement “ négociée ” ou âprement disputée. L’amicus curiae (l’ami de la cour) qui hante le Parquet Général ou la Chancellerie (nouvelles Cours Permanentes de Justice à compétence universelle) participe au pouvoir judiciaire, en dépit de la complexité contemporaine du droit et son mélange avec des données techniques complètement nouvelles. Aux orties le refus du magistrat de 1991 de se mettre au pas, la délibération du Barreau en faveur du multipartisme, les magistrats et greffiers en garde à vue, la traque et l’exil salutaire du célèbre avocat politique, le professionnalisme pur et sans idéologie des magistrats, des avocats (défense et partie civile) lors du ” procès crimes de sang “, la marche des juges et des avocats en robe sur le ministère. La distinction entre le fait et le droit se brouille.

 

 

Le juge du siège, désormais libre constitutionnellement d’organiser son office suivant la démarche qu’il souhaite et suivant les modalités qui n’ont pas à lui être dictées, dans le respect des auxiliaires de justice et des droits de la défense, se tâte. Les avis des avocats, bien inspirés, sont une aide précieuse pour la Cour. Mais de plus en plus ils sont considérés comme une explosion émotive au mieux, répétitive au pire. S’ils sont lus !

 

 

Il ne s’agissait pas ici de se payer de mots ou de se contenter de citations et de formules générales et faciles, mais de rappeler l’article 353 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale Français, relatif à la Cour d’assises : la loi ne leur fait (les juges) que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : ” Avez-vous une intime conviction ” ?  En effet, le pouvoir que le droit traduit demande beaucoup d’humilité, mais il est parfois une imposture. L’acharnement judiciaire a souvent forgé des Destins.

Me Mamadou GAKOU

Commentaires via Facebook :

15 COMMENTAIRES

  1. Ce matin au CICB IBK en serrant la main de Adama Sangaré a montré qu”il n’est pas l’homme du changement au Mali.

    Sinon, meme etant en liberté provisoire, si ADAMA SANGARE ne demissionne pas de lui meme pour preparer sa defense; IBK devrait tout mettre en oeuvre pour ne pas le rencontre ET SURTOUT LE FORCE.

    Les premiers actes sont importants POUR LA PRISE DE FONCTION.
    SOMI BE DIHA O BE DON DEPUIS A FITIRI FE

  2. Citoyens Maliens ,
    Pourquoi ne pas abandonner ce droit positif occidental copié intégralement et adopté comme droit posoitif malien. Il n`est connu que de quelques apprentis sorciers fortement acculturés comme maitre Gakou Mamadou et consorts quis`ingénient ♪ s`appeler spécialitses du droit , uges , agents de polices judicieres, avocats , grefiers huissiers ,etc..
    Il fau écrire le veritable droit positif malien qui reprend toutes nos pratiques de justice tradduionnelles . Le peuple sera alors acquis aux décisions de justice et entérineront et aucun juge ou avocat ne pourra tricher lors d`un procës parce que son acte d`injustice seraflagrant, Ces prétendus juges, avocats , policiers de police judiciaure et autres doivent tous aller à l`école de notre justice traditionnelle pour être juste. Le gouvernement du peuple , pour le peuple et par le peuple doit écrire le veritable Droit Malien et l`appliquer pour le bonheur du peuple malien.

  3. Bien cité, mais vous trouverez Malick II (Malick avec IBK derrière)devant vous!!!
    Que la vérité triomphe! Amen

  4. Me Gakou, je crois que les personnes qui ont été dépouillées et délestées de leurs biens ont de crier ” haro sur le baudet”. Toi tu es peinard avec les millions récoltes pour sa défense. 😳

  5. De grace MAÎTRE Gakou, cherche ton argent en tant qu’avocat mais Adama Sangaré n’est pas arrêté à cause de sa tête mais de ses faits et gestes. Ayez un peu de respects pour les victimes de Adama Sangaré

  6. franchement javais du respect pour cet avocat mais cest n’est plus la peine car il nest pas juste un voleur comme ADAMA SANGARE QUE PERSONNE AU MALI n’ignore? cest vraiment lamantable comme prétexte sa place cest ds la prison et sans confort cest très importent sinon cela ne servira a rien

  7. Un torrent de citations dans un bordélique copier coller. 🙁
    Quand un avocat trouve, comme seul moyen de défense, la distraction par des citations dans la presse 💡 … c’est qu’il manque d’inspiration dans le droit.

    La question fondamentale que maitre veut nous poser est: Pourquoi lui, et pourquoi cette austérité?
    La justice c’est aussi cela: seuls ceux qui se font prendre par la patrouille doivent répondre à leur forfaiture.

    Il y a des milliers de conducteurs qui font des infractions au code de la route, il y a des milliers d’entreprises qui fraudent le fisc, il y a des milliers d’écoliers qui trichent…
    Pourtant, est ce SUFFISANT que ceux qui se font choper nous baratines le policier ne m’aime pas, le fisc est derrière moi, l’enseignant veut pas voir ma troche?

    Arrêter de nous débiter des inepties qui n’ont qu’un seul objectif: nous faire croire que ce maire est victime du changement du régime 👿

  8. Il peut dire tout ce qu’il veut parcequ’il n’a pas été victime de ces bandes d’escroc sinon ceux à qui on n’a retiré les parcelles et vendre à d’autres ne vont jamais croire à ces borbares

  9. EST QUE VOTRE MAIRE PEUT JURER SUR LE CORAN QU’IL N’A PAS VOLE OU MAGOUILLER DES TERRAINS.
    ON PAS BESOIN DE TROP DE CHOSES POUR COMPRENDRE QUE SI LE MALI ETAIT VRAIMENT UN PAYS DE JUSTICE??? VOTRE CLIENT RETOURNERA EN PRISON, JE PARLE PAS DE LIBERTE PROVISOIRE QUI EXISTE PARTOUT. MAIS C’EST SUR QUE CETTE LIBERTE EST DEFINITF CAR ON EST AU MALI.

  10. Me Gakou, cette analyse est trop subtile pour le commun des mortels mais ceux à qui elle est adressée la comprendront peut être, enfin je l’espere.
    Bravo et bonne continuation.
    Courage champion!

    • Ce commun des mortels ne constitue qu’une minorité face cette majorité silencieuse mais digne de maliens qui veut tout simplement comprendre et être édifiée par des mots simples et appropriés pour ce qui leur concerne.A t-on de besoin d’ouvrir un dictionnaire de citations et des termes métaphoriques pour arriver à ça? je dis non monsieur Gakou. 😳

    • Ce commun des mortels ne constitue qu’une minorité face cette majorité silencieuse mais digne de maliens qui veut tout simplement comprendre et être édifiée par des mots simples et appropriés pour ce qui leur concerne.A t-on de besoin d’être un historien de jurisprudence
      ou d’ouvrir un dictionnaire de citations et des termes métaphoriques pour arriver à ça? je dis non monsieur Gakou. 😳

Comments are closed.