Projet de paix avec les groupes armés du 1er Mars 2015: Quelques recommandations.

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Ces recommandations partent d’un postulat : le débat sur « bon » ou « mauvais » projet d’Accord est dépassé. En définitive, « bon » ou « mauvais » dépendra de l’application qu’on en fera. Dans sa formulation actuelle, le contenu est presqu’incolore, presque vierge, car d’un point de vue juridique presque tout se neutralise. Ce projet d’Accord dit presqu’« on n’a pas un Accord ». C’est une grande astuce réussie par la diplomatie. Alors, l’interprétation revêt toute son importance, et le rôle de l’arbitre toute sa majesté. Et vu une récente déclaration de la médiation – citée plus bas – les unionistes doivent monter à la barre pour éviter que ce projet d’Accord ne devienne un vrai désaccord au détriment du Mali. Il ya une chance qu’on en sorte grandit, mais faut-il la saisir dès maintenant…

 

  • L’usage du terme AZAWAD dans le document prête à confusion. Tantôt, son usage laisse entendre qu’il évoque une entité territoriale, tel qu’utilisé dans le paraphe 2 du préambule : «le Nord du Mali, appelé par certains AZAWAD » ;Tantôt son usage revêt une connotation purement culturelle, tel que formulé dans l’article 5 du titre I : « l’appellation AZAWAD recouvre une réalité socioculturelle, mémorielle et symbolique ».

Il est souhaitable  que dans toutes ses manifestations officielles sur le projet d’Accord, le gouvernement doive consacrer l’entendement général de la Nation sur l’usage du terme AZAWAD, en tant qu’expression d’une valeur culturelle et non une quelconque reconnaissance d’une entité géographique.

  • Sur le statut particulier du Nord, il est nécessaire de rappeler et d’insister sur l’alinéa d de l’article 1 du titre II, qui prône « la promotion d’un développement équilibré de l’ensemble des régions du Mali tenant compte de leurs potentialités respectives.»

Ainsi que stipulé dans l’article 4 du même titre, quelles que soient les mesures spécifiques convenues pour la partie Nord du pays, celles-ci sont applicables aux autres régions du pays.

  • Sur les mesures de défense et de sécurité, notamment dans la mise en œuvre du processus de DDR, il faut attirer l’attention des autorités nationales sur le danger de la représentativité ethnique dans les forces armées. Le recrutement et l’intégration doivent être basés sur des principes objectifs, de mérite et de compétence. 
  • Dans le cadre de la reforme institutionnelle et de la réorganisation territoriale, ces principes doivent également prévaloir sur la représentativité ethnique.

En outre, il serait raisonnable d’inviter le gouvernement à sérieusement considérer le coût exorbitant  et superflu de la création d’une nouvelle chambre au niveau de l’Assemblée nationale. Il est séant d’orienter les motivations de cette décision vers «  l’ouverture du Haut conseil des Collectivités, aux notabilités traditionnelles, aux femmes et aux jeunes », à moins que cette mesure ne soit destinée à exagérer l’emprise du Chef de l’Etat sur l’Assemblée nationale.

  • Dans le cadre spécifique de la décentralisation poussée, l’on doit constamment demander au gouvernement de prendre des garde-fous dans l’exercice du contrôle de légalité à postériori des actes administratifs des Collectivités territoriales, pour sauvegarder l’intérêt national.

En définitive, nous pouvons penser, qu’en plus de la réaffirmation de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat  du Mali en tant que principes fondamentaux du projet d’Accord de paix, il soit nécessaire de mettre en œuvre ces recommandations.

N.B. : Il est choquant de noter que dans le Rapport du Conseil de Paix et de Sécurité de l’U.A. sur les pourparlers de paix au Mali, la délégation de la médiation a promis aux groupes armés de la CMA, que certaines de leurs revendications pourraient être prises en compte lors de la phase de mise en œuvre de l’Accord (Voir page 7 du Rapport). En rappel, ces revendications sont :

 

  • La reconnaissance officielle de l’Azawad comme une entité géographique, politique et juridique ;
  • La création d’une assemblée interrégionale regroupant les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni, dont les prérogatives relèvent de domaines spécifiques à l’Azawad ;
  • La reforme des forces de défense et de sécurité de manière à réserver à l’Azawad 80% des effectifs et du commandement à ses ressortissants ; et
  • La mise en place, pendant la période intérimaire, d’unités spéciales composées à 80% des ressortissants de l’Azawad.

 

Dans ces revendications, le point quatre peut paraître le plus simple et le plus raisonnable à mettre en œuvre, mais n’est-ce pas pour cette raison le plus dangereux ?

 

Prendre à témoins, l’opinion nationale et internationale, les citoyens maliens doivent être intraitables sur l’impartialité de la médiation internationale à respecter l’esprit du futur Accord de paix, qui rejette ces revendications et consacre dans sa forme actuelle et parachevée, l’intégrité territoriale, l’unité et la souveraineté nationales, et le caractère laïc de l’Etat.

 

Mahamadou Konaté

Enseignant-Chercheur

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