Projet de loi d’amnistie devant le CNT : une amnistie dans le déni de l’infraction pénale de coup d’état

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Comment amnistier une infraction pénale à travers un projet de loi dont la Note de présentation et le contenu baignent dans un argumentaire échafaudé sur le déni de la commission de cette même infraction ?

Comment amnistier une infraction pénale dont les auteurs présumés se terrent dans le déni de sa commission ?

C’est à cet équilibrisme insensé que se livre le projet de loi “portant amnistie des faits en lien avec la démission du Président de la République le 18 août 2020”, actuellement sur la table du CNT.

Si le projet de loi égrène une batterie d’infractions pénales, en aucun moment il ne cite en tant que telle, l’infraction pénale de « coup d’Etat » ou « d’attentat dont le but est de renverser par la force le gouvernement légal ».

DES ELUCUBRATIONS DANS LA NOTE ACCOMPAGNANT LE PROJET DE LOI

Le rapport de présentation du projet de loi d’amnistie en fixe l’objet en rapport avec les « faits en lien avec la démission du Président de la République le 18 août 2020 ».

Il déroule lesdits faits ainsi qu’il suit :

– Suite au mécontentement populaire qui a « engendré une crise sécuritaire et institutionnelle », les Forces armées et de sécurité « ont obtenu du Président de la République sa démission le 18 août 2020 ».

– Avant sa démission, « le Président de la République avait reçu celle du Premier ministre et avait procédé à la dissolution de l’Assemblée nationale ».

– « Pour combler le vide institutionnel consécutif à la dissolution de l’Assemblée nationale, aux différentes démissions sus évoquées, les Forces armées et de Sécurité ont mis en place le Conseil national pour le Salut du Peuple (CNSP) pour conduire la vie de la nation durant la période transitoire ».

On constate à ce niveau que l’Acte fondamental n°001/CNSP du 24 août 2020 qui est l’acte incarnant le « coup d’Etat ou putsch » au sens de l‘article 121 de la Constitution a été complètement occulté. Et pour cause !

 L’ARTICLE 23 DE LA CHARTE DE LA TRANSITION INOPERANT

Cet article 23 dispose : « Les membres du Comité national pour le Salut du Peuple et tous les acteurs ayant participé aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition, bénéficient de l’immunité. Ace titre, ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour des actes posés lors desdits événements. Une loi d’amnistie sera adoptée à cet effet ».

Il ressort que l’infraction pénale visée ici et censé soutenir une loi d’amnistie est la « participations aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition ». Or nul ne connait la charge pénale précise de la « participations aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition ».

Il est pourtant admis que la loi pénale est d’interprétation stricte et restrictive et qu’il faut de ce fait, s’en tenir à ce que législateur a entendu lui attacher. Rien de plus, rien de moins.

Comment pourrait-on exiger du juge une telle interprétation, si l’infraction pénale  elle-même n’est pas identifiée.

Qu’elle est la nature de l’infraction de « participations aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition » et à quels articles de la Constitution ou du Code pénal malien renvoie-t-elle ?

 L’INFRACTION PENALE DE COUP OMISE DANS LA LISTE ENUMERATIVE DU PROJET DE LOI

Les infractions visées dans la série énumérative de l’article 1er du projet de loi d’amnistie sont les suivantes :

– Mutinerie ;

– Atteinte à la sureté intérieure de l’État : il s’agit de quels faits criminel liés à cette catégorie : s’agit-il « d’attentats et complots contre le gouvernement » (prévus à l’article 45 du Code pénal) ou s’agit-il de de « crimes portant atteinte à la sécurité intérieure de l’état ou à l’intégrité du territoire par la guerre civile, l’emploi illégal de la force armée, la dévastation et le pillage public » ?

– Atteinte à la sureté extérieure de l’Etat : quels faits criminels rentrent concrètement dans cette catégorie en relation avec les événements du 18 août 2020 ?

– Opposition à l’autorité légitime ;

– Coups et blessures volontaires ;

– Blessures volontaires ;

– Violences et voies de fait ;

– Menace de mort ;

– Enlèvement de personnes ;

– Arrestations illégales ;

– Séquestration de personnes ;

– Extorsion et dépossession frauduleuses ;

– Embarras de la voie publique et atteinte à la liberté de travail.

Le constat est que parmi les infractions proposées à l’amnistie, ne figure aucunement l’infraction de “coup d’Etat ou putsch” prévue à l’article 121 de la Constitution ou “d’attentat dont le but est de renverser par la force le gouvernement légal » prévue à l’article 45 du Code pénal de la catégorie des crimes contre la sûreté intérieure de l’État.

L’article 121 de la Constitution dispose que « tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien ».

L’article 45 du Code pénal range le coup d’Etat dans la catégorie des crimes contre la sûreté intérieure de l’État en tant « qu’attentat dont le but est de renverser par la force le gouvernement légal ».

En d’autres termes, s’il s’avère que des infractions pénales sont proposées à l’amnistie, il reste que l’infraction pénale de coup d’Etat ou d’attentat dont le but est de renverser par la force le gouvernement légal, n’est pas visée par le projet de loi d’amnistie.

Plus prosaïquement,  le projet de loi en l’état n’amnistie personne au regard de l’article 121 de la Constitution et de l’article 45 du Code pénal.

Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB)

 

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