Présidentielle 2018 : Le scénario de Bamako (analysé par un sénégalais)

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Ibrahim Boubacar Keita (G) affronte Soumaïla Cissé (D
Ibrahim Boubacar Keita (G) affronte Soumaïla Cissé (D), lors du second tour de l'élection présidentielle au Mali, le 12 août 2018. © Issouf SANOGO, Sia KAMBOU / AFP

La victoire inespérée du candidat sortant à l’élection présidentielle malienne, survenant de surcroît, à l’issue du second tour de scrutin est interprétée par certains idéologues-mercenaires de Benno Bokk Yakaar, comme une défaite de la « stratégie du second tour », imputée, à tort, à la seule Opposition politique.

En effet, ce sont plutôt les partisans du pouvoir actuel, qui clament urbi et orbi l’impérieuse nécessité pour leur candidat, en perte de vitesse, de remporter la prochaine élection présidentielle au soir du 24 février 2019, c’est à dire, à l’issue du premier tour. Comme s’ils avaient une peur bleue d’affronter l’Opposition au deuxième tour ! Il faut reconnaître, que sur la base de notre courte expérience d’alternances démocratiques (en 2000 et 2012), le deuxième tour est assimilé – dans l’inconscient collectif de la classe politique sénégalaise – à une défaite certaine du candidat sortant.

Dans tous les cas, même s’il faut se réjouir du fait que les thuriféraires du pouvoir APR semblent revoir leurs ambitions de victoire au premier tour à la baisse, il est plus que hasardeux de conclure, que le scénario malien pourrait se reproduire dans notre pays.

Il est vrai qu’il y a des similitudes entre les deux régimes de Bamako et de Dakar caractérisés par leur gouvernance désastreuse, leurs penchants à la patrimonialisation et au clanisme, leur soumission aux désidératas de l’impérialisme français et les multiples scandales qui ont émaillé la vie politique des 2 pays, ces dernières années.

Une différence importante réside, cependant, dans le manque notoire de volonté politique du gouvernement malien à résoudre l’équation sécuritaire. Tout se passe comme si cet état de guerre larvée et cette atmosphère de tension permanente leur convenaient, pour justifier la restriction des libertés publiques et la pérennisation de la présence des troupes françaises. Et de fait, l’instrumentalisation de la psychose sécuritaire a permis de manipuler le processus électoral (bourrages d’urnes, soutien tacite des chefs rebelles…).

Cette hypothèse apparaît d’autant plus plausible que ce sont les errements des politiques publiques et le non-respect des normes de l’État de droit (secteurs de l’École et de la Santé en crise, justice corrompue, accaparement des terres…etc.), qui renforcent les dynamiques radicales / djihadistes dans les zones enclavées ou laissées à elles-mêmes.

Un autre aspect de ces présidentielles maliennes est le faible niveau de participation aussi bien au premier tour (42,7%) qu’au deuxième tour (34,54 %), qui ressemble à ceux observés au Sénégal entre 2012 et 2016, notamment aux législatives de 2012 (36,6%), aux municipales de 2014 (41%) et au référendum de 2016 (38,6%).

Cependant, les élections législatives de 2017 ont connu un regain de participation (53,6%), concomitant avec la chute du score électoral de la coalition présidentielle en dessous de la barre de 50%. C’est dire que le regain d’intérêt des couches populaires pour la chose politique, à mesure que se rapprochent les présidentielles de 2019, semble être directement proportionnel à la défiance croissante vis-à-vis du pouvoir en place, qui risque de s’accentuer et de conduire à un ballotage défavorable à Benno Bokk Yakaar.

Est cela qui explique toutes ces manœuvres autour du processus électoral (parrainage, emprisonnement et exil de concurrents politiques, rétention de cartes électorales…) et l’accentuation des pratiques clientélistes et corruptrices (audiences au Palais suivies de largesses, financements rapides, débauchages d’adversaires politiques…) ?

Cela dit, il est clair que c’est l’absence de cohésion programmatique qui a perdu l’Opposition malienne. Les principales raisons d’abstention au deuxième tour, invoquées par les électeurs étaient liées au fait qu’ils ne voyaient aucune différence entre les deux candidats et qu’ils ne percevaient aucune perspective de changement. C’est cela qui a facilité la tâche au candidat sortant, lui permettant de neutraliser certains des candidats malheureux éliminés ou de leur faire miroiter la juteuse perspective de participation à un gouvernement d’union nationale.

Mais entre la  dispersion des voix à l’élection présidentielle malienne et la justification de la loi scélérate sur le parrainage par un souci de moraliser le processus électoral sénégalais, il y a un pas, que n’osent franchir que les mercenaires idéologues désireux de continuer à profiter des délices du pouvoir !

Cette loi, taillée sur mesure pour les nouveaux milliardaires politiciens, qui ont mis à genoux les grandes entreprises nationales (Poste, Port, COUD…) ne vise qu’à faciliter un hold-up électoral programmé à la malienne.

Une contribution de NIOXOR TINE, SENEGAL (pour maliweb.net)

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2 COMMENTAIRES

  1. Au Mali les Candidats ne sont pas prison malgré que la prison était vraiment leur place et beaucoup d’entre eux savent qu’ils l’échéance est report à cause de leur candidature. Mr il y a une grande différence entre coq et pintade

  2. Une différente de taille entre les deux pays :le peuple du Mali a une expérience d’une révolution populaire encrée dans la mémoire collective qui peut permettre d’empêcher l’installation d’un pouvoir issu d’un bourrage très visible des urnes.
    Si le Sénégal a plus d’expérience démocratique que le Mali,il n’a pas la même perception de la préservation de cette démocratie que le Mali.
    Le MALI a acquis sa démocratie dans la douleur tant dis que le Sénégal l’a eu grâce à la clairvoyance d’un président qui a abandonné le pouvoir pour permettre la succession au sommet de L’ÉTAT,Senghor.
    Le Sénégal peut accepter plus l’installation d’un pouvoir issu des bourrages d’urnes que le Mali qui a les sacrifices des martyrs à préserver pour empêcher que la démocratie malienne soit dévoyée.
    L’avenir proche va nous éclairer,si un pouvoir peut s’installer dans le Mali démocratique dans la fraude sans provoquer une révolution populaire .
    L’analyse de NIOXOR TINE est faite sur la base des résultats qui ne reflètent pas la vérité des urnes.
    L’éclatement de l’opposition n’a pas empêché SOUMAILA CISSE de gagner.
    Le peuple malien est allé voter pour sanctionner le président sortant ,non pour élire un candidat.
    Les résultats du premier tour,malgré les falsifications des chiffres,en attestent largement.
    Les 23 candidats sur 24 ont tous appelé à voter contre le président sortant .
    Leurs résultats cumulés font que le président a été sanctionné par 58 pour cent des électeurs qui ont exprimé leurs votes.
    Ceux qui se sont abstenus à appeler à VOTER pour SOUMAILA CISSE n’ont eu aucun effet sur le vote réel car si on élimine les bureaux de vote bourrés,l’opposition gagne les élections.
    La réaction de la rue face à la victoire du président sortant annoncée par la cour constitutionnelle explique que le président sortant n’a pas gagné réellement,qu’ il risque de connaître la foudre de la rue.
    Bamako a gardé son attitude naturelle le jour de la proclamation par la course constitutionnelle de la victoire D’IBRAHIM BOUBACAR KEITA.
    La réaction de la rue doit inquiéter le pouvoir.
    En démocratie les urnes permettent de calmer le bouillonnement de la population consécutif à une mauvaise gouvernance trop dure sur le quotidien de la population.
    Si les urnes ne servent à rien,il faut s’attendre à un soulèvement populaire dans un pays qui a fait des sacrifices pour l’instauration de la démocratie.
    Le Sénégal a une tradition de bourages d’urnes pour maintenir un pouvoir impopulaire (les années abdou Diouf contre Wade).
    Le MALI vient de vivre son premier cas pendant l’ère démocratique car tous les présidents élus ont été félicités pour montrer à la rue que le vote s’est bien passé.
    IBRAHIM BOUBACAR KEITA est le premier président élu à n’avoir pas été félicité par son challenger.
    C’est un signe incontestable que le pouvoir est impopulaire car même si SOUMAILA CISSE veut le FÉLICITER,il ne peut pas compte tenu de la pression populaire.
    OSER LUTTER ,C’EST OSER VAINCRE!
    La lutte continue .

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