Présence de Moussa Traoré au défilé : Un mal nécessaire

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C’est toujours difficile de se lancer dans un débat dont on n’a pas les  tenants et aboutissants. En effet, je m’en voudrais si je ne précise pas d’emblée que je n’ai pas suivi le   débat, mais  vu l’importance du sujet, je ne peux me mettre à l’écart.

Si nous revenons aux différentes réactions que le sujet a suscitées dans l’opinion nationale, je me rends compte que dix neuf ans après les sanglants événements de Mars 1991,  les plaies sont toujours béantes. A qui la faute ? A nous tous. Le citoyen lambda comme moi, bafoué dans sa chair et sa dignité, n’a eu aucune assurance pour accorder son pardon. Le kokadje, devenu le slogan populaire, tout de suite après le 26 mars, a été, peu à peu, soustrait des discours politiques, voire de la vie politique après la           " fameuse conférence nationale ".

Comme on le voit, le citoyen lambda est resté sur sa fin, on a vite fait d’oublier ses morts et son lot de misère, car il y a autre chose qui urge en cette période d’après conférence nationale : le pouvoir. Et pour accéder à ce pouvoir, on ne peut faire table rase du passé et on ne peut faire fi des vaincus du 26 mars, l’UDPM et ses hommes, chuchotaient les grands stratèges du parti qui allait sortir vainqueur des premières élections de l’après 26 mars. Faute d’avoir sous la main, tout de suite, une nouvelle classe politique, les hommes politiques d’alors ont jugé " sage " de faire du " nouveau " avec de l’ancien. En tous les cas, c’est ce qu’ont reflété les résultats des urnes au lendemain des élections générales de 1992 au grand dam des initiateurs du Kokadje.

L’ADEMA s’en frottait les mains avec sa majorité au parlement qui sentait une odeur de déjà connue : plusieurs députés de l’UDPM  sont élus, j’allais dire reconduits a la Place de Bagadadji. Des honorables députés UDPM ayant juste changé de fusils d’épaule aux " incontournables irremplaçables administrateurs " que de bégaiement de l’histoire! L’histoire récente du Mali de 1991 à nos jours, n’est qu’une pièce théâtrale à plusieurs actes avec les mêmes acteurs devant plusieurs générations de spectateurs. Un coup d’œil dans l’administration nous ramène à la triste réalité : petit à petit, patiemment et intelligemment, le peuple, à travers son " bien-aimé " et " bienfaiteur ", " grand bâtisseur " ATT, réhabilite ses " dignes fils "  de l’ère Moussa Traoré.

N’est-ce pas en reconnaissance de leurs valeurs qu’ATT, continue de vouer de l’admiration, voire de l’adoration à son ancien employeur et maitre Moussa Traore et à tous ses proches collaborateurs ou amis. Koulouba de ATT sent une ère d’avant 26 mars avec tous ses Conseillers qui y travaillaient déjà en 1991. Ce n’est certainement pas l’actuel Secrétaire Général de la Présidence ci-devant Ministre secrétaire général du General Moussa Traore qui me contredirait. Comment ne pas évoquer aussi le cas de cet autre Général Mamadou Coulibaly, devenu sous ATT I  l’aumônier national des logements sociaux. Ce n’est certainement pas à cause de ses qualités de soldat reconnus en son temps, et qui n’ont, d’ailleurs,  pas empêché les événements  de mars 1991, qu’il a été porté à la tète de la Commission des logements sociaux .  La liste des " indispensables " du régime de Moussa Traore, revenus aux affaires est longue et jusque-là personne n’a jamais crié au retour aux affaires des hommes de confiance de ce dernier.

Depuis que les réactions s’enchainent suite à une pétition, dont je n’ai eu connaissance ni de la teneur ni des auteurs, contre la présence de Moussa aux cérémonies du défilé du cinquantenaire, une question ne cesse de me tarauder..

Pourquoi tant d’indignation et de bruit autour de la présence de Moussa Traore au défilé du 22 septembre? Pourquoi vouloir une chose et son contraire? N’est-ce pas nous qui avions réhabilité Moussa et tout son régime en nous appuyant sur son système qu’il a mis en place pour accéder au pouvoir? N’est-ce pas nous qui l’avions jugé, acquitté et réhabilité? Nous ne voudrions pas de lui mais nous nous entourons de ses hommes. " Que j’ai honte de nous, débiles que nous sommes.. " disait le poète. On ne peut, malheureusement, pas déchirer les pages de l’histoire, mais on peut tourner et on doit tourner les pages pour avancer sans oublier. Malheureusement en 1991, on n’a jamais pensé tourner les pages de Moussa Traoré, car, après les procès folkloriques crimes dont on nous avait gratifiés, il aurait fallu passer à l’étape d’une vraie réconciliation nationale à la " sud africaine " Au lieu de cela, nos hommes politiques courtisaient Moussa et son régime tout en maintenant l’amalgame auprès du citoyen lambda qui croyait, dur comme fer, que le Kokadje ne sera pas un vain mot, mais un leitmotiv pour un véritable changement.

Maintenant que les préparatifs du cinquantenaire, nous jettent à la face : l’image hideuse de notre histoire bégayante, ne devrions-nous pas pour une fois prendre le taureau par les cornes en posant le vrai problème de la réconciliation ? Car  ne nous leurrons point, elle est déjà en marche cette réconciliation dans les couloirs du pouvoir de Koulouba à la Place de Bagadadji en passant par la Primature. ATT ne s’était-il pas, d’ailleurs, appuyé sur le fameux concept " gestion consensuelle du pouvoir "  pendant son premier mandat pour préparer le citoyen à une réconciliation qui ne dit pas son nom. Par cette gestion consensuelle du pouvoir, il a, comme on le dit, fait d’une pierre deux coups : faire taire toute opposition politique à sa stratégie de réhabilitation du régime défunt de Moussa en invitant toute la classe politique au partage du gâteau, et préparer l’opinion publique à ce qui nous divise aujourd’hui : c’est-à-dire la  réhabilitation officielle et formelle devant Dieu et les hommes de Moussa Traoré à travers sa  présence au défilé du cinquantenaire qui est le dernier acte du spectacle politique commencé le lendemain du 26 Mars 1991.

Cette présence sera pour l’intéressé une corvée, une sorte de l’œil de Caen qui le hantera pour toujours, mais une présence qui sera aussi et surtout une occasion pour nos hommes politiques et pour tous ceux qui rêvent de nous gouverner un jour, de faire leurs bilans, j’allais dire leur mea culpa de la gestion de l’après 26 mars.

Enfin la présence de Moussa Traoré au défilé pour beaucoup d’entre nous, pour tous ceux qui se sentent blessés, sera un mal, un mal nécessaire pour que plus jamais il n’y ait tentative volontaire ou involontaire de déchirer une seule page de l’histoire tumultueuse du Mali.

Yachim Yacouba MAIGA

Port-au Prince, Haïti

 

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