Politique… oui… mais autrement s’il vous plait

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Un nouveau gouvernement vient d’être installé au Mali avec à sa tête une femme bien connue des milieux politiques mais qui était plus au moins oubliée du grand public. Ce fut la surprise de la « saison » mais la répartition des postes ministériels n’est pas une surprise. Personne, même les plus naïfs, ne s’attendait à une équipe entièrement nouvelle. Après tout, pourquoi changer tout l’attelage pour une course qui ne durera plus encore ?

Puisque le CNID a saigné et agonise encore du départ sans scrupule de son ancien Secrétaire General, on lui fait une petite compensation en lui donnant un nouveau poste, gageons que Mr Kadioké ne fera pas défection, lui aussi, au bout de quelques mois pour un meilleur pâturage de l’après Juin 2008. Le PARENA se faisait entendre ces jours-ci et tirait la sonnette d’alarme sur la préparation de l’élection présidentielle de 2012. Le bouillant PPR disait il y a quelques jours que le nouveau gouvernement doit avoir comme seule tâche : la préparation de l’élection présidentielle, comme si la République devait s’arrêter de vivre puisqu’on doit élire un nouveau Président.

Voilà, notre révolutionnaire reconverti est récompensé. Il a désormais le Ministère des Jeunes et des Sports pour ne pas dire le Ministère du football et de l’équipe nationale. Il pourra au moins galvaniser les jeunes pour sortir massivement et voter en Avril 2012. Mais je doute qu’il puisse mobiliser même la jeunesse du plus petit des quartiers de Bamako. Le PARENA est-il encore un parti d’opposition ? Et puis la question est même redondante au Mali. Il n’y a pas d’opposition puisqu’il n’y a pas un parti au pouvoir. Il y a un homme qui est au pouvoir-ATT- et il y a le reste, c’est-à-dire tous ceux qui veulent être au pouvoir après ATT, souvent pressés qu’il s’en aille. Alors je me garderais d’utiliser le langage standard même si au SADI on nous claironne qu’ils sont « Opposition ».

Soumeilou Boubeye Maiga, candidat malheureux à la présidentielle en 2007, revient ; il a frôlé l’exclusion et le bannissement après s’être désolidarisé de la famille des Abeilles (piquantes, par ailleurs) et allé contre ATT. Cette fois, il ne fera plus mal. Il va même aider sa famille politique et auréoler la sortie d’un ex-adversaire.

Il est désormais « politiquement correct » d’avoir quelques « Ag » et/ou « El » dans le gouvernement. Cela nous donne l’air d’un pays inclusif, qui n’oublie aucune de ses composantes ethniques, surtout si les plus belliqueux peuvent utiliser cet argument pour prendre des armes. Le RPM revient, appauvri pas les nombreuses défections, ATT dans sa magnanimité a peut-être pensé qu’il serait injuste de laisser mourir le Parti d’un homme qui a été Premier Ministre, Président de l’Assemblée nationale, etc. même si à ce jour ce Parti est incapable de battre un indépendant en Commune IV sans tricher ou sans la solidarité des autres « politicards ».

Daba Diawara est venu, pour surement défendre les reformes qu’il a proposées, lui et ses autres collègues bien inspirés. C’est l’Auditeur des comptes qui revient cette fois pour gérer la comptabilité dans laquelle il a observé beaucoup de mauvaises pratiques ou de faiblesses. Pour faire plus simple c’est l’arbitre qui vient tirer le penalty qu’il a sifflé. Mr Diawara, pour qui j’ai du respect et de l’admiration a malheureusement proposé beaucoup de solutions structurelles à des problèmes fonctionnels. Nous avons une Assemblée Nationale qui est une boîte à lettres, avec des Députés qui mettent souvent leur drapeau à l’envers les faisant passer pour des représentants de la Guinée plutôt que du Mali ; qui n’ont jamais rien initié en termes de législation ; qui ont poussé le laxisme au point d’abandonner les millions de femmes du Mali en ne défendant pas la loi qu’ils ont votée sans aucune pression extérieure.

Et maintenant le médecin prescripteur de médicaments démocratisant vient à grands pas. Il nous servira peut être, grâce aux bons et loyaux députés de l’ADEMA, URD, CNID, et j’en passe, un Senat où on « casera » bien d’anciens députés, d’anciens Ministres, d’anciens Maires, des Officiers à la retraite peut-être même des commerçants en faillite!!!!!Bientôt nous nous trouverons au Mali avec ce que les Bambara appellent « la fracture en plus de la luxation », ka muku fa ra kari kan.

L’ancien Gouverneur de Ségou reste en charge de l’office du Niger. Il sait tout le potentiel de cash de cet office gaspilleur et incapable de se moderniser, ne pouvant même plus aménagé les terres et les donnant plutôt en bail aux riches fonctionnaires et autres non maliens. On retire l’O.N du portefeuille de l’agriculture, en fait l’idée n’est pas bête. L’office du Niger ce n’est paradoxalement pas pour faire de l’agriculture ; c’est du commerce agricole, il y a une nuance, très importante à souligner.

Bientôt, très bientôt les candidats à l’élection présidentielle de 2012 vont commencer à sortir. Déjà, des jeunes se sont déclarés et ensuite viendront les déjà vu et déjà connus: Soumaila Cissé, Oumar Mariko, Zoumana Sacko, Ibrahim Boubacar Keita ( ?), Modibo Sidibé-puisqu’on lui prête des intentions-, Dioncounda Traoré, Tieblé Dramé, Mountaga Tall, un candidat PDES peut être etc. Dans ce lot il y en a qui ne gagneront jamais et le comble est qu’ils sont les seuls à ne pas comprendre qu’ils perdent leur temps. Ils viennent greffer les frais d’impression du bulletin de vote, mais par « orgueil » ou « cécité » politique ils ne voient d’autres moyens que d’aller à des élections qu’ils perdront lamentablement pour pouvoir s’accrocher sans honte à l’attelage d’un autre plus chanceux au 2em tour -s’il y a un 2em tour-. Je proposerais qu’on change la loi électorale en ses dispositions sur la caution.

Au lieu de payer une caution en avance pour être candidat, je propose qu’on fasse rembourser 10% des coûts de l’impression des bulletins de vote aux candidats qui n’obtiennent pas 5% des suffrages valables, sous peine d’une peine de prison, une amende et une interdiction de solliciter le suffrage des populations pendant 10 ans. Je me garderais d’aller plus loin, je me fais déjà suffisamment d’ennemis, alors je voudrais à partir de cette ligne inviter les maliens, à l’intérieur comme à l’extérieur, à se poser ces quelques questions :

– Ne peut-on pas faire de la politique autrement que de verser dans du clientélisme ?

– Combien parmi nous peuvent regarder leur Maire, un Ministre ou un Député dans les yeux et lui dire « vous ne servez pas, vous vous servez plutôt» ?

– Combien parmi-nous ont jamais contribué à la campagne d’un candidat à l’élection présidentielle ou à l’élection législative ou municipale au lieu plutôt de demander de l’argent au candidat ?

– Combien parmi nous se sont abstenus de demander des faveurs indues à un élu ?

– Quel est le Député qui peut se targuer d’avoir initié une loi pour répondre à un problème spécifique des maliens ?

– Quel est le Député qui a défendu le Code de la personne après l’avoir voté lorsque les soi-disant islamistes se sont levés et ont menacé littéralement la République au point où certains à l’étranger ont pensé que le Mali se « talibannise » ?

– Au-delà des infrastructures-que je salue en passant- quel est le bilan réel des dix dernières années ?

– A part les revendications salariales et autres, quel syndicat s’est jamais préoccupé de la déconfiture de l’école malienne ? Ah j’oublie, les syndicalistes n’ont ni enfants, ni frères, ni sœurs dans les écoles du Mali. Si vous me lisez toujours, oubliez cette question.

– Quel avenir pour l’enseignement supérieur qui est probablement le moins compétitif en ce moment dans la sous –région de l’Afrique occidentale ?

Quoi ! Je vous fais mauvaise conscience ? Bon, si je vous dis que moi non plus je ne peux être absout ! Cela vous mettra-t-il à l’aise ? Si oui, alors vous êtes véritablement une partie du problème. Mais continuons encore la réflexion. Le vrai danger qui guette le Mali démocratique en ce moment contrairement à beaucoup, ce n’est pas AQmi ou autres criminels des sables du Sahara, le vrai danger est de deux ordres :

– Le risque de voir un « déjà vu et de déjà connu » emménager à Koulouba après ATT et nous servir le même vin dans des bouteilles simplement poncées par des serveurs habillés autrement ;

– Des reformes à la va-vite que les honorables Députés ne prendront pas le temps de bien étudier encore moins consulter ceux qui les ont élus. On leur dira « Dites OUI rapidement, le temps presse. Ces réformes auront des conséquences dramatiques pour le pays. Tous les « grands partis » ont des Ministres dans le Gouvernement, alors les reformes passeront comme lettre à la poste.

Je voudrais m’attarder un peu sur chaque ordre de danger :

1. Le risque du « déjà vu et déjà connu » : On nous sert à volonté que Soumaïla Cissé viendra aux affaires, ou plutôt Modibo Sidibé ou encore Dioncounda Traoré, ou même Ibrahim Boubacar Keita etc.; en ne prenant juste un de ces quatre « présidentiables » on pourrait se demander ce qu’un Modibo Sidibé nous offrirait qu’il n’a pas pu offrir depuis 20 ans passés comme Ministre et/ou Premier Ministre ? Certains n’en ont cure. Ils voient le potentiel pour eux de gagner des postes et s’enrichir. Et le Mali ? Il est bien sûr perdant. Modibo ou un autre « déjà vu et déjà connu » devra avoir des arguments « non encore entendus » pour obtenir mon vote. J’essaie de faire la différence entre l’URD, le RPM, l’ADEMA. Je n’en vois pas, à part bien sûr la direction de chacune des formations et combien d’argent l’une ou l’autre formation a accumulé ou continue d’accumuler.

Les mêmes abeilles se sont juste trouvé de nouvelles ruches. Pour rappel, les 10 ans ADEMA ont créé le système de la corruption à grande échelle qui fait pâlir le régime de Moussa Traoré. Ce système a donné naissance au régime ATT du mouvement citoyen, qui était juste l’expression la plus forte de la déception causée par les Partis Politiques. Depuis 10 ans la politique, celle qui demande des vrais débats, la prise de responsabilité dans la gestion publique, le devoir de rendre compte est morte au Mali. Les Ministres préfèrent rassembler les journalistes pour disséquer pendant des heures une simple expression (le manque à gagner) que l’ex Vérificateur General a eu le tort d’inventer. Enfin, Mr Sidi Sosso Diarra ne l’a point inventé mais nos amis écorchés ou qui se sentaient visés ne le savaient visiblement pas. Qui se sent morveux, se mouche.

Aujourd’hui la plupart des partis politiques ne sont que des avatars d’autres Partis. Le dernier Avatar est le PDES, un programme de gouvernement se transforme en parti politique et constitue une armée mexicaines de frustrés, de commerçants qui ont beaucoup à cacher, de transhumants politiques- de peu de conviction et sans scrupule- effrayés de se retrouvés en « dehors » à partir du 8 Juin 2012. Si tu veux « diviser » un Parti au Mali, donne lui un poste de Ministre, au bout de quelques mois, les leaders se déchireront. Qu’ils sont pitoyables les Partis, surtout ceux nés du mouvement dit « démocratique ». Dans le Coran il y a une phrase qui revient souvent « s’ils savaient… », je veux l’utiliser autrement « si les maliens comprenaient » !!! Ils seraient plus exigeants et ce ne serait pas le nombre d’années passées au gouvernement, la richesse ou l’onction d’ATT qui serviront de critères d’élection d’un homme à la tête du pays en 2012. S’ils comprenaient ! Ah s’ils comprenaient !

2. Les réformes: Dans son allocution à l’ouverture de la Journée des Communes le Président ATT a annoncé son intention de déposer des propositions de réforme sur la table de la législature. Avec la nomination de Daba Diawara, tout porte à croire qu’il va en effet entamer des réformes. La question maintenant est de savoir pour « quel intérêt et combien de reformes ATT veut faire à un an de la fin de son 2em et dernier mandat ? Y-a-il besoin pour des « déjà vus et déjà connus » de mettre certains candidats potentiels hors de course comme on l’a fait dans certains pays ? Veut-on faire « naître » une nouvelle République avant le scrutin de 2012 pour permettre à des esprits malins d’arguer du fait que désormais ils peuvent se présenter ou représenter puisque l’ancienne constitution qui leur était applicable n’est plus et que la loi n’est pas rétroactive ?? Pourquoi ne mettrait-il pas les propositions de la commission Daba Diawara dans le dossier de passation de service du 8 Juin 2012 ?

Si des réformes majeures n’ont pas pu se faire depuis 9 ans, attendre un an ne serait pas une catastrophe pour le Mali. Daba Diawara n’amènera pas à l’Assemblée Nationale toutes les propositions de sa commission mais certaines semblent déjà en chantier et seront bientôt examinées en Conseil de Ministres. Je voudrais dire au Président de la République que nous n’avons pas besoin d’une réforme de la Constitution, le pays n’a nullement besoin d’un referendum dans une année électorale. Un débat national est nécessaire avant la soumission de tout projet de réforme constitutionnelle. Nous ne pouvons laisser entre les mains de députés fussent-ils « honorables » le destin de tout un peuple qu’ils représentent déjà très mal. Nous pouvons bien aller au scrutin avec notre Constitution actuelle qui a vu l’avènement d’ATT lui-même par deux fois. Ce qui est bon pour le mouvement citoyen, est bon pour le mouvement politique. Le nouveau découpage administratif proposé par le Président n’est pas non plus opportun.

En politique, l’espace compte : un nouveau découpage signifie de nouvelles assemblées électives, de nouveaux postes administratifs à pourvoir, des nouveaux champs d’influence politique et de batailles électorales. Déjà les collectivités actuelles génèrent peu de ressources pour satisfaire leurs besoins, pourquoi « parcelliser » davantage le pays ? Le seul changement qui à mon sens vaille la peine est le changement de notre système politique d’un régime semi présidentiel à un régime parlementaire, ainsi nous pourrons avoir des femmes et des hommes de qualité au parlement et le peuple pourra sanctionner son Premier Ministre. Dans l’actuel système le Président « se cache simplement » derrière un Premier Ministre et tout le monde veut être président au Mali, c’est le seul gage de contrôle du système d’Etat et d’enrichissement sans limite.

L’assemblée nationale ne joue pas son rôle de contrôle de l’exécutif; elle ne peut pas, et ne comprend même pas comment jouer ce rôle ; nous assistons seulement à quelques agitations du SADI mais un seul parti, d’ailleurs très minoritaire, ne peut pas changer un pays. L’autre changement pour lequel je ferais un plaidoyer est le mode d’élection des Maires-ou les vendeurs de terrain- Ils DOIVENT se soumettre au suffrage universel direct et non prendre le fauteuil du maire comme « en entrant » par la fenêtre et spolier ensuite leurs collectivités. Je dis à Daba Diawara « touche pas à ma constitution, pas maintenant ». J’en appelle à la vigilance de tous les maliens ; les intentions que les politiciens ont pour vous sont souvent des plans machiavéliques pour baliser le chemin à leur propre ascension ou pour barrer la route à des adversaires sérieux comme en Côte d’Ivoire quand on a écrit un article de la constitution pour barrer la route à Alassane Ouattara. La suite on la connait.

Par le passé, Samuel Doe avait inséré une clause dit de résidence dans la constitution pour empêcher ses adversaires sérieux de se porter candidats à l’élection présidentielle qu’il finira par tricher. La clause en question dit que pour être candidat à l’élection présidentielle au Liberia, il faut avoir résidé 10 années consécutives dans le pays. Comme il avait poussé tous ses adversaires à l’exil ou mis en prison, il était le seul candidat valable en 1986 contre quelques faibles candidats qui n’avaient aucune chance de le battre. La clause de résidence hante encore le Liberia, il a fallu voter une exception en 2005, cela a permis à Ellen Johnson Sirleaf et autres d’être candidats.

En Zambie Frederick Chiluba a usé du même subterfuge de changement constitutionnel pour écarter Kenneth Kaunda, père de l’indépendance de la Zambie. Mal lui en a pris plus tard. Kabila fils a réussi à changer le mode de scrutin pour les présidentielles en RDC très récemment. Ce pauvre pays (incroyablement riche en ressources naturelles) est parti pour une nouvelle dynastie de vampires économiques après Mobutu. Je ne dis pas qu’au Mali on prépare des réformes du même type mais on n’est jamais assez prudent ; il y en a qui ne lâcheront pas si facilement.

En conclusion, j’invite toutes les bonnes volontés à « recentrer le débat », qu’on s’éloigne juste une minute de l’élection présidentielle de 2012, qu’on mette en veilleuse la question de savoir qui parmi les prétendants déclarés ou encore cachés remplacera ATT à Koulouba l’année prochaine et qu’on pose les vraies questions qui renforceraient notre jeune démocratie, le devoir de rendre compte dans la gestion des affaires publiques et le sens de l’équité tant à l’endroit des femmes qu’à l’endroit des pauvres qui constituent la majorité silencieuse et souffrante au Mali.

Mais bien évidemment je n’ai pas la prétention d’avoir le monopole de la vérité, j’invite au dialogue constructif loin de toutes velléités partisanes autrement dit je prends du recul pour mieux regarder. Au stade actuel, je ne suis loin d’être rassuré.

Une contribution de Mr Sidi Mohamed Diawara
Expert/Spécialiste de l’Assistance Électorale
USAID/PGP Dakar / Sénégal

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