Poème – renaissance

0

La lune a jeté sur le désert une nuit d’éclipse

Vêtue de vents de sable de l’apocalypse.

Son voile de deuil a sournoisement tétanisé

La peur du nord dans des frontières balisées.

Les orages fouettent le sud des trois caïmans

Et sur le delta vénitien pèse un siège alarmant.

 

Le Tata éprouvé par de quotidiens déboires

Agonise à la lisière du pays de l’ivoire

Victime collatérale de tempêtes étrangères

Soufflant du lointain septentrion en colère.

Et l’angoisse s’épaissit, et la sourde peur

Achève d’introniser son pouvoir vainqueur.

 

Des créatures de l’ombre vêtues d’horribles oripeaux

Profanent dans un état second les tombeaux.

Les assauts qui défigurent la vitrine des hôtels

Les mines qui jonchent des itinéraires mortels

L’exercice ubuesque de la sainte religion

Sont autant de crimes qui se comptent par légions.

 

Quels démons aux desseins funestes

Sans que nul jamais ne proteste

Et quels mauvais oracles sortis des ténèbres

Ont pu ainsi envelopper d’un manteau funèbre

La terre du soleil et des grands espaces

Contrée gratifiée du bonheur en dédicace ?

 

Et toi, frêle roseau éclos d’un long délire

Que le hasard maudit a fait atterrir

Dans le labyrinthe du monde lunaire

Pièce en plusieurs actes aux accents de binaire

Quels malheurs joués à la roulette affolée

Ô enfant éperdu, t’ont pris dans leurs filets?

 

Sombre tableau injure jetée à la face

De nos héros défunts giflés de disgrâce

Fiers guerriers au courage jamais démenti

Braves d’entre les braves jamais soumis

Qui du fond de leurs tombes ensommeillées

Crient leur désespoir de n’être plus réveillés.

 

Ombre d’un pays dont les fabuleux récits

De conquêtes ont convaincu bien d’indécis

Et charmé les têtes couronnées d’Arabie

Par les caravanes d’or s’étirant à l’infini

Est-ce l’acte final de tous les apogées

L’enseigne fatale où toute destinée est logée ?

 

Se peut-il que les souvenirs d’enfance

Ceux des jeux de la belle insouciance

Kermesses, bals, longues randonnées

Qui fleurissaient dans toutes les contrées

Aient déserté subitement fraternité et amour

En interrompant de chaque chose le cours?

 

Cauchemars, soyez dans le néant enfouis!

Que l’aube naissante chasse donc la nuit!

Que tout ce qu’on a comploté à la perdition

Se ressoude par la force de notre obstination!

Que ce qui rythme depuis la nuit des temps

Recouvre plus forte sa vigueur pour longtemps!

 

De la sève culturelle revivra le cousinage

Enraciné dans le labyrinthe des âges

Entre Bambara Sonrhaï DogonTouareg et Peulh.

De l’espoir d’une nouvelle aurore encore veule

De nouveau, taɣelmust bleus, chapeaux et bonnets

S’emmêleront aux Melhfa noirs et boubous amidonnés.

 

La féminine complicité peulhe et soninké

Émergera revigorée d’une paix tronquée

Afin que se réunissent de plus belle

Lèvres pilées et cicatrices temporelles

Que revive la coutume des temps anciens

Qu’entre les ethnies se ressoudent les liens.

 

Oui! Nous nous voulons coupe-coupe acérés

Trancheurs de lianes d’entrave invétérés

Non pas résignés mais farouchement déterminés

À assécher toutes les haines ruminées!

Nous serons obstinés conjureurs de sorts

Pour briser de tous les maléfices les ressorts!

 

Oui! Nous serons puissants Bulldozers

Redoutables avions de chasse, panzers

Essaim d’engins destructeurs, brûlots

Pour perpétrer l’infanticide du complot!

Alors la délivrance de la dignité retrouvée

Effacera à tout jamais l’intrigue réprouvée.

 

Oui! Mère nourricière, pays plein d’allant

La généreuse providence comme avant

Te rendra ta fierté et ta noblesse d’antan

Redressera le front de ton peuple vaillant

Et exhibera ta gloire ressuscitée à tout-venant

Ô Mali bien aimé débarrassé de tous les tyrans.

 

SOULEYMANE YACOUBA SIDIBÉ

Commentaires via Facebook :