Laissez – moi vous conter un pays ancien
Qui jadis servit tout à la fois de lien
Entre le monde arabo-berbère et noir
Et à de grands empires et royaumes de terroir.
Il prenait son envol au Sahara sauvage
Et finissait sa course au bord des rivages
De l’océan Atlantique, ivre de grandeur
Conquérant sur son chemin bien de splendeurs.
Au fil du temps, envahi et colonisé
Puis exploité, amputé et remodelé
L’Histoire et le temps ont laissé des ravages
Mais n’ont pas réussi à altérer son visage.
Les multiples velléités de domination
Et soixante-cinq années d’occupation
Vite épuisèrent leur fureur destructrice
Face à une détermination libératrice.
Le fort de Médine, le Tata de Sikasso
Kirina, Diéna,Tondibi, Woyowayanko
Témoins de farouches résistances et batailles
Scellent du passé et du présent les retrouvailles.
Terre bénie, sanctuaire de saints protecteurs
Qui lui ont préservé un sous-sol prometteur
Mon pays a su garder la jeunesse de Hébé
Malgré les razzias et les trésors dérobés.
De Ambidédi à Andéramboukane
Il est désert, steppes, forêts et savanes
Et des confins de Taoudenni à Kadiolo
Son univers est pavoisé de sable et d’eau.
Le coucher de soleil couleur d’hémoglobine
Sur les lacs Debo, Horo et Faguibine
Jette une ultime lueur de clarté intense
Avant de céder la place à la nuit dense.
Voyez la majesté du Niger au delta
Le massif montagneux de l’Adrar des Ifoghas
Le mont Hombori et les chutes du Felou
Les mosquées de Djenné, Gao et Tombouctou.
Admirez les épopées pour mélomanes
La longue procession des caravanes
De chameaux indolents sous un ciel lunaire
Les traversées du bourgou si spectaculaires.
Appréciez la voix puissante des griottes
La fresque des masques dogons sortis des grottes
La danse rituelle des chasseurs-féticheurs
Assortie de leurs chansons aux accents charmeurs.
Laissez-vous envoûter par la douce nostalgie
Lorsque se métamorphosent comme par magie
Les femmes toutes belles les jours de fête
Grâce aux habits et parures qu’elles revêtent.
Leurs longues tresses savamment allongées
Les oreilles et le cou lourdement chargés
Les lèvres et les cils au contour bien dessiné
Assurent aux mariages du dimanche beauté.
A ce pays qui écrit chaque jour une page
De son Histoire, rapportée par les sages
De l’oralité aux futures générations
Nous devons sollicitude et dévotion.
Habité par la force de l’hippopotame
Nom prémonitoire dont il se réclame
Plaise au ciel qu’il soit d’un bel avenir le sésame
Que nulle turpitude plus jamais n’entame.
Souleymane Yacouba Sidibé