Place de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU : thèse et hypothèse.

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Mr Sekou Diallo (Alma Ata, Kazakhstan)

Ils semblent être les grands maîtres du bluff. Ce n’est pas la première fois que des hommes politiques occidentaux font la promesse à l’Afrique. Au moment fort de la crise ivoirienne, Sarkozy s’était rendu au Sommet de l’UA pour y tenir les mêmes propos. Après, on a tout oublié soudain, comme quoi, la question n’est d’actualité que lorsqu’il y a crise sur le continent.

 

La déclaration d’Obama sur le sujet, à moins qu’elle ne soit la nouvelle portion de bluff pour tromper la vigilence des Africains, invertient quelques jours après que la Russie a mis le veto sur la constitution d’un tribunal international sur le Boeing MH17 abattu en juillet 2014 au Donbass à l’est de l’Ukraine. Des voix, mécontentes et estimant que Moscou abuse de son de son privilège de statut particulier au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, murmurent d’annuler ce droit accordé à la Russie, ce qui est pratiquement impossible d’après la Charte de l’Organisation.  Alors, pourquoi parler donc de l’admission d’autres membres dans le club restreint ?

 

La thèse d’abord. Les autres membres permanents du Conseil, notamment les USA, l’Angleterre et la France, pourraient convenir de l’élargir à d’autres pays. On croirait ainsi que l’heure de l’Afrique aura sonné, étant le seul continent à ne pas y siéger depuis sa création.  Le droit de veto confère à ses détenteurs la liberté de bloquer, selon leurs intérets, toute décision jugée menaçante. Bien autant des belles initiatives que des mauvaises l’ont été mainte fois. Les cinq membres permanents actuels en ont tous fait usage, d’aucuns plus que d’autres. Avec une place permanente au Conseil de sécurité, l’Afrique qui s’estime toujours humiliée et piétinée  pourrait tenter de redresser la barre en brandissant, s’il le faut, son petit carton rouge. Bombarder un pays africain, chasser un prétendu dictateur du pouvoir, rerpartition des ressources minières, achats des armes ; le continent engagerait sa nouvelle bataille sous cet angle. L’Occident le sait. La Chine et la Russie aussi. L’Europe qui dépend largement des ressources naturelles, surtout africaines pillées ou acquises par bradage, serait la première à en souffrir. De ce point de vue, il est impensable que les puissances fassent cadeau de la corde pour les pendre.

 

Maintenant l’hypothèse. L’octroi d’une place à l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU pourrait s’accompagner d’une proposition de reforme de l’usage du droit de veto.  Si d’après le jeu actuel, un seul membre peut bloquer une décision, la nouvelle donne demanderait qu’un effectif défini de l’ensemble des membres, le quorum, soit atteint pour que le veto passe.  Dans ce cas, on assisterait à la création de deux blocs : occidental et pro-russe. Le premier serait constitué des USA qui se poseront en chef de file incontesté, de l’Angleterre, de la France et d’un nouveau pays admis, et le deuxième composé de la Russie et de la Chine.  4 contre 2.

 

Cela suffirait ainsi pour arrêter l’influence du dernier bloc pro-russe sur la prise ou l’annulation des décisions que Washington jugerait bonnes ou mauvaises. D’une autre manière, il est difficile de comprendre cette volonté d’élargissement. Malgré cette opportunité, s’il y en évidement et réellement, Il est  peu probable que l’Afrique ait sa place.  Les divergences, divisions, intrigues et rivalités feront que le choix tomberait sur d’autres pays hors du continent. Ce n’est pas un secret que le Nigeria et l’Afrique du sud mènent la bataille, souvent de sous-sol, pour se l’arracher à coup de griffes. Même s’ils commettent des erreurs parfois, les Occidentaux sont très calculateurs cependant. Derrière tout ce qu’ils déclarent ou entreprennent, il faut y voir aussi des idées derrière la nuque.  Seuls les moins avertis ne s’en rendent pas compte.

 

Le choix d’un nouveau membre du Conseil de sécurité pourrait tomber sur le pays de Zuma comme membre des BRICS dans le seul but de semer la zizanie au sein de cette Union. Composée à l’heure actuelle de  cinq pays à économie très dynamique, elle tente de faire face à l’hégémonie financière occidentale. Les pays du BRICS viennent en effet de décider de la création de leur banque qui est une alternative au FMI, au sein duquel les USA dominants refusent toute ouverture ou reforme. La conjoncture internationale, la géostratégie et la géoéconomie n’excluent pas que les BRICS puissent se transformer en bloc militaire dans le futur, si besoin s’impose. Se voulant prévoyante, la Maison blanche envisagerait ainsi de saper leur élan en faisant une offre subite au pays de Zuma. Si la Chine et surtout la Russie acceptaient la pillule de la reforme du Conseil comme décrite plus haut, alors l’Occident aurait les mains plus libres dans ces actions. Pour gagner, il mettrait sous sa coupe l’Afrique du sud de  façon que son droit de veto ne soit qu’un petit son, un complément de voix.  Quoi qu’il en soit, l’Occident ne ferait pas de cadeau qui puisse l’empoisonner par la suite.

 

En refusant par exemple, la Russie pourrait s’attirer la colère de Pretoria qui, sous la pression occidentale ou d’autres belles promesses (vides) menacerait de quitter les BRICS. Pour faire chanter  encore plus Zuma et lui gratter les nerfs, le droit de veto, éventuellement « mis en vente aux enchers », serait proposé au Nigeria s’il acceptait de mettre ses ressources pétrolières et gazières à la disposition totale de l’Occident. Ce qui reduirait la dépenance vis-à-vis de la Russie et aiderait à effacer la présence de Boko Haram dans le pays. De gauche comme de droite, c’est Moscou qui risquerait donc de perdre, selon les estimations de Washington. Pourquoi l’Afrique du sud et non un autre pays des BRICS ? Parce que l’Afrique  reste encore plus manipulable !

 

Poutine se laisserait-il faire à son tour ? Non. Au sein du BRICS, il y aurait une autre proposition d’élargir le Conseil à l’Inde et au Brésil. Si cela passait, la parité serait atteinte ou même que ces pays seraient à 5 contre  3 pays occidentaux.  Cela, les USA ne le permettraient pas non plus. La boucle est donc bouclée, plus loin que les déclarations, les actions ne suivraient pas. S’il n’y a pas d’entente, c’est l’ONU qui se casse. Ce serait la raison du plus fort qui prévaudrait, ou alors nous assisterions à la création d’une ou de nouvelles Organisations qui ne regroupent pas presque l’ensemble des pays du monde.

 

Le droit de veto, s’il doit être accordé à l’Afrique dans un monde en grandes mutations, devrait revenir à l’Ethiopie pour deux raisons : sans compter le Libéria qui a été crée pour accueillir les Noirs américains, elle est le seul pays à ne pas avoir été totalement pris par le colonisateur. A part 5 années d’occupation iltalienne sur quelques parties de son territoire, elle a su resiter. L’honneur doit lui revenir comme symbole de la liberté et de la lutte. La deuxième réside dans le fait que le choix d’Addis Ababa éviterait à l’Union africaine une rivalité profonde entre Abuja et Pretoria. Dans le but de posséder ce droit de veto, ces deux geants du continent pourraient se livrer à des folies qui coûteraient cher, voire à affaiblir ou à casser l’UA.

 

D’ici là, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.  L’Afrique croit toujours au lieu de lutter pour sa place dans cette vie, ainsi donc elle restera le ballon frappé par les joueurs. Sa faiblesse, c’est sa crédulité surtout. Sur tous les plans tant qu’il s’agit d’aide ou de promesses.

 

 

Sékou Kyassou Diallo.

 

Alma Ata, Kazakhstan.

 

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2 COMMENTAIRES

  1. Le problème de l’Afrique au sein des Nations-Unies n’est pas la possession de droit de véto mais plutôt la faiblesse des États africains. Même quand l’ONU donnerait un droit de véto à chacun des 53 pays africains, cela ne changera rien dans l’ordre mondial des choses, tant que les chefs d’État francophones prendront des instructions auprès de Paris, et les pays anglophones auprès de Londres. A titre d’exemple, le droit de véto a pour but de s’opposer. Mais décider de la mise en œuvre d’une action, comme le bombardement de la Libye et l’assassinat de Kadhafi a été décidé sur la base de quorum des pays membres du Conseil de Sécurité. Et l’Afrique du Sud, le Gabon (ou le Togo) qui siégeaient à l’époque au Conseil ont voté pour ce bombardement contre les mots d’ordre de l’Union Africaine. L’Afrique doit se relever économiquement d’abord et par la suite politiquement.

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