Perspectives politiques : Péril sur la présidentielle de 2018

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Pour éviter une nouvelle crise politique, un large accord est nécessaire sur les meilleures conditions possibles d’organisation des élections.

Le Mali entre dans un cycle électoral avec les élections locales et régionales prévues pour le 17 décembre prochain.

L’annonce de la date des élections locales et régionales fait entrer le pays dans un cycle électoral marqué par des incertitudes, notamment liée à l’insécurité persistante et à la polarisation de la scène politique. Au-delà du résultat des élections, ces scrutins – et par extension les élections présidentielles de 2018 – sont confrontées à plusieurs risques qui doivent être atténués.

Les élections locales et régionales doivent désigner les présidents des régions et des cercles (subdivisions administratives) et le maire du district de Bamako. Elles doivent être couplées avec les élections communales partielles dans les 59 localités où, pour des raisons de sécurité, le vote n’a pas pu avoir lieu en novembre 2016.

Ces élections constituent un pan important dans la mise en œuvre du dispositif de réforme institutionnelle prévu par l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Cet accord a été signé en 2015 entre le gouvernement malien et certains groupes armés du Nord du pays.

Pour la première fois au Mali, les présidents de région et de cercle seront élus directement par les électeurs

Pour la première fois au Mali, les présidents de région et de cercle seront élus directement par les électeurs. Par le passé, ils étaient élus indirectement par des conseillers communaux. La réforme préconisée par l’accord de paix vise, à terme, à renforcer les pouvoirs des présidents de région.

Or, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), signataire de l’Accord de paix, dans un communiqué publié le 28 octobre, s’est opposée à la tenue de ces élections en dénonçant une initiative unilatérale du gouvernement. Alors même que ces élections concourent à la prise en compte de revendications politiques de la rébellion armée de 2012, la CMA estimait dans un communiqué, qu’il faudra mettre en œuvre certains réformes politiques préalables, inscrits dans l’Accord de paix, notamment « l’opérationnalisation des Autorités Intérimaires, l’organisation du retour des réfugiés/déplacés, la révision des listes électorales, la relecture des lois portant libre administration et code des Collectivités Territoriales et bien d’autres aspects y afférents ».

L’opposition politique malienne estime quant à elle qu’en plus du contexte sécuritaire volatile, les conditions matérielles d’un scrutin crédible ne sont pas réunies. Elle réclame en outre l’audit du fichier électoral avant les élections.

Cette situation est révélatrice des distensions et des contradictions qui entourent les élections à venir, et rappelle que la tension n’est pas véritablement retombée depuis le débats autour de la révision constitutionnelle avortée de juin 2017.

En termes de sécurité, l’assassinat du conseiller du chef de village dans la région de Mopti, le 7 novembre, et celui du chef du village de Kerena dans le cercle de Douentza, en novembre dernier, illustrent la montée de la violence dans les luttes pour la chefferie locale. Les  groupes terroristes, y compris le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, menacent également la bonne tenue du vote dans les zones où ils sont actifs.

En outre, le pays reste confronté à la croissance des réseaux criminels qui se livrent à toutes sortes d’exactions, allant des braquages sur les axes routiers aux vols de bétail dans les régions du Nord et du Centre.

Les élections au Mali sont également confrontées à plusieurs défis opérationnels. Il s’agit notamment de la présence de l’administration sur toute l’étendue du territoire et du retour des réfugiés et des déplacés. Malgré la signature de l’APR dernier, selon le Haut-commissariat des réfugiés (HCR), on dénombrait toujours près de 143 103 réfugiés et 58 594 déplacés internes à la fin juin 2017. En 2013, toujours selon le HCR, ils étaient 167 000 réfugiés et 283 000 déplacés.

L’opposition politique malienne estime que les conditions matérielles d’un scrutin crédible ne sont réunies

Ces élections à venir font planer le risque d’une crise institutionnelle.   Le président Ibrahim Boubacar Keïta, estimant que l’opposition ne peut accéder au pouvoir par la voie électorale, la soupçonne de chercher à rendre impossible l’organisation des élections  être associée à la gestion du pouvoir dans le cadre d’un éventuel gouvernement de transition.  L’opposition quant à elle, estime que le président de la République et le gouvernement veulent utiliser le contexte sécuritaire comme prétexte pour rester au pouvoir au-delà du mandat constitutionnel.

Il est peu probable que d’ici les élections de décembre 2017 des avancées significatives puissent être enregistrées au plan sécuritaire.  La tenue des élections régionales et locales constitue donc un test en prélude à la présidentielle et aux législatives de 2018.

La création d’un cadre inclusif est nécessaire pour que les acteurs politiques, la société civile, et les signataires de l’Accord de paix de 2015 discutent et s’entendent sur les meilleures conditions possibles pour les élections – qui seront inévitablement viciées mais peuvent toujours être crédibles. Alternativement, ils pourraient s’entendre sur un report. Un point de vue partagé est sans aucun doute l’une des meilleures garanties pour que les parties ne profitent pas des insuffisances liées aux élections pour contester les résultats.

Un arrangement politique de ce type avait permis, en 2013, à la suite de la crise multidimensionnelle malienne et de l’intervention franco-africaine, la tenue du scrutin présidentielle. Cette crise était survenue avec la rébellion armée de 2012 et la transition politique à Bamako, après le coup d’état de la même année. Un processus similaire pourrait voir le pays aller de l’avant – même si le rythme est lent.

Ce parallèle rappelle, en définitive, le peu d’évolution de la situation politique et sécuritaire du Mali depuis cette période.

Baba Dakono,

Chercheur, ISS Dakar, l’Institut d’études de sécurité.

Le titre est de la rédaction

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1 commentaire

  1. Dans un pays où personne ne sait quel jour viendra son tour chez les djihadistes, l’incapable gouvernement persiste à vouloir organiser des élections. Comment compte t-il s’y prendre? On sait qu’ils ont parlé d’insécurité résiduelle, d’insécurité partielle et tout le tralala qui va avec, mais, nous les défions d’organiser une seule élection s’ils ont des couilles. Même au sommet de l’état, la réflexion se poursuit pour savoir s’il faut ou pas, reporter les prochaines présidentielles et même celles imminentes. Tant qu’il n’y aura pas de paix et de stabilité, il sera impossible de tenir des élections normales sur l’ensemble du territoire Malien dans cette situation de désordre total. Pour ce faire, il faudra envisager un gouvernement de transition qui, éventuellement, pourra être présidé par le toujours incapable IBK, mais avec un Premier Ministre de consensus qui formera le gouvernement. La durée de cette transition fera l’objet elle aussi de consensus pour permettre d’aller à un paix définitive propice à la tenue d’élections tranquilles et sans violences. Mais, dans la précipitation, s’ils veulent organiser des élections,il se posera beaucoup de problèmes, surtout si l’on sait, que le gouvernement a déjà commencé à organiser la fraude à partir des cartes numériques commandées à l’étranger, pour ensuite être distribuées à leurs seuls militants. Un million de cartes ont déjà été fabriquées, mais à quels noms? Et pourquoi, le gouvernement refuse t-il de réceptionner les cartes déjà confectionnées à Bamako, plutôt qu’en France, si tel est, qu’il n’ y a pas de magouilles derrière cette initiative.

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