Les villes anciennes de Djenné classées depuis 1988 sur la liste du patrimoine mondial désormais sur la liste du patrimoine mondial en péril. Une décision entraînant de facto l’inscription d’un des précieux biens culturels de la ville sur la liste : la célèbre mosquée de Djenné, qui est représentée dans les armoiries de l’Etat malien de la sorte «Au centre la mosquée de Djenné en gris-argile ; au dessus de la mosquée, le vautour légendaire en vol plan en gris foncé ; au-dessous, le soleil levant, en jaune-or ; devant le soleil, deux arcs opposés tendus par leurs flèches en noir ; sur le pourtour, en haut «République du Mali» ; en bas «Un Peuple, Un But, Une Foi» en lettres d’imprimeries noires».
Lors de sa 40ème session ordinaire tenue à Istanbul en Turquie du 10 au 20 Juillet 2016, apprend-t-on pour des raisons sécuritaires, le Comité du patrimoine mondial a inscrit les villes anciennes de Djenné sur la liste du patrimoine mondial en péril. Car pour le Comité du patrimoine mondial «ce contexte ne permet pas de lutter contre les menaces qui affectent le site, notamment la détérioration des matériaux dans la ville historique, la pression urbaine et l’érosion des sites archéologiques».
Il est regrettable de constater que cette nouvelle peine à occuper la place qu’elle mérite dans l’actualité nationale. Par contre, elle l’a été au niveau international dès son annonce.
Les villes anciennes de Djenné s’ajoutent ainsi à la liste des patrimoines en péril dans le monde. A la suite de cette inscription, il y a lieu de noter que notre pays, un des rares en Afrique à avoir plusieurs biens classés sur la liste du patrimoine mondial, est aussi celui, qui paradoxalement, en si peu de temps voit une partie de ces mêmes biens inscrits ou menacés d’inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril. Donc, de quoi inquiéter les passionnés de la protection et de la promotion de notre patrimoine culturel.
Cette inquiétude se justifie davantage, car, après l’inscription des villes anciennes de Djenné sur la liste du patrimoine mondial en péril, d’aucuns ont vu en cela, l’occasion de recevoir de l’argent de la part d’Institutions Internationales pour protéger et promouvoir lesdits biens faisant partie desdites villes. De là, une comparaison pourrait être faite entre cette attitude et une personne qui ayant hérité d’un bien (champ, maison ou troupeau d’animaux etc.) compte sur leur destruction ou disparition afin de recevoir de l’aide pour leur restauration ou reconstitution.
Rappelons que c’est en 1988 que les villes anciennes de Djenné ont figuré sur la liste du patrimoine mondial. A l’époque deux critères ont essentiellement motivé l’Organisation de Nations-unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) à prendre cette importante décision.
Il s’agit des critères III et IV l’UNESCO, qui stipulent respectivement «apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue» «offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine».
En référence au critère III, il est mentionné que «Djenné-Djeno, et aussi Hambarketolo, Tonombo et Kaniana apportent un témoignage sur les civilisations préislamiques du delta intérieur du Niger» ; tandis que la référence au titre IV précise «le tissu ancien de Djenné offre un exemple éminent d’ensemble architectural illustrant une période historique significative. Elle a été considérée tantôt comme ‘’la belle ville d’Afrique’’, tantôt comme ‘’la vile africaine type’’».
Mais, il aurait fallu attendre 1992 sous la troisième République, pour assister à l’inscription des villes anciennes de Djenné sur la liste du patrimoine national par le décret N°92-245/P-RM du 18 décembre 1992. Et, il sera de même pour le sanctuaire culturel et naturel des falaises de Bandiagara (classé patrimoine mondial en 1989) et la vieille ville ou Médina de Tombouctou (classée patrimoine mondial en 1988).
Les nombreuses difficultés que connaît notre patrimoine culturel sont certes surmontables, mais il faudrait qu’on comprenne déjà, que la protection et la promotion du patrimoine culturel ont besoin plus d’actes concrets, que de belles paroles afin de ne pas perdre la paternité de certains de ces biens culturels. Comme ce fût déjà le cas avec certains biens culturels, par exemple le bogolan etc.
Faut- il le rappeler, que le Mali est sur le point de ne plus être considéré comme le précurseur de la parenté à plaisanterie, ou du moins son promoteur depuis qu’un pays voisin au nôtre, a pu inscrire en son nom, la parenté à plaisanterie sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2014.
Or, il est établit que la parenté à parenté à plaisanterie connue sous plusieurs appellations dans nos Langues Nationales («bassètèreye» en songhoï, «dendiraaku» en fulfuldé, «sinaankuya» en banmana etc.) était une réalité dans les grands Empires du Soudan Occidental (Ouagadou, Mandé, Songhoï), qui ont pourtant soit dominé territorialement ce pays ou étendu leur influence sur lui, à travers la culture et des relations commerciales. Ce pays a, d’ailleurs un mois dédié à la promotion de la parenté à plaisanterie. Tandis qu’actuellement dans notre pays, nous la sortons entièrement de son objectif et contribuons à la déprécier considérablement sans parfois nous y rendre compte. Ce, pour autant à quoi restent sensibles les gestionnaires du patrimoine culturel au niveau mondial.
Pour prévenir de telles situations, un pays voisin au nôtre, a, récemment face aux nombreuses menaces qui planent sur un de ses patrimoines culinaires très prisé dans la sous-région, décidé de le protéger contre la concurrence déloyale.
Ressaisissons-nous vite et trouvons les dispositions idoines, pour ne pas ouvrir une voie royale pour la perte de paternité de certains de nos biens culturels. Cela nous a conduits à évoquer à maintes reprises la même menace, qui plane sur le patrimoine architectural de Djenné, dont malheureusement assez de versions contradictoires y sont racontées aux officiels maliens et touristes en visite à Djenné. Pire, ces versions se retrouvent parfois dans des ouvrages d’Organisations Internationales chargées de la protection et de la promotion du patrimoine culturel.
Pour preuve s’agissant du patrimoine architectural de Djenné, qui est victime de l’inscription des villes anciennes de Djenné sur la liste du patrimoine mondial en péril, on a très souvent entendu entre autres qualificatifs: ‘’architecture marocaine’’ ‘’maison sans façade’’ etc.
De nombreux officiels maliens, parmi lesquels de hautes personnalités ont eu droit à de telles explications lors de conférences, colloques, festivals, symposium etc. sans demander plus de précisions à leur interlocuteur. Or, on n’a même pas besoin d’être un spécialiste en architecture pour savoir qu’il n’y a pas de maison sans façade. Ceci équivaudrait à dire de quelqu’un, qu’il est sans visage.
Tenez- vous bien ce qualificatif s’arrêta le jour où des collégiens français ayant eu droit à une explication de la part d’un gestionnaire du patrimoine culturel, demandèrent à celui- ci est- ce possible une maison sans façade ? Pris de panique, il ne leur fournira aucune réponse.
Mais auparavant, plusieurs de nos tentatives visant à les inciter à abandonner un tel qualificatif furent vaines.
Alors, il faut qu’on sache que le patrimoine culturel n’est pas du folklore. A cet égard, on doit éviter d’avancer de telles explications qui banalisent notre patrimoine culturel, et qui à l’avenir sont susceptibles de ne constituer aucun centre d’intérêts pour les chercheurs et les touristes.
A ce rythme, il ne faudrait pas qu’on s’étonne dans l’avenir que des touristes avisés décident d’effectuer leurs séjours touristiques dans des pays autres, que le nôtre, dans l’espoir de découvrir le même patrimoine architectural qu’on retrouve à Djenné.
Alors, autant l’insécurité est une menace contre la protection et la promotion du patrimoine culturel, autant l’utilisation de qualificatifs inappropriés constituerait une menace grave contre la protection et la promotion du patrimoine culturel. Raison pour laquelle, dans de nombreux pays, on ne tolère pas la falsification de l’histoire des biens culturels, qui font l’objet de visites touristiques.
L’occasion est alors bonne, pour plaider en faveur de l’organisation des états généraux sur la protection et la promotion de notre patrimoine culturel, surtout en cette période cruciale de l’histoire politique de notre pays.
Sory Ibrahima WAÏGALO
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