Parlement malien entre vice et vertu

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L’avènement de la démocratie pluraliste en 1992 n’a pas modifié le caractère monocaméral du parlement malien et, même si ATT avait envisagé un moment la transformation du Haut Conseil des Collectivités Territoriales en Sénat pour consacrer le bicaméralisme, cela est resté un projet. Et pourtant, le débat sur le parlement présente un intérêt certain car, non seulement le député malien n’est pas  outillé pour conduire sa mission dans les meilleures conditions mais un tiers de la population du pays représenté par sa diaspora est absent du processus législatif.

 

 

En effet, les Maliens établis à l’extérieur n’ont pas de représentants à l’Assemblée Nationale qui se trouve ainsi privée du retour d’expériences d’hommes et de femmes ayant occupé sous d’autres cieux des fonctions hautement stratégiques pour un pays émergent. Si l’on y ajoute les déviations et les manquements constatés dans l’exercice de la fonction parlementaire par des individus peu au faitde leur mission, on comprend la cause du mal-être démocratique. Avec l’élection d’IBK à la magistrature suprême, une lueur d’espoir pointe  pour l’institution phare du pays. Parce que l’homme, à la différence de ses prédécesseurs a été malien de l’extérieur pendant longtemps avant d’exercer de hautes fonctions au gouvernement et de devenir député, puis président de l’Assemblée Nationale. Qui mieux que lui dans la situation actuelle pourrait rendre à la fonction parlementaire ses lettres de noblesse ?

 

La vitalité d’un régime démocratique se mesure à la qualité des débats parlementaires

 

N’est-il pas enfin temps qu’on pense à tracer le profil idéal du parlementaire malien sur la base de nos pratiques culturelles et des charges de sa mission? Et que dire de la moralisation rendue nécessaire pour que l’institution cesse d’apparaître comme un parapluie, voire un paratonnerre pour des délinquants à col blanc ? Il est opportun de restituer à la fonction toute son honorabilité et de doter l’institution elle-même des moyens indispensables à la production d’un travail de qualité. En réalité, si le député est connu et reconnu en tant que personnalité aux plans local et national, la fonction parlementaire reste à découvrir car, bien qu’élu dans une circonscription électorale, le député en entrant à l’Assemblée Nationale est considéré comme l’élu de l’ensemble de la nation. C’est pourquoi le concernant, la constitution stipule clairement que tout mandat impératif est nul ! De ce fait, la loi a un caractère impersonnel parce qu’elle est sensée traduire la volonté générale. Cette double appartenance du député à une circonscription électorale et à l’ensemble de la nation fait de lui le principal instrument de la réalisation de l’unité nationale. En plus de son pouvoir législatif, le député vote le budget de l’Etat, consent l’impôt et contrôle l’action gouvernementale. L’étendue et l’importance de sa mission sont telles qu’il doit être au dessus de tout soupçon. Est-ce fortuit s’il porte le titre d’Honorable et en a-t-on suffisamment conscience ? Lorsque l’institution parlementaire est forte de la compétence et du pragmatisme des hommes, de la qualité des travaux, cela rejaillit positivement sur le fonctionnement des autres institutions, assurant au citoyen une vie démocratique placée sous le sceau de la transparence et de la « rédevabilité », force des grandes nations démocratiques. Pour toutes ces raisons et à juste titre d’ailleurs, la fonction parlementaire est protégée par l’octroi d’une immunité pénale couramment appelée immunité parlementaire qui est l’objet de convoitises multiples alors qu’elle doit se mériter absolument, au risque de jeter le discrédit sur l’institution. Qui doit y veiller ?

 

Le président a besoin d’une majorité parlementaire vertueuse, non factice et non rafistolée

 

Le parti présidentiel et ses alliés, en profitant de l’état de grâce actuel de leur mentor devraient être en mesure de constituer une majorité homogène pour soutenir le programme du gouvernement. Rien n’est cependant moins sûr parce qu’en réalité, la personnalité d’IBK et son équation personnelle ont beaucoup pesé dans la dernière  élection présidentielle. Elu presque « intuitu personae », le président doit trouver une majorité politique à laquelle s’adosser s’il veut conserver des chances d’appliquer sans heurt son projet de société. Avec les pratiques opportunistes souvent outrancières qui alimentent la vie politique et que certains ont hissées au rang de règles de conduite, l’exercice n’est pas simple. La recherche d’une majorité stable et dynamique autour du RPM avec du « tout venant » politique doit se faire en veillant à séparer le bon grain de l’ivraie. La connaissance des hommes et de l’environnement suffira-t-elle ? En tout état de cause, une « Assemblée – caisse de résonnance » ne servirait ni le nouveau régime, ni la démocratie. Les Maliens y verraient une survivance des pratiques anciennes aux antipodes de leurs aspirations légitimes du moment. Un autre challenge important serale retour de la sécurité sur l’ensemble du territoire pour permettre la relance de l’économie nationale. Sur ce terrain cependant, les pêcheurs en eaux  troubles sont déjà à l’œuvre, comptant sur la crainte de déstabilisation qu’ils veulent inspirer au pouvoir neuf et encore fragile pour se faire valoir et se rendre incontournables. C’est un test important pour le président sur la voie du changement de cap, de l’éradication de la violence et du chantage comme moyens d’accéder à une promotion ou à un avantage.

 

L’amitié, la vraie se nourrit de vérité

La réponse présidentielle aux actions terroristes dans le nord et à la saute d’humeur de certains éléments de la garnison militaire de Kati a rassuré. La fermeté du ton montre qu’IBK dispose d’un agenda et d’un projet sécuritaire qu’il entend appliquer rigoureusement. Toutefois, il faudra trouver une parade acceptable au problème des prisonniers du MNLA parce qu’aucune action, aucune mesure ne doit laisser croire que l’impunité va se réinstaller au Mali. Le protocole accompagnant la libération des prisonniers doit l’indiquer clairement. Libérer le coupable sans penser à la victime pose à la fois un problème de droit etun problème moral au regard des traumatismes subis. Tout ne saurait être accepté au nom de la réconciliation comme tout ne saurait être négociable. Si l’intégrité du territoire n’est pas négociable, il faut également exclure du champ des négociations toutes les dispositions pouvant ouvrir plus tard une fenêtre sur des velléités séparatistes. Et la bonne gouvernance se prêche par l’exemple. Elle ne s’obtient pas sans rigueur.

 

Rigueur dans l’analyse, dans l’appréciation, dans l’action, dans le suivi et le contrôle. Le fiasco dans l’organisation de la cérémonie d’investiture du président a donné un aperçu de l’état de légèreté et d’insouciance de certains de nos responsables qui n’ont pas de compte à rendre à la rigueur, donc au sérieux. La récompense du mérite et la punition de la faute sont les deux mamelles du succès. C’est la condition pour arriver à une société de qualité, juste et équitable. Les Maliens n’en demandent pas moins à IBK, après une si longue traversée de désert.

 

Mahamadou Camara

camara_m2006@yahoo.fr

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