Parachèvement au mieux du mandat d’IBK : Les conseils de Moussa Mara au Premier ministre SBM

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En début d’année 2018, le Chef de l’Etat a mis en place son énième Gouvernement sous l’égide de son cinquième Premier ministre. Cela, en lui donnant quelques directives d’actions dans des domaines clés de la vie de la Nation. Ce Gouvernement aura une durée de vie maximale de huit (8) mois compte tenu des délais imprescriptibles de fin du mandat constitutionnel présidentiel.

Le Premier ministre Soumeylou Boubèye MAIGA, qui a une longue expérience de la gestion publique, est ainsi engagé à répondre aux défis de l’heure, très nombreux et souvent complexes. Eu égard aux perspectives électorales porteuses de risques, des contextes sociopolitique et économique ainsi que de nos rapports avec nos partenaires, il aura besoin d’un grand sens de discernement pour identifier parmi les nombreux objectifs fixés à son équipe, les priorités à gérer au mieux. Ces dernières devant être traitées pour essayer de répondre aux aspirations de nos compatriotes tout en maintenant le pays en position de faire face, demain, aux nombreuses menaces qui l’assaillent.

Le Premier ministre aura ainsi à gérer cette phase délicate de fin de mandat, introductive du prochain qui peut être une rupture avec le présent, tout en faisant face aux difficultés quotidiennes du pays. L’histoire a voulu que Soumeylou B MAIGA endosse cette responsabilité. Souhaitons qu’il se montre à la hauteur. Pour ce faire, quelques suggestions paraissent utiles à lui faire en rapport aux directives présidentielles, aux préoccupations des Maliennes et des Maliens et de nos partenaires régionaux et internationaux en vue de la bonne marche de son Gouvernement.

Il lui a été demandé d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Ce document signé en mi 2015 et destiné à être appliqué en 24 mois au maximum, n’est pas appliqué à 20%, alors que 32 mois ont déjà été consommés ! Les raisons de ce retard abyssal sont nombreuses. Au premier rang desquelles, il faut citer l’absence de leadership du Gouvernement malien dans l’application de l’Accord. Cette absence de leadership est illustrée par : l’impréparation de l’administration publique, les divergences entre les acteurs gouvernementaux, la trop grande place donnée au Comité de suivi de la mise en œuvre de l’Accord, l’absence d’initiatives dans la conduite des étapes ou encore le portage politique insuffisant, etc. Ces manquements ont plombé la mise en œuvre dudit Accord.

Aujourd’hui, il est illusoire de penser qu’en quelques mois, on puisse avancer de manière décisive. La défiance entre les parties signataires est si profonde qu’il ne faut pas attendre de « pas » décisif en la matière. Tout au plus, le Gouvernement devrait concevoir un plan d’actions sur six (6) mois avec à la clé, quelques étapes à franchir en attendant les élections présidentielles et législatives.

La relecture du Code des collectivités locales pour le rendre conforme à l’Accord sera un facteur d’une importance certaine pour asseoir la confiance entre les parties. L’engagement du processus de désarmement avec au minimum le démarrage du cantonnement serait appréciable. Le déploiement de l’administration pour atteindre au moins 50% de cet objectif contre 32%, aujourd’hui, rassurerait les populations. Des mesures spécifiques de reprise ou de soutien aux activités socio-économiques pourraient compléter idéalement ce dispositif. Le Gouvernement devrait engager l’ensemble des parties signataires vers l’atteinte de ces objectifs, ad minima, et transférer au prochain issu des urnes le parachèvement du processus de paix

La question des Régions dites du Centre du Mali est devenue complexe du fait du dilettantisme avec lequel la mise en œuvre de l’Accord a été conduite et de nombreuses erreurs, jusque-là, commises par l’Administration dans son traitement. Ce n’est pas uniquement une question sécuritaire, loin de là ! Elle est aussi sociale, économique et culturelle et répond à des dynamiques locales qui en font principalement une crise interne. Il ne faut pas espérer la résoudre rapidement. Le Gouvernement semble vouloir la traiter dans ses différentes dimensions, ce qui est à son crédit, mais il manquera de temps pour ce faire.

Il doit se concentrer sur le confinement des groupes armés du Centre à travers le renforcement du maillage sécuritaire mais aussi et surtout engager des actions locales précises pour soustraire les jeunes talibés et les éleveurs vantés comme étant des alliés du Front de Libération du Macina (FLM) de la tentation de rejoindre l’aventure terroriste. Cette partie du territoire regorge de légitimités traditionnelles et religieuses ainsi que de mécanismes de dialogue pouvant limiter les impacts violents des groupes armés. C’est avec eux qu’il convient de travailler.

Il faut également instruire fortement à l’Administration et aux forces de sécurité qu’aucun abus d’aucune sorte contre des populations civiles, ne sera désormais toléré. Des sanctions à hauteur de souhait doivent être prises contre les fautifs pour amorcer le retour de la confiance entre les populations et l’Administration. En outre, il y a exigence de viser tout au plus une stabilisation relative de la zone dans les mois à venir.

Quant au programme présidentiel d’urgence sociale dont le Chef de l’État semble faire sa priorité en matière d’actions de services essentiels de base aux citoyens, c’est le principe même de cette initiative qui n’est pas acceptable. De quelle urgence s’agit-il ? Pour la lancer à la fin du mandat ?

Il concerne de nombreux domaines que sont : la santé, l’éducation, l’hydraulique, l’électricité, etc. Ceux-ci empiètent allègrement sur les compétences des ministères sectoriels et des collectivités locales à qui l’Etat a transféré, quelques fois depuis plus de 15 ans, ses prérogatives. Ce programme contrevient aux dispositifs de la décentralisation et de la régionalisation issus des recommandations des États Généraux de la Décentralisation (EGD, 2013). Il apparait clairement pour ce qu’il est, c’est-à- dire un outil de propagande et de campagne électorale avant l’heure. Les visites présidentielles, dans les capitales régionales et dans certains Cercles, sur le tard, pour poser des premières pierres ou inaugurer des infrastructures participent de ce même principe. Le Gouvernement devrait ramener les actions de ce programme au niveau des Administrations et des Collectivités qui en ont juridiquement les prérogatives. Ce qui serait d’ailleurs, pour les Régions du Nord, un élément de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.

Le dernier chantier confié au Gouvernement, le plus important sans doute, est l’organisation d’élections transparentes, apaisées et incontestables. En la matière, le Gouvernement doit urgemment prendre une position relative aux élections communales partielles, locales, régionales et du district de Bamako reportées au printemps 2018. Ces élections ont été maintes fois reportées. Il est souhaitable qu’elles ne soient pas organisées en avril, à trois (3) mois des présidentielles afin qu’on se concentre entièrement sur ce dernier scrutin, le plus important et le plus délicat dans le contexte actuel. Cet ultime report, soutenu par de nombreux acteurs sociopolitiques, ne sera pas gênant pour des consultations régulièrement reportées depuis 2014. Le pouvoir sorti des urnes aura la latitude de les organiser selon un chronogramme qu’il jugera pertinent et en lien avec l’évolution du processus de paix et de la mise en œuvre effective de la régionalisation. Le report aura également le mérite de donner du temps, au Nord, aux Autorités Intérimaires pour fonctionner, accompagner le processus de paix et jouer un rôle dans l’organisation des élections générales.

Il aura, enfin, le mérite de donner du temps au Gouvernement pour se pencher rigoureusement sur l’organisation du scrutin présidentiel, notamment les aspects sécuritaires afin qu’il soit le plus inclusif possible. Cette tâche est lourde mais en s’y prenant comme il le faut, on pourrait la mener à bien. La sécurisation doit associer les Forces Armées du Mali (FAMa), les groupes signataires de l’Accord, la MINUSMA, les forces de Barkhane et celles du G5 Sahel dans le cadre d’un plan précis destiné à sécuriser le processus et surtout le jour du scrutin. Ce dispositif devrait permettre à au moins 90% des électeurs de pouvoir exprimer leur choix le jour du vote. Cet objectif n’est pas au-dessus des possibilités des nombreuses forces présentes sur notre territoire. Le Gouvernement devrait prendre des initiatives dans cette direction. Au-delà de la sécurisation du scrutin, il faut veiller à apaiser le climat socio politique et à renforcer la confiance des acteurs au processus. Dans cette veine, il convient de réunir très rapidement le cadre de concertation entre l’Administration et les acteurs politiques pour acter le report des élections locales, convenir du chronogramme et engager le processus vers des présidentielles et législatives sans contestations.

Le Gouvernement doit jouer la carte de la transparence, donner toutes les informations sollicitées et faire la lumière sur les préoccupations exprimées par les acteurs. La question de l’audit du fichier électoral et celle des neuf cent mille (900 000) cartes NINA, dont on serait sans nouvelles, doivent être abordées sans tabou ni faux fuyant. Cette attitude d’ouverture, la conduite d’actions consensuelles convenues lors de réunions régulières ainsi que la mise à contribution intelligente de certaines autorités morales permettront d’aboutir à des élections apaisées. Le Gouvernement de Soumeylou B. MAIGA a la responsabilité de mener à bien cette mission cruciale pour le pays.

Au-delà de ces missions majeures a lui confiées, il y doit d’avoir le souci de la stabilité du climat social mais aussi les défis de la sécurité alimentaire ou encore la lutte contre la corruption. Ce dernier sujet est le plus important pour notre pays et souvent à la base de tous les autres maux. Cependant, pour permettre au Gouvernement de durer et espérer qu’il mène à bien les missions cruciales, précédemment présentées, les Maliens sauront sans doute être indulgents sur la lutte contre la corruption et compter sur la prochaine équipe pour engager ce chantier!

 

Par Moussa Mara ancien Premier ministre

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