Paix et réconciliation: Regard sur des préceptes d’humilité et de piété

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Il faut toujours se souvenir car le souvenir est plein d’enseignements précieux, féconds.

En ce mois sacré  de Ramadan, souvenons-nous de la vie active d’un homme d’exception, celle d’Ahmed Baba Soudani, une illustre figure emblématique de grande réputation.

En passant donc en revue la documentation existante sur les œuvres de ce savant, l’on en tire des leçons de sagesse et  de pédagogie susceptibles de permettre la relève des défis qui assaillent notre pays et  entravent son développement malgré les atouts dont il dispose.

Né à Tombouctou en 1556,  Ahmed Baba était une émérite sommité qui a marqué d’empreintes indélébiles la vie intellectuelle, l’essor socio culturel d’une période de lumières (XVI/XVIIème siècle).

Pour les chercheurs, il reste la perle de son temps dans tous les domaines de connaissances. Son prestigieux nom est porté par divers instituts et universités,  tant publics que privés.

Ahmed Baba et ses pairs avaient une ouverture d’esprit très large; ils n’ont jamais cessé de mettre en garde les populations sur les dangers du feu de l’ignorance, du feu de la haine, de la violence, des écueils dont l’extirpation conduirait à une cohésion sociale durable.

Ils ont vécu à Tombouctou avec des juifs et des détenteurs de la magie noire. Ils ont un sens profond de l’honneur et de la dignité, consolidé des valeurs humaines de base dont la solidarité, le partage, le sens de l’esprit de famille, de l’esprit communautaire, le don de soi pour la cause commune. Souvent à la violence, ils répliquaient par la non-violence. Ils se remettaient en cause, se sacrifiaient  quand il s’agissait de l’intérêt général.

Ils ont formé, perfectionné, recyclé plusieurs intellectuels qui  partirent partout  répandre la bonne parole, la lumière.

Leur grandeur d’âme, les enseignements qu’ils ont prodigués à travers divers  manuscrits, constituent une source d’inspiration pour l’érection d’un Mali tolérant, pluriel, ouvert sur le monde.

Exemplarité  des actes et gestes d’Ahmed Baba

Monument scientifique, grand baobab de connaissances multidisciplinaires avec de multiples œuvres majuscules gravées dans les timbres de l’histoire, Ahmed Baba a été la citadelle, le rempart contre la destruction des  valeurs  transtemporelles.

Ses ouvrages  demeurent des références au fil des générations.

Face à l’indécence des comportements déviants d’éléments égarés et à la croissance des antivaleurs surtout lors de l’occupation marocaine de villes célèbres comme Gao et Tombouctou, ils ont servi de torche pour illuminer le ciel  de tant d’espoirs extériorisés  par des populations meurtries.

Fait de dynamisme à toutes épreuves, plein de verve et de soleil dans le cœur, le regard attrayant d’Ahmed Baba, intact jusqu’à son rappel à Dieu,  disait bien de choses à tous ceux qui l’approchaient et faisait oublier à certains d’entre eux qu’ils étaient comme lui, tant sa joie de vivre était communicative et dépassait le commun des mortels.

Meneur d’hommes, Ahmed Baba prodiguait ses messages, conseils et recommandations, tous empreints de cette chaleur et de cet esprit qui révélaient son sens profond des relations humaines, son charisme légendaire.

C’est d’une main de fer avec des gants de velours que  le grand Ahmed Baba endossait ses charges : il ne ménageait ni sa peine, ni son temps, pour aller au-devant des défis et répondre à chaque appel ou sollicitation  de ses semblables.

Aurait-il consacré plus de temps à lui-même, à ses préoccupations personnelles que les choses allaient changer?  Nul ne peut le savoir!

Quelques thèmes traités par Ahmed Baba

Ahmed Baba a écrit de nombreux ouvrages  dont certains continuent à être des références dans la réconciliation des cœurs et des esprits, après tous différends, structurels ou conjoncturels.

Ces ouvrages ont porté sur des thèmes variés, à savoir, entre autres, la condamnation de l’esclavage, les rapports entre le pouvoir et le savoir, la dualité savant/saint, la réprimande de vols, l’expiation des fautes, la primauté de l’intention sur l’action, le caractère illicite du tabac, la nature sociale de l’homme etc.

En vue de  la construction d’une nation paisible et réconciliée avec elle, impératif auquel chacun est attaché, il nous semble utile de récapituler, dans de lignes saillantes, les observations et recommandations d’Ahmed Baba sur quelques situations particulières.

Rapports entre le pouvoir et le savoir

Ahmed Baba a mis en garde ses compatriotes contre la fréquentation des gouvernants oppresseurs,  despotes. Pour lui, les rapprochements entre la politique et la science n’étaient pas souhaitables.

Les savants en connivence avec le pouvoir se transformaient souvent en courtisans, cherchant à préserver des intérêts, de pair avec ceux des gouvernants, tout en oubliant que la finalité de telles prises positions partisanes pourrait être l’enfer.

Ahmed Baba n’a jamais cessé de marquer ses distances, voire son hostilité envers les princes, les rois. Il méprisait les hommes de sciences qui les fréquentaient. Il se prononçait pour la séparation du pouvoir et du savoir  et redoutait le pouvoir qui encourageait la corruption, le trafic d’influence, l’opportunisme et tous les vices qu’ils engendrent.

Ses propos anti tyranniques  étaient célèbres. Il ne cessait de se souvenir d’un cri qui résonnait dans son esprit, celui  lancé, agonisant, par son oncle Omar ben Mahmoud (cadi de Tombouctou, déporté en même temps que lui au Maroc) à l’adresse d’al – Mansour, le Pacha responsable de leur injuste exil : « Tu es l’oppresseur, je suis l’opprimé, prochainement l’oppresseur se trouvera avec l’opprimé en présence de Dieu le juge équitable ».

Primauté de l’intention sur l’action.

C’est un traité par lequel Ahmed Baba cherchait à prouver que l’intention est préférable à l’action.

Pour lui, la supériorité de l’intention provient du fait que la valeur d’une œuvre dépend de l’intention de celui qui l’accomplit et si cette intention est coupable, l’œuvre est sans valeur.

Selon les Hadith, “les œuvres ne valent que par les intentions”, « l’intention du croyant est meilleure à son œuvre ».

Une bonne intention est prise en compte par Allah, même si elle n’est pas mise en exécution.

Nature sociale de l’homme

Ahmed Baba a toujours enseigné que Dieu créa l’homme et en fit, selon sa volonté, un être social.

De ce fait, aucun être humain ne peut vivre seul, isolé de ses semblables quels que soient son niveau de savoir, son rang social.

Aussi, vu la nécessité de coexistence entre les hommes, ceux-ci doivent se montrer tolérants et souples envers les agresseurs en leur pardonnant leurs fautes sans appliquer le principe de réciprocité. A ce sujet, la Sourate 41/ Verset 34 du Saint Coran est édifiante : « repousse le mal par ce qui est meilleur, et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux ».

Par ailleurs, en ce qui concerne les péchés commis au sein de chaque société, il est un devoir religieux, moral aux membres de cette société de les dénoncer pour permettre leur réparation par les fauteurs, pour éviter leur récidive par d’autres.

Un Hadith du Prophète Mohammed (PSL) enseigne ceci : « Il n’y a pas de société où l’on commet des péchés et où les gens capables de les réprimer se taisent qui ne risque de subir un châtiment général qui n’épargne personne. Vous implorez Dieu et il ne vous secourra pas ».

Conclusion

Le grand Ahmed Baba et plusieurs de ses compagnons oulémas ont connu la déportation, l’exil, mais ils ont su tourner la page des manquements  graves à leur endroit en accordant le pardon à leurs ennemis.

Ils se sont consacrés essentiellement au développement des connaissances, à la promotion de la culture de l’écrit, à la satisfaction du besoin de documenter les événements majeurs, de privilégier la recherche de la vérité, la justice, le rapprochement, la tolérance, l’entente, le pardon, tout ce qui peut  contribuer à consolider le tissu social, à résoudre les conflits ponctuels, tant endogènes qu’exogènes, les multiples crises circonstancielles.

Ils ont éclairé leurs contemporains sur les pratiques de l’indulgence, soutenu la coexistence pacifique entre les ethnies; ils se sont ouverts à toutes les cultures en mettant l’accent sur les valeurs positives de ces cultures aux fins de permettre un mariage heureux entre religion et tradition pour le plus grand bien des populations.

 

Par Chirfi Moulaye Haïdara.                                                               

 

 

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