Organisation et fonctionnement de l’appareil judiciaire au Mali : « Moussa Mara est dans la confusion et dans l’ignorance … »

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« La généralisation de l’implication populaire dans les procédures judiciaires », un moyen d’améliorer la justice malienne selon Moussa Mara. Il propose que le jury ou l’assesseur étudie le dossier à juger, donne son avis, avis sur la base duquel le juge tranchera. Manifestement Moussa Mara ignore l’état actuel de la législation malienne en la matière. Deux magistrats, Adama Yoro Sidibé et Oumar Alassane KOUYATE nous ont fait parvenir leur contribution pour le remettre à sa place. Lisez !

« La généralisation de l’implication populaire dans les procédures judiciaires », un moyen d’améliorer la justice malienne selon Moussa Mara Dans  sa livraison n°4174 du Mercredi  15 Février 2017, le Journal  L’indépendant donnait à lire à ses lecteurs les réflexions de Moussa Mara intitulé « LE CITOYEN ET LE MAGISTRAT : un couple gagnant pour la justice malienne ».

Dans son article, Moussa Mara dit : « Il est souhaitable qu’à tous les niveaux de juridiction d’instance, y compris les tribunaux de police et les tribunaux abritant les juges de paix à compétence étendue, il soit institué des jurys aussi bien pour des affaires civiles que pénales. Les citoyens concernés doivent être choisis comme cela est fait pour les assises. La sélection doit intervenir afin d’assurer la participation de toutes les forces vives d’un ressort judiciaire donné. Pour des procédures spécifiques (commerciales, fiscales, administratives…), les membres peuvent être sélectionnés en fonction de leurs compétences et expériences pour exercer valablement leurs attributions. »

En substance, Moussa Mara plaide, comme il le dit lui-même, pour « l’implication des citoyens sous forme de jurys ou d’assesseurs… à tous les niveaux de juridiction, aussi bien en appel qu’à la Cour Suprême …».
Cette  sortie de Moussa Mara a peut-être le mérite de relancer le débat public sur un thème central de notre révolution démocratique de 1991 : les caractéristiques  du pouvoir judiciaire dans notre démocratie représentative.

En effet les diverses lois qui ont été votées depuis 1992 en application des dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir et à l’institution judiciaires donnent lieu à un profond désaccord sur la constitutionnalité de nombre d’entre elles. La pratique qui en a résulté produit une justice au rabais, qui suscite un ressentiment populaire adroitement orienté, notamment par des politiciens malintentionnés pour ébranler la disposition du citoyen à souscrire aux mesures idoines de redressement de la justice malienne.
Dans un tel contexte ces propos de Moussa Mara, distillé dans un langage si confus et approximatif peut donner à penser qu’on est en présence d’une solution novatrice. C’est l’occasion de procéder à une petite remise des choses à l’endroit et mettre fin à la jacquerie.

L’observation préliminaire qu’on peut faire à la lecture de ces propos de  Moussa Mara est que celui-ci est dans la confusion et dans l’ignorance relativement à l’organisation et au fonctionnement de l’appareil judiciaire au Mali.

Il propose que le jury ou l’assesseur étudie le dossier à juger, donne son avis, avis sur la base duquel le juge tranchera. Manifestement Moussa Mara ignore l’état actuel de la législation malienne en la matière.
Dans les formations de jugement qui comprennent des assesseurs, des juges consulaires ou un jury populaire, ces juges occasionnels n’émettent pas seulement un avis sur la base duquel le juge professionnel tranche le litige, ils jugent toute l’affaire au même titre que les magistrats qui sont dans ladite formation de jugement. Ils ont voix délibérative.

Ce que Moussa Mara demande est ce qui se fait déjà en mieux. Moussa Mara est, au mieux,  confus en cette matière. Il souhaite l’implication du jury populaire au niveau de la Cour Suprême.

Quelle méprise !
Le principe est que la Cour Suprême ne juge pas les faits, mais plutôt la légalité du droit qui est dit par les juges du fond. C’est pourquoi, les juges professionnels ne doivent y accéder qu’après avoir « blanchi sous le harnais », comme on le dit trivialement. Quelle sécurité pour le citoyen quand un novice vienne en ce lieu pour décider de quelque chose qui est totalement hors de sa compréhension ou de son savoir-faire ? C’est comme dire que par défiance aux professionnels de la santé, on fait appel à des citoyens, qui ne sont ni médecins ni infirmiers, pour procéder aux opérations chirurgicales sur leurs semblables, dès lors qu’ils sont réputés être de bonne foi.

En suggérant le recours systématique à l’office du juge occasionnel, les mots employés par Moussa Mara pèsent autant par ce qu’ils omettent que par ce qu’ils disent. Personne n’est dupe. Il insinue que l’institution judiciaire au Mali n’est pas, en l’état, fiable. Son analyse conduit à opérer pour ainsi dire, à faire une distinction entre le juge professionnel dont le civisme serait sujet à caution d’une part, et le juge occasionnel qui serait issu du peuple d’autre part.

Il importe de lever le voile de confusion sur le fait que, contrairement à l’esprit de l’intitulé, il n’existe pas de magistrat qui soit distinct du citoyen. Le magistrat est avant tout, un citoyen du fait qu’il appartient à un Etat avec des droits qui sont reconnus tout comme des devoirs auxquels il est soumis. C’est par la suite que ce citoyen occupe la fonction de magistrat tout en demeurant citoyen.
En d’autres termes, si la fonction de juger ses semblables, quoique loin d’être aisée, est indubitablement un impératif pour l’équilibre de la société et la cohésion en son sein, il est  naïf et illusoire de vouloir la dissocier de ses implications techniques.

En effet, la connaissance de la « chose juridique » ou droit substantiel et la maitrise sans faille de son processus d’éclosion devant les organes indiqués (droit processuel), sont le couronnement d’une formation rigoureuse et méthodique. C’est pourquoi le premier venu ne saurait s’immiscer dans les fonctions jugeantes tout comme le profane ne saurait s’improviser chirurgien.

Enfin, Moussa Mara allègue que « Nos magistrats sont critiqués, au point que leurs grèves soient impopulaires ! »).

Nul ne saurait se méprendre au point de penser que Moussa Mara ignore qu’au cœur de la notion de bonne gouvernance, telle qu’elle est conçue actuellement, il y a la démocratie.
La démocratie s’entend de tout système politique qui permet la participation libre et éclairée des citoyens dans la conduite des affaires publiques.

Au plan institutionnel, il s’ensuit que son bon fonctionnement et son efficacité dépendent, du côté des gouvernés, de la variété et du perfectionnement des moyens d’expression mis à la disposition des citoyens. La formule permet alors de devancer ou d’atténuer la violence de leurs revendications en leur fournissant une occasion pacifique et permanente de s’exprimer ; de les associer éventuellement à certaines décisions.
Et le dialogue entre gouvernants et gouvernés ne saurait se limiter aux seuls moments relativement espacés des consultations électorales. Dans l’intervalle, les citoyens s’efforcent d’infléchir l’orientation des affaires publiques et pour atteindre à plus d’efficacité se rassemblent en groupements divers : partis, syndicats, association de toute nature.

Il revient donc à chaque groupe de faire valoir sa cause auprès de l’Etat. Et c’est ce que les magistrats ont fait. Il est fondamental d’intégrer le fait que le droit de grève est un droit universellement consacré. Du reste, l’exercice régulier d’un droit ne saurait s’accommoder d’une quelconque considération de popularité de l’entreprise.

En définitive, nous saluons la tentative de Moussa Mara, quel qu’est pu être son dessein, de participer au débat concernant la justice. Ce débat nous intéresse au premier chef en tant que magistrats.
Vivement les prochaines contributions d’autres débatteurs que nous espérons plus avisées sur le sujet et mieux structurées, pour hisser les débats à un niveau plus relevé.

Bamako, le 15 février 2017
Adama Yoro Sidibé
Oumar Alassane KOUYATE
MAGISTRATS

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12 COMMENTAIRES

  1. Mara est bien l’une des preuves palpables que les cadres du Mali sont incultes . Je ne sais pas si tout le monde voit son intervention de la même façon que moi dans la mesure où je me dis qu’il a dirigé notre pendant un temps.

  2. Pourquoi contester une évidence palpable dans nos tribunaux :NOS JUGES SONT MAJORITAIREMENT CORROMPUS?
    Il suffit de constater leurs modes de vie.
    Un jeune juge ,avec une expérience d’à peine 3ans,s’est fait construire un étage dans un quartier huppé de Bamako.
    Sous d’autres cieux,on lui demande des explications.Mais au MALI c’est normal.
    Celui qui ose le critiquer est un HASSIDI.
    On a vu des juges faire des vacances avec toute sa famille au Japon et aux États-Unis.
    Ces mêmes juges viennent nous dire qu’ ils sont mal payés.
    Ils sont mal payés,Mais ils se permettent des dépenses conformes aux standings de vie des cadres des pays développés..
    Ça peut faire mal aux juges.Mais les faits sont têtus,tous ceux qui ont eu à faire à nos juges ont été obligés de mettre la main à la poche pour être satisfait.
    C’est ce constat qui a poussé MARA à faire ces propositions .
    Des juges corrompus peuvent ils accepter qu’ on fasse améliorer la situation dans le sens de la satisfaction de l’ intérêt général?

  3. Il faut que la justice rend justice, le peuple malien a trop souffert, quand on analyse bien la situation actuelle du pays, c’est un problème d’ordre juridique. Il faut qu’il y est une justice équitable, non partisane.

  4. Au fait ce sont ces pseudos journalistes et magistrats qui sont des ignorants. Même si vous trouvez que ce que Moussa Mara dit n’est pas faisable au Mali, il réfléchit quand même, il fait des propositions pour améliorer, c’est à vous de voir quelle modification il y a à apporter pour l’adapter au cas malien.
    Personnellement je trouve que les propositions de M. Mara permettront quand même à beaucoup de citoyens de comprendre quelque chose sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire.

  5. Au Mali tous les coups sont permis tant qu’on a un moyen pour arranger la justice. Vous avez trahi la nation

  6. Tout le problème du dans notre pays c’est la justice. Vous avez acceptez la lourde responsabilité devant Allah et les hommes de rendre justice. Mais…La denrée la plus abondante au Mali, c’est l’injustice.

    Grève illimité de combien de mois puis quoi? le peuple n’a rien senti ça veut dire ce que ça veut dire!

  7. Il ya trop de lourdeur administratif dans l’appareil juduciaire malien. Mara a totalement raison.

  8. Je ne comprends presque rien dans cette longue prose des magistrat mais s’il se trouve que MARA veut voir des jury à la cour suprême, on devrait vite lui trouver un bon psychiatre, il en a besoin. Dans une République, on dit que la Cour Suprême est la gardienne de la constitution. Si tel est le cas, comment peut-on espérer que les Sages soient épaulés par des Jurés venus de MALITEL DÂ et du DABANANI pour discuter de la constitutionnalité des lois ?

    Quant à vous les magistrats, voyez-vous jusqu’où une justice corrompue et vendue peut inspirer les faux prophètes et les Justiciers ? Il est temps que les juges se disent que sans justice aucun autre secteur de développement ne peut bien marcher. Peut-être que s’il y avait de la justice, on n’allait pas connaitre la crise qui tient actuellement la Nation en haleine

  9. Si vous étiez grands garçons vous auriez dû répondre à celui qui avez demandé votre radiation sinon révocation collective
    Il l’a ecrit dans : grève des magistrats : chronique d’un Mali qui marche sur la tête.
    Vous êtes tous magistrats par des concours truqués.
    Vous radier sera profitable à tout le Mali
    Sow a raison

  10. Garder le silence vous aurait davantage grandi.Les propos de Mr Moussa Mara ne justifient pas un tel mepris …

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