Dans une tribune intitulée " Prolifération des mouvements de libération de l’Azawad : Est-ce le réveil des vieux démons ", publiée le 25 octobre 2011 sur Maliweb, nous tirions sur la sonnette d’alarme au sujet du péril qui guette le Nord Mali. Mais à son temps, certains medias de la place avaient d’un revers de la main balayé nos appréhensions et nous ont accusés d’oiseau de malheur. Un mois après, les mêmes medias retournent leurs vestes, j’allais dire leurs plumes pour attirer l’attention des autorités sur les dangers d’une reprise de la rébellion au Nord. Ces auto proclamés spécialistes du Nord ont-ils finalement perdu le nord ou ont-ils fait exprès pour hiberner l’opinion publique nationale ?
En effet, l’un des journaux, Lafia révélateur qui, hier seulement écrivait que ni les mouvements indépendantistes ni les soldats libyens revenus au Mali ne constituent un danger pour le pays, se rétracte tout d’un coup. Le titre de sa parution du 23 novembre 2011 est plus qu’évocateur du virage à 180 degrés. : " Mouvements indépendantistes au nord Mali : Que doit faire l’Etat ? " La conclusion de l’article sonne comme un avertissement aux autorités incapables d’anticiper sur les événements : à savoir la collision entre les mouvements indépendantistes et les combattants de la guerre : «Les mouvements indépendantistes sont apparemment décidés à aller loin. Et c’est pourquoi l’Etat ne doit pas dormir aussi. Au moment où les responsables de ces mouvements sont connus, pourquoi l’Etat ne suit pas et cne ontrôle pas toutes leurs actions ? Comment ces gens arrivent à faire des recrutements au Mali sans que l’Etat ne s’en rende compte et ne les en empêche ? Pourquoi ne pas circonscrire leur seule et unique base ?» Il faut admettre hélas qu’ATT et son gouvernement n’ont rien fait pour empêcher l’arrivée massive de combattants libyens sur le territoire malien. Tout au moins, ATT aurait du faire cantonner ces combattants, c’est-à-dire les désarmer.
Gouverner c’est prévoir et le Général Président sait mieux que moi ce que l’art de la guerre enseigne en pareille situation. Comment comprendre qu’ATT n’ai pas pu voir venir le retour en masse de soldats libyens d’origine malienne, alors que la guerre faisait rage et que Kadhafi, leur parrain avait déjà perdu tout espoir de conserver son pouvoir. Où étaient et que faisaient pendant tout ce temps, nos services de renseignements pourtant toujours prompts à traquer ou mettre sur écoute de simples citoyens pacifistes ?
Des questions qui sonnent comme le glas d’une défaite annoncée, d’un abandon d’une partie du territoire. Quand on analyse tout ce qui se passe dans cette partie nord du Mali, on est en droit de se demander si l’Etat n’était pas absent depuis belle lurette. Depuis la signature du pacte national, l’autorité de l’Etat dans cette partie du pays était mise à rude épreuve. L’incorrigible Bahanga et les multiples soubresauts de la rébellion n’ont laissé aucun répit à des forces de sécurité et de défense sans défense. C’est la seule explication que le citoyen lambda que je suis, peut comprendre pour admettre l’inadmissible, c’est-à-dire la présence de combattants avec un arsenal de guerre sur le territoire malien.
Et comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement d’ATT, dans une précipitation débilitante, envoie en guise de bienvenue ses supers ministres avec des sommes trébuchantes et sonnantes et des cadeaux auprès d’eux. Un gouvernement digne de ce nom réfléchirait par deux fois avant de dépenser l’argent des honnêtes citoyens maliens à des combattants armés qui, jusqu’à preuve du contraire, restent des militaires libyens déserteurs. Pendant qu’ATT supplie les déserteurs de l’armée libyenne d’accepter les cadeaux au nom de la République pour "services rendus" , d’autres Maliens rentrés de la même Libye sans armes et sans bagages végètent dans la nature quelque part dans l’anonymat total.
Le Gouvernement sans se douter de rien, dans un amateurisme déconcertant, venait de poser un acte grave de conséquence que nos "héros de la guerre de Libye" vont utiliser à fond pour humilier davantage les autorités maliennes. En effet, malgré toute la sollicitude et la générosité d’ATT et de son Gouvernement, nos braves soldats libyens du Mali refusent toujours de remettre leurs armes. Pourquoi devraient-ils le faire aussi naïvement et facilement? Eux qui sont en position de force pour négocier, ont certainement lu le génie chinois en stratégie militaire, Sun Tzu, qui écrivit, six ans avant Jésus Christ dans son classique «l’art de faire la guerre», je le cite " lorsque l’ennemi vous offre une opportunité, saisissez-en vite l’avantage ".
Les mouvements indépendantistes, aussi ont bien compris cela et profitent de l’arrivée des combattants pour occuper le terrain laissé militairement. Pendant ce temps, au sommet de l’Etat, on continue de privilégier les réseaux occultes de négociateurs pour calmer la situation. On ne se préoccupe pas de savoir pourquoi les mêmes causes produisent les mêmes effets. N’est ce pas les mêmes négociateurs qui arpentent depuis toujours les hauteurs de l’Adrar pour ramener à la raison les frères égarés.
Le résultat est toujours le même : on se distribue les contenus des mallettes de Koulouba, on accepte de rejoindre pour une énième fois les rangs de l’armée nationale qu’on a intégré suite aux accords du pacte national ; accalmie pour ATT qui peut s’occuper sereinement de ses logements sociaux et de ses amis les tout-petits ; puis tout d’un coup, rebelote… Ré-désertion… et reprise des pourparlers par l’intermédiaire des mêmes négociateurs. Ainsi va la vie dans la partie nord du pays de l’homme du 26 mars.
Point besoin d’être dans les secrets de ces négociateurs pour comprendre leur stratagème contre l’Etat : se rendre incontournable pour négocier afin de préserver leurs propres intérêts : s’enrichir sur le dos de ceux avec qui et pour qui ils négocient et rester dans les grâces des pouvoirs successifs de Koulouba. Le cas le plus patent est celui d’Iyad Ag Aghaly, l’homme par qui la rébellion de 1990 a débuté. Insaisissable, au centre de toutes les rebellions et de toutes les négociations, il sera encore là pour diriger des négociations avec comme toujours des mallettes remplies de provisions.
Avec tout ce qui se tramerait au nord, c’est l’occasion idéale pour nos incontournables négociateurs du Nord comme Iyag Ag Aghaly et autres de reprendre du service. On imagine aisément que Koulouba ne désemplit plus ces derniers jours.
Il faut parer au plus pressé, ensuite réfléchir. Toutes les ressources sont mises à profit. Des officiers supérieurs ressortissants du Nord et des notabilités se bousculent au portillon de Koulouba pour apporter leur preuve d’allégeance et proposer leurs talents en matière de négociation. Avec la bénédiction du maitre des lieux, nos experts en sécurité occultes chargés de mallettes remplies de cadeaux alléchants se relayeront sur le terrain au point que les incessants va et vient des convois de véhicules tout terrain provoquent dans le désert des embouteillages entre Gao et Kidal.
Dans cette cacophonie de marchés de dupes, chacun y va de son imagination. Nos honorables députés qui ont décidé d’aller parlementer sous les rochers de l’Adrar avec leurs "frères " en ont eu pour leur compte. Ils ont été éconduits par des propos d’une rare violence par «leurs frères» qui ont pourtant accepté d’empocher les millions de francs CFA et autres friandises qu’ATT s’était empressé de leur envoyer par ses Ministres. Nos braves parlementaires, le mot n’est point fort dans le cas présent, qui ont confondu leur palais de Bagadadji au temple des combattants n’avaient que leurs oreilles pour rapporter jusqu’à nous ce qu’ils ont entendu : " Nous n’avons rien à vous dire ! Nous sommes le peuple de l’Azawad, vous, vous êtes le Mali. Nous sommes sur notre territoire, on n’a rien à vous dire. Vous êtes des parlementaires ? Ça c’est l’affaire du Mali. Nous, nous sommes chez nous terminé. Vous dites que nous devons écrire au Président de la République, Votre Président de la République n’est pas notre président."
No comment ? Sinon que de faire l’amer constat qui saute aux yeux: l’autorité de l’Etat n’a jamais été aussi bafouée et malmenée. Des représentants de la République à genou devant des combattants d’une armée étrangère pour négocier quoi ? Allez savoir. Comment diantre les forces de défense maliennes ont -elle pu laisser entrer sur le territoire des combattants armés ? Incapacité d’anticipation ou insuffisance de moyens mis à leur disposition ? Ils, les chefs militaires se cloitrent dans leur mutisme légendaire pour protéger le secret – défense, mais eux, les soldats qu’on attrape comme des lapins parce que ne disposant pas de moyens suffisants et adéquats finiront par exiger de leurs chefs les moyens pour défendre le territoire national.
Pourquoi ne le feraient-ils pas quand d’autres officiers parce que ressortissants du Nord peuvent rompre le sacro saint silence de la grande muette qu’est l’armée, au grand dam de leurs chefs hiérarchiques militaires. En effet, depuis un certain temps, ces officiers du Nord interviennent dans les medias pour expliquer leurs convictions patriotiques et leurs activités de sécurisation sur le terrain. Tous ces manquements sont permis et excusés par la chaine de commandement militaire pourvu que cela apporte un répit au General Président qui vit les pires moments de son dernier mandant.
Du cargo air cocaïne, véritable thriller aux odeurs maliennes, en passant par la rocambolesque libération des otages français, au retour des combattants libyens au Mali, que d’incohérences et de tâtonnements dans la gestion sécuritaire du Nord Mali. L’énormité de l’étendue de la zone ne saurait à elle seule être une excuse pour nos autorités. Depuis longtemps, ce n’est un secret pour personne, l’Etat n’était plus présent dans cette partie du pays. La nature ayant horreur du vide, très vite les trafiquants de tous genres, Al-Qaïda et les jeunes désœuvrés ont pris le relais.
Aucun nationalisme ne nous aveuglerait à ne pas croire finalement à ce label collé à notre image : "Le Mali est le maillon faible dans la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo saharienne ". Des pays limitrophes comme la Mauritanie, le Niger, traquent sans relâche des hommes armés sur leur territoire…et même sur notre territoire. Récemment, grâce à la vigilance des forces de sécurité nigériennes, auxquelles il faut rendre hommage, des combattants libyens qui se rendaient au Mali ont été neutralisés ?
Les langues commencent à se délier au sein même de la majorité présidentielle d’ATT pour dénoncer et fustiger le laxisme du pouvoir. Le député Adema de Bourem, Ibrahim Ag Mohamed Saleh, s’en est vigoureusement pris à Koulouba dans un entretien accordé à Jeune Afrique.Com publié dans le journal, Le Républicain du 23 Novembre 2011.
Il parle de " Une complicité en haut lieu avec les trafiquants de drogue et Aqmi ". Et comme pour compliquer une situation déjà confuse, nous apprenons la rocambolesque histoire d’un Français accompagné par un député de la République, blessé à la sortie de Gao. Qui était, ce Français ? Que faisait -il dans ce bled perdu du Nord ? Une zone pourtant fichée sur la liste noire de son pays la France ?
Autant d’interrogations qui ne rassurent pas le citoyen lambda sur la capacité de l’Etat à garantir la sécurité des personnes et des biens. Et comme si cela ne suffisait pas à notre peine, les événements survenus en moins de deux jours d’intervalle à Hombori et Tombouctou viennent nous rappeler les tristes souvenirs du début de la rébellion de 1990. En effet, l’enlèvement de deux Français à Hombori et de trois touristes étrangers à Tombouctou en plein jour au nez et à la barbe de nos forces de sécurité impuissantes plongent toute la région dans la peur et le désarroi. Le risque est grand de voir de pauvres citoyens pris dans l’engrenage du climat d’insécurité, tout simplement à cause de leur appartenance ethnique. C’est pour éviter les amalgames que nos forces de sécurité et de défense doivent anticiper sur les événements et non faire le sapeur pompier. La tension risque de monter d’un cran les prochains jours dans les trois villes du Nord que sont Gao, Kidal et Tombouctou, où on ne compte plus les enlèvements de personnes et de leurs biens. L’autorité de l’Etat est dangereusement compromise là-bas au Nord Mali.
Terrible fin de règne pour l’homme du 26 mars. Pour le grand bâtisseur des Attbougous, routes et ponts, c’en est une. Le général Président a appris certainement de Sun Tzu, l’auteur de " l’art de faire la guerre " qu’il faut savoir saisir les occasions. Le Général souhaiterait certainement calmer la situation, faute de n’avoir jamais cherché à la résoudre, le temps pour lui de remettre le " to chaud " dans les mains de son successeur.
Acculé et accusé de toutes parts, le soldat ATT, partisan du concept " Vaincre sans combattre ", ne devrait-il pas enfin se rendre compte que sa politique sécuritaire a atteint ses limites ?
La seule solution qui vaille est la fermeté dans toute sa rigueur
La fermeté dans la défense du territoire national en traitant les combattants armés qui refusent de déposer leurs armes comme des ennemis armés. La fermeté dans le respect du règlement militaire pour tous les soldats : il est grand temps de redonner à l’armée toutes ses lettres de noblesse : la loi militaire doit s’appliquer dans toute sa rigueur aux déserteurs de l’armée qui hélas continuent de faire des va et vient, au gré de leurs humeurs entre l’armée et les groupes rebelles.
La fermeté dans toute sa rigueur pour protéger la population civile souvent victime des représailles de nos forces de sécurité. Il n’a pas d’autre choix, ATT que de changer de stratégie s’il veut tuer dans l’œuf ce qui, à n’en pas douter, ressemble à une énième rébellion sous son règne, car écrivait Honoré de Balzac "Un pouvoir impunément bravé touche à sa ruine "
*Yachim Yacouba MAIGA
Port-Au Prince, le 28 Novembre 2011