Nettoyage ethnique au Centre du Mali ?

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Le fait est peu connu du large public du pays en dehors de la zone où les faits se sont déroulés. Tout est mis en œuvre pour le dissimuler le mieux possible. Parmi le peu des maliens qui  le sait et qui est conscient de la gravité des faits, certains par pudeur ou par honte n’aiment pas en parler. Les représentants des pouvoirs publics parfaitement informés de la situation, à l’évocation du problème, préfèrent le plus souvent botter en touche et se réfugier dans le confort d’un «patriotisme de façade » et optent pour le déni et des accusations fallacieuses et peu crédibles contre « les inventions des ennemis internes et externes du pays, qui veulent coûte que coûte incriminer le Mali » ! Le fait dont il s’agit, ce sont des faits de guerre qui ont abouti à  la violente et sanglante expulsion des populations civiles peulhes  des cercles de Koro, Bankass, Bandiagara et Douentza de  leurs villages d’origine et leurs zones de vie, au cours des années 2018 et 2019.  Mais nous, citoyens lambda  du Mali, au risque de choisir d’être des complices des auteurs, nous ne pouvons pas éternellement continuer, par notre silence,  à couvrir les terribles  crimes qui ont profondément endeuillé notre pays, miné le socle de  notre société et sont en train de ruiner notre bien le plus précieux, notre concorde, notre vivre ensemble, par la faute d’une gouvernance irresponsable, incompétente et à la limite criminelle. Les maliens ont le droit de savoir ce qui leur est arrivé et les responsables, le devoir d’informer honnêtement  sur ce qui s’est réellement passé. Le pays a besoin de savoir parce que  pour soigner les blessures et extirper le mal, il faut en parler. Pour préserver l’avenir, il faut en parler. Mais cette thérapie par la parole ne réussira pas sans une information complète, objective et saine et  nous devons nous convaincre que sans la vérité et la justice, en l’absence de toute impunité, nous ne nous en sortirons pas indemnes comme nation guérie, unie et optimiste pour la suite de notre histoire commune. Même si les termes et le vocabulaire qui seront utilisés dans cet article, à commencer par le titre, pourront à juste titre paraitre à certains lecteurs comme excessifs, crus et choquants pour nous maliens qui n’avions guère l’habitude d’entendre ou de voir ces épithètes accolées nos réalités, aux faits et gestes dans notre pays. Pour nous, en général, ces actes horribles et leurs qualificatifs ne pouvaient arriver ou s’appliquer  qu’aux autres. Il faut se rendre à l’évidence, les choses ont beaucoup changé. On dit souvent que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, mais on ajoute quelques fois, qu’il n’y a rien de mal à dire la vérité.  Le plus important ici, nous le pensons, ce ne sont pas les mots, mais les faits survenus. Aussi,  même si c’est difficile, il faut en parler. Après, les maliens pourront tourner la page si nécessaire, mais ils ne devront jamais la déchirer, comme l’avait dit l’autre.

Entre 2018 et 2019, notre pays, le Mali a vécu et vit encore aujourd’hui les suites d’une séries  d’expéditions armées et sanglantes ayant abouti à l’expulsion  d’une grande partie des populations civiles peulhes des terroirs du Gondo, du Séno et du Hairé, communément appelées la zone exondée de la région de Mopti et regroupant les cercles de Koro, Bankass, Bandiagara et Douentza. Cette sanglante et dramatique expulsion des populations civiles a été perpétré par la milice ethnique Dan Na Ambassagou  sous  le regard impassible (et approbateur ?) de certains cercles des pouvoirs publics, de la Communauté Internationale et des classes dirigeantes maliennes. En dehors  des opérations de communication et des propos convenus pour des protestations et condamnations  d’usage, aucune initiative efficace n’a été entreprise pour contrer les actes criminels ! Les cris et les protestations des populations peulhes et de leurs représentants n’y feront rien. Les maliens, désorientés et  désinformés par une puissante propagande partisane,  pour se dédouaner et avoir bonne conscience, ont dû préférer mettre tout cela au compte  « des pertes collatérales » de la lutte contre le terrorisme ou au compte de la propagande « des ennemis de la nation  malienne agressée ». En effet c’est plus facile à  faire passer et à gérer. Mais cette vision ne correspond absolument pas à la vérité et à la réalité des faits. Les crimes de masse et les crimes de guerre commis contre les populations civiles peulhes par différentes forces hostiles, mais surtout par la milice dogon de Dan Na Ambassagou, ne peuvent en aucune façon être mis au compte de la lutte contre le terrorisme djihadiste. Le déroulé des faits, comme on le verra plus loin,  le prouve à suffisance. L’objectif clairement affiché  et au grand jour  dès le départ (des écrits et des messages audio sans équivoque ont circulé et ces preuves existent encore), depuis l’assassinat de Théodore Somboro, pisteur de l’Armée malienne, dans le Séno, l’objectif affiché était de faire partir « cette vermine de peulh » du « Pays Dogon ». Les activistes radicaux dogons l’ont affirmé, ils l’ont programmé et ils l’ont exécuté avec la création et l’animation de la milice Dan Na Ambassagou autour d’un noyau dur de militaires réservistes de l’armée malienne (anciens  dit-on ! Ce qui reste à prouver) d’origine dogon et des soutiens multiformes au sein de l’appareil militaro-sécuritaire de l’Etat.

Il faut le reconnaître, la mise en œuvre de cette entreprise autant machiavélique que criminelle, dont la conception et le murissement de certains aspects datent bien d’avant l’éclatement de la crise sécuritaire,  a été grandement facilitée par l’intervention criminelle et inopportune du mouvement de Hamadoun Kouffa en 2015. Peu importe ce que ces djihadistes disent dans leur profession de foi ou ce qu’ils font  concrètement sur le terrain, pour les milieux qui étaient archi prêts à en découdre avec les peulhs, l’essentiel est que Hamadoun Kouffa Diallo est d’ethnie peulhe  et son mouvement s’est fait appeler Front de Libération de Macina. Dès lors, ces milieux n’avaient plus aucun besoin d’attendre encore des investigations plus poussées pour savoir  si c’était un piège ou non de l’adversaire ou pour avoir une appréciation correcte de la situation, entre ce qui relève de la propagande et ce qui est réel.   Depuis lors,  les adeptes, promoteurs et propagandistes de la thèse « tous les peulhs sont des djihadistes ou sympathisants des djihadistes ou logeurs des djihadistes » se sont multipliés et sont devenus plus actifs, plus agressifs. Ce genre d’activistes des réseaux sociaux se retrouve, malheureusement, dans de multiples couches socioprofessionnelles et ethniques, souvent à des niveaux insoupçonnés de la haute hiérarchie intellectuelle, politique, administrative et sécuritaire du pays. Pour beaucoup d’entre eux « les peulhs ne sont pas suffisamment patriotes,  pas très pros-Mali et ils doivent être punis, parce qu’ils ont pactisé avec les djihadistes de Hamadoun Kouffa ». Ces gens ont montré qu’ils n’ont pas besoin de preuves irréfutables  et ils n’ont que faire des dénégations des représentants de la communauté peulhe ou de leurs faits et gestes ou encore de la profession de foi de leur loyauté et patriotisme. Nombreux parmi ces propagateurs zélés des thèses anti peulhes sont des militants actifs de causes inavouables,  anti nationales et ils sont mus par des intérêts égoïstes et des instincts et pulsions sanguinaires et génocidaires de haine et de vengeance gratuite envers les peulhs. Pour tout ce monde singulier, l’avènement de Kouffa a été comme du pain béni, une occasion inespérée pour « régler définitivement leur compte aux peulhs ». Et Dieu sait qu’ils n’ont pas laissé passer « l’occasion ».  Alors là, tous se sont lâchés sans retenue !  Comme des bêtes féroces et affamées sur une  proie offerte et sans défense. Tous foncèrent : à qui mieux mieux, qui par des accusations infondées et méchantes, qui par des insinuations toutes aussi malsaines ; d’autres, nombreux dans les réseaux sociaux, par des appels  directs aux meurtres, à des exterminations et à l’expulsion violente des peulhs de leurs zones de vie, de leurs terroirs !  Cette inédite et  violente campagne de haine dans les médias, campagne sans retenue et sans réelle opposition, ni de la part de l’Etat, garant de la protection et de la sécurité de tous, ni de la part des  personnes détentrices d’autorités morales, intellectuelles, politiques ou sécuritaires du pays ; ce coupable silence a enhardi les plus radicaux qui ont  dû interpréter ce silence comme un permis pour préparer et perpétrer  la suite. La suite vue par eux non pas seulement  comme l’écrasement des djihadistes, mais l’extermination pure et simple de tous les peulhs ! Cette nauséabonde campagne accompagnant et justifiant les actions de guerre contre de civils innocents, tâches assumées ou confiées aux milices ethniques dogons et bambara, « secrètement ? » encadrées et appuyées  par  certains cercles  des forces armées et de sécurité du pays avec probablement la non objection des partenaires internationaux du Mali en matière de  sécurité. Alors, l’orgie des violences se déchaina  contre les peulhs des zones en question. Les organes d’information de l’Etat  et la presse proche des affidés du régime, se lançant dans la désinformation, la manipulation,  les demi vérités ou les silences complices et coupables.  Que d’efforts déployés pour nier, minimiser ou décrédibiliser les dénonciations faites par les victimes directes, les responsables de Tabital Pulaaku et les différentes organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme.  Mais quand les tueries de masse dont se rendaient coupables les milices « dozos », notamment la milice Dan Na Ambassagou dans la zone exondée de la région de Mopti, sont devenues si récurrentes, si évidentes, si cruelles et si massives, et la complicité « passive ? » du pouvoir  indubitablement mise à jour, l’Etat ne pouvait plus continuer à fermer impunément les yeux. Alors, des opérations  de communication ont été montées pour « gérer » la situation, travestir  les faits et arrondir les angles de leur présentation. A travers des reportages bidonnés et des interventions orientées, les services techniques et leurs représentants ont tenté en vain de minimiser  ou de cacher les crimes commis contre le peuple du Mali, contre les dogons et contre les peulhs. Les crimes sont présentés comme consécutifs à de « regrettables conflits intercommunautaires »  où les parties sont toutes actrices et victimes. Une manière que l’on a crue habile pour  banaliser les faits, soustraire les véritables criminels de la justice et détourner l’attention des observateurs  des agissements délictueux de l’Etat.  Les nationaux qui ont osé dénoncer les crimes odieux sont  diabolisés et accusés de « communautarisme » et de vouloir « ethniciser » le conflit. Mais, c’était sans compter avec la réalité implacable des horribles crimes commis et documentés qui ont parlé  pour eux-mêmes.

Après l’échec de cette campagne de diabolisation de « ceux qui veulent ethniciser le conflit », les propagandistes de Dan Na Ambassagou et ses inspirateurs au niveau de l’Etat continuent de nier l’effectivité du crime de « nettoyage ethnique » par eux opéré contre les peulhs de la zone en question.  C’est pourquoi les termes nettoyage ethnique  les font bondir et sortir de leurs gonds.  Alors, ils  perdent la sérénité et pensent pouvoir nier l’évidence en lançant  des imprécations dans de véritables compagnes médiatiques d’accusations fallacieuses et de culpabilisation des peulhs et de tous ceux qui osent poser des questions sur les drames survenus. Pour cela, ils missionnent des « intellectuels et des journalistes » qui leur sont favorables pour que dans les médias, ceux-ci fassent tout pour contester, falsifier et cacher la véritable  nature et la dimension des crimes perpétrés sur le terrain par les milices.

Ainsi, dans un article de  M Isaïe Dougnon, doctorant malien à Nantes, en date du  6 avril 2019 et intitulé ‘Adam Ba Konaré et Ogossagou-peul : la face cachée d’une « historienne engagée »’, il est écrit, noir sur blanc : « Nettoyage ethnique ! Voici une opinion de propagande proprement servie à la « communauté peule » et à la communauté internationale ». Comment est-ce que l’on peut se permettre de faire des affirmations si déplacées, immédiatement après les tueries abominables d’Ogossagou, à la suite des massacres de Koulogon et d’innombrables meurtres dans les zones de  pâturages sur des bergers peulhs isolés ? Comment ignorer les hameaux peulhs dévastés et brûlés et dont les habitants ont été en grande partie exterminés ? Et cela après des messages vocaux haineux  sur ‘WhatsApp’ appelant à l’expulsion violente des peulhs ? Comment est-ce qu’une personne normale, intellectuelle de surcroit, sachant très bien tout cela, peut-elle se permettre de nier les faits de  « nettoyage ethnique » survenu et prétendre que  ces faits indéniables relèvent d’une « opinion de propagande proprement servie à la « communauté peule » et à la communauté internationale » ? Cette personne de  mauvaise foi fait là preuve d’une volonté délibérée d’accuser les peulhs de victimisation ; en fait elle se met en mission  pour  semer le doute et brouiller les pistes d’une éventuelle enquête.  Cette attitude et cette approche négationnistes ne sont pas si isolées qu’elles devraient l’être. Elles sont largement propagées  dans les réseaux sociaux et les journaux par les activistes proches de Dan Na Ambassagou et d’autres milieux haineux. Les sentiments  ainsi exprimés n’honorent pas leurs auteurs et tous ceux qui les partagent. Ils montrent surtout que ces personnes sont incapables, en tant qu’êtres humains de  comprendre et de compatir à la douleur de leurs frères du même terroir qu’eux et de respecter leur désarroi que certainement, elles considèrent comme feint.

Mais malgré ces dénis et les tentatives désespérées des militants animateurs de Dan Na Ambassagou et de certains agents de l’Etat  pour cacher les crimes et étouffer la vérité, ils ne parviendront pas à le faire. Aujourd’hui, la communauté nationale et internationale dans leur ensemble, notamment la communauté peulhe originaire de la région, savent, sans conteste possible, qu’un nettoyage ethnique a été perpétré par les miliciens de Dan Na Ambassagou sous le regard impassible pour ne pas dire complice du régime IBK-SBM.  Et pour les peulhs et tous les patriotes maliens ces actes d’expulsion violente d’une communauté ciblée ne sont pas«  une opinion de propagande proprement servie à la « communauté peule » et à la communauté internationale ». Loin de là !  Ces actes  ont été et sont encore  plutôt une triste réalité, une souffrance immense  vécue et ressentie dans leur chair à chaque instant. Ces actes ont  été une honte immense pour le peuple du Mali dans toutes ses composantes. La réalité du nettoyage ethnique  est indéniable ! Les faits parlent d’eux-mêmes : les hameaux et villages peulhs méthodiquement brulés, détruits et vidés de leurs habitants sont toujours sur place, les tueries volontairement cruelles et barbares pour humilier et terroriser sont documentées et disponibles, les embargos contre les peulhs sur les marchés et dans les moyens publics et privés  de transport, les checkpoints qui ciblent une catégorie de la population, les peulhs continuent jusqu’ici et sont de notoriété publique et indéniables. Tout cela ne visait objectivement que le seul but d’épuration ethnique de la zone. On n’a pas besoin d’être un as en prospective pour comprendre cela !

Aujourd’hui, pratiquement tous les villages et hameaux peulhs des deux Séno (Seno Gondo et Seno Bankass) et du Hairé  ont été détruits et vidés de leurs habitants, pour ceux qui ont eu la chance de rester en vie. Les grandes villes comme Bandiagara, Koro et Bankass ont été vidées presque totalement de leurs habitants autochtones peulhs et assimilés et/ou alliés suite à des assassinats barbares et à des menaces d’assassinat. Tout le monde a pu voir les véhicules pris d’assauts par des populations désemparées et des charrettes transportant des familles entières avec ce qui leur restait de bagages. Les pâturages de la zone sont quasiment vides parce que les bergers ont été souvent tués et enterrés en catimini en brousse et  leurs animaux emportés par  les miliciens  se réclamant de Dan Na Ambassagou. Quelle est la famille peule originaire de la zone exondée de la région de Mopti et vivant à Bamako qui n’a pas reçu des parents fuyants pour sauver leur vie ? Il n’y en a pratiquement pas ! Il faut noter aussi qu’il y a de nombreuses familles dogons originaires de ces mêmes zones qui ont accueilli leurs parents  et amis peulhs pour les sauver des massacres. Comme quoi, dans les pires des ténèbres, il peut y avoir des lueurs d’espoir qui permettront  éventuellement aux uns et aux autres de se regarder demain dans les yeux. Il ne faut pas irrémédiablement désespérer de l’homme grand H.

Jusqu’à présent dans la zone exondée de la région de Mopti, dans tous les coins et recoins, les peuls qui sont restés sur place se débattent dans une nasse  sanguinolente tissée par les miliciens de Dan Nan Ambassagou. Dans le milieu rural, ceux des peulhs qui n’ont pas quitté les lieux vivent  en grande partie comme des pestiférés, interdits qu’ils sont d’accéder aux marchés pour s’approvisionner, de voyager dans les transports publics comme privés. Ne parlons pas des autres services sociaux de base comme la santé, l’éducation ou  simplement la sécurité de leurs personnes ou de leurs biens. A leurs frères dogons, il a été interdit de parler la langue peulhe et  même de les saluer ou de leur présenter des condoléances, de les défendre ou de leur apporter ouvertement de l’aide. Bref aujourd’hui, ces quelques peulhs sont otages sur leurs propres terres, otages de certains de leurs propres frères dogons conditionnés, trompés et jetés sur cette honteuse voie de crimes par les miliciens, leurs inspirateurs et soutiens tapis au sein de l’appareil de l’Etat. Parce que, pour les potentiels génocidaires, les peulhs sont tous des terroristes, même les vieilles femmes, même les vieux  âgés de 98 ans, même les enfants de 07 mois, même les bébés qui se trouvent dans le ventre de leurs mères. C’est pourquoi ils ont été tous sauvagement tués et brulés un petit matin à Ogossagou. Ils sont terroristes pour les inspirateurs et animateurs de Dan na Ambassagou, parce qu’ils sont peulhs et eux miliciens se sont juré de les faire partir ou de les exterminer. Avec cette situation comment ne pas parler de nettoyage ou d’épuration ethnique et comment ne pas appréhender le génocide? Dites honnêtement, quand  après avoir vidé les localités habités, vous  faites occuper par la force des armes les brousses et pâturages en interdisant de faire paitre les animaux et en obligeant les peulhs bergers à regarder leurs bêtes mourir de faim avec eux, vous les invitez à déguerpir des lieux ou vous les invitez à un banquet de la fraternité ? La réponse à cette question est évidente. Voilà les faits  indiscutables de la grave situation qui  a  prévalu et qui continue encore  aujourd’hui dans la zone et qui  ne peut avoir autre dénomination que nettoyage ethnique !

Les nombreux articles de presse commandités et orientés, les montages médiatiques et les ridicules conférences, complaisamment montrés à la télévision nationale «contre l’ethnicisation du conflit au centre » n’y feront rien. Ils ne seront jamais crédibles, parce que leurs auteurs et commanditaires, bien « intéressés » refusent d’ouvrir les yeux sur la réalité et n’ont pas l’honnêteté ni le courage et encore moins le patriotisme de reconnaitre et de condamner les crimes et les injustices d’où qu’ils viennent.

Messieurs les négationnistes  peuvent aller demander  aux réfugiés dans les camps à Bamako et ailleurs, de leur dire la nature de ce qui s’est déroulé dans leurs régions d’origine et qui les a amenés à se retrouver dans des camps précaires. Ils peuvent poser les mêmes questions aux milliers d’hommes, de femmes et  d’enfants peulhs, qui, il y a si peu de temps étaient hagards, humiliés, perdus, errants, tenaillés par la faim, mendiants et quelque fois obligées de se prostituer pour rester en vie dans les rues de Sévaré, Mopti et sur les grands axes routiers en direction de Ségou, Sikasso et Bamako. Qu’ils demandent aux populations qui ont fui par familles entières, pour venir s’installer dans les camps ou  villages proches de Sévaré, Fatoma, Konna et autres, pourquoi, elles sont là ? Qui ne se souvient de l’ultimatum donné aux familles et fonctionnaires peulhs pour quitter la ville  de Bandiagara ? Les démentis postérieurs n’ont pas rassuré les populations. Et pour cause ! Certains de ceux qui ont tenté de revenir ont été soit tués, soit inquiétés et ont repris le chemin de l’exil.  Pour toutes ces personnes, pour tous les cadres peulhs originaires de ces cercles et pour tous les patriotes maliens, le nettoyage ethnique ainsi effectivement  opéré,  est loin d’être  un concept abstrait de propagande servi contre les dogons et le Mali. Toutes les personnes de bonne foi connaissant bien la situation, qu’elles soient dogons, peulhs, dafings, bambaras ou autres peuvent le témoigner. Pourquoi, alors, avoir peur ou honte de dire la vérité ? Oui, il y a bel et bien eu un nettoyage ethnique contre la communauté peulhe en zone exondée de la région de Mopti et on aurait pu s’acheminer vers un génocide si rien n’avait été fait.

Voilà  l’horrible réalité  que notre pays,  notre région ont vécu et vivent encore ! Essayer de le nier ou de le passer sous silence et accuser les intellectuels peulhs ou Tabital Pulaaku d’attiser la haine est  non seulement une forfaiture, mais aussi  une fuite de responsabilités, si ce n’est une complicité active et consciente dans la commission des crimes de masse.

Ceci dit, il faut savoir qu’objectivement, dénoncer les crimes et les criminels et appeler à la résistance du peuple n’est en rien  un acte anti national ni inamical, déloyal ou un manque de respect envers quelque ethnie que ce soit.  C’est même le contraire. Avant la crise sécuritaire et la création ex nihilo  de la milice Dan Nan Ambassagou et le démarrage de ses campagnes de massacre de masse, les peulhs et les dogons géraient tant bien que mal les contradictions inhérentes au fait de vivre ensemble sur un même territoire et d’avoir des occupations traditionnelles différentes, mais complémentaires. Et, cela, depuis des siècles. Jamais,  dans l’histoire de leur cohabitation et de leurs relations, ils n’étaient arrivés à cette extrémité. C’est pourquoi, il faut comprendre que ce qui est arrivé et est en cours n’est pas  du tout un conflit interethnique  endogène opposant dogons et peulhs. Contrairement à ce que veulent faire croire  les partenaires engagés dans cette entreprise perfide, le régime en place et Dan nan Ambassagou, tout en ayant chacun son agenda particulier, qu’il pense garder secret. Pour le gouvernement, l’objectif visé est d’enrayer par tous les moyens la progression des djihadistes en contournant et ignorant la communauté peulhe, à tort décrétée à priori pro djihadiste à 100%, et cela peu importent les moyens et le prix à payer, même s’il faut l’anéantir  complètement. Et pour Dan nan Ambassagou, opportunément  mis en place par le régime  et composé au départ d’un noyau de radicaux viscéralement anti peulhs (les partisans de Théodore Somboro !), l’objectif stratégique, qui n’est  certainement pas celui de tous les dogons, est de réaliser son vœu le plus cher : profiter de l’aubaine pour expulser les peulhs et rendre la zone ethniquement homogène. En vérité ce sont là, consciemment ou inconsciemment, les termes du deal conclu entre le régime IBK-SBM et la milice Dan Nan Ambassagou. Donc fondamentalement, il ne s’agit nullement d’un conflit entre Dogons et Peulhs. Voilà le sous-bassement des assassinats, pogromes et nettoyage ethnique perpétrés au centre du Mali. Personne ne doit être dupe ! Surtout pas les intellectuels et les sages personnalités, notamment dogons et peulhs!  D’ailleurs nombreux sont  parmi eux, ceux qui ne se sont pas laissés abuser et qui seront certainement appelés, quand les conditions se prêteront à cela,  à ramener leurs parents des deux côtés vers la voie de leur salut. Qu’ils le veuillent ou non les peulhs et les dogons de la zone sont condamnés à rester et à vivre ensemble. Les vicissitudes de l’histoire et surtout de la politique erronée et à courte vue des dirigeants  les font aujourd’hui  cruellement souffrir, mais ne parviendront pas à les séparer définitivement. Leurs cultures respectives et leurs métis culturels et de sang, qui sont plus que perdus et ne savent pas présentement à quoi se vouer, sont là pour le témoigner.

Les observateurs de le la scène politico-sécuritaire du pays et les habitués de la presse malienne peuvent être surpris par cette publication, justement maintenant, après toutes les démarches entreprises depuis la visite du Premier Ministre Dr Boubou Cissé, au mois de juin 2019, en vue de résoudre la  crise sécuritaire dans la région. L’explication réside dans le fait qu’en vérité,  les parties n’ont pas jusqu’ici la même compréhension des causes de la crise et des voies et moyens pour la résoudre. Et l’Etat a montré qu’il est incapable ou qu’il n’a pas l’intention de s’assumer pleinement. Sachant cela,  les militants extrémistes de  Da Na Ambassagou  n’ont pas explicitement et définitivement  renoncé à leur objectif stratégique, l’expulsion des peulhs  de la zone. C’est ce qui, en effet, ressort de leurs assises-congrès tenues à Ningari en octobre dernier. La communauté peulhe de la zone attendait de Youssouf Toloba et de ses partisans, à cette occasion, qu’ils dissocient publiquement les notions ‘de peulh et djihadiste’, qu’ils reconnaissent que tous les peulhs ne sont pas automatiquement djihadistes ou terroristes et qu’ils prennent l’engagement et des dispositions  appropriées  pour protéger « leurs » peulhs et leurs biens et qu’ils les invitent ensemble à combattre le terrorisme ou à trouver ensemble avec eux et l’Etat les modalités d’apaisement de la situation. Mais au lieu de cela, qu’est-ce qui a été servi aux maliens ? Le communiqué distribué pour la presse réitère l’allégeance de Dan Na Ambassagou au Mali et à l’armée malienne. Ce qui  n’est ni nouveau, ni surprenant,  mais qui est tout de même une bonne chose, mais cela était compatible avec la demande de la communauté peulhe de vivre en paix sur ses terres, s’il y avait une réelle volonté de faire la paix. Demande superbement ignorée, parce qu’en « off », il a été convenu de prendre des dispositions pour « terminer le travail ». Même si les partisans de la paix étaient censés être  majoritaires parmi les congressistes, ce sont les extrémistes armés qui ont imposé leurs points de vue. Donc, force est de constater que la dynamique de la paix n’est pas solidement enclenchée.

C’est pourquoi, il est impératif et urgent, dans ces conditions, d’informer la communauté nationale et internationale sur la situation réelle qui prévaut sur le terrain et sur  les intentions et buts des promoteurs et animateurs de la milice Dan Na Ambassagou. L’Etat et les forces armées se sont  déjà suffisamment compromis dans cette région, pour récidiver les mêmes erreurs.  Mais sur le terrain tout semble indiquer que les leçons n’ont pas été tirées à bon escient. Les forces armées et de sécurité, au lieu de  « fermer  les yeux » sur les agissements de Dan Na Ambassagou et de « lui confier » à nouveau des missions pour tenir des check points ou de  faire des patrouilles, elles devraient  faire très attention et prendre leurs responsabilités en mains et ne pas déléguer leurs missions régaliennes. C’est cette situation ambiguë,  volatile et dangereuse qui nous amène à rappeler à l’Etat et aux maliens ce qui  nous est arrivé.  Cela afin de prendre des dispositions pour que les terribles drames que nous avons connus ne se reproduisent pas et que les exactions et tueries, qui continuent à ce jour, cessent.

Le peuple du Mali, notamment les frères dogons et peulhs ont le droit d’être amplement édifiés de tous les crimes commis par tous les acteurs, et dans les détails, de connaître la réalité de la situation  qui tranche d’avec les images  et reportages édulcorés et manipulés d’une certaine presse privée et des médias d’état, ainsi que des réseaux sociaux .  Si tous les maliens de bonne foi se donnent la main, le peuple  du Mali (dogons et peulhs y compris) sauront la vérité ; ils connaitront la nature et l’ampleur des crimes abominables que l’on a commis ou laisser commettre inutilement sur des  segments entiers  de leur population au nom de lutte contre le terrorisme. Alors, il sera plus facile aux dogons et aux peulhs de pouvoir puiser dans leurs tréfonds les ressources physiques, psychiques et morales nécessaires pour se retrouver et transcender leurs différends et comme une famille, laver le linge sale et se remettre au seul travail qui vaille présentement  pour eux, celui de renouer les liens, aujourd’hui distendus, de leur vivre ensemble pour leur survie et pour le développement et de l’épanouissement de leur contrée dans un Mali en paix.

Est-il vraiment besoin de souligner que cet article ne vise pas incriminer ou à  salir nos  parents, frères et amis  d’enfance et de toujours, dogons de toutes les zones ? Se peut-il que les confrères de Ginna Dogon ne nous comprennent pas ? Tous, nous devrons comprendre que  cet article est pour nous, dogons, peulhs et tous les maliens, qui sont exténués et meurtris de souffrir injustement et inutilement pour des causes qui nous sont étrangères. Dans la zone, nous sommes tous des victimes innocentes et  souvent inconscientes de la perfidie de dirigeants et responsables à qui nous avons confié momentanément la destinée de notre pays et qui ont préféré trahir notre confiance en  nous sacrifiant  en réalité à cause de la cupidité et de l’ambition pour le pouvoir. Nous ne pouvons et nous ne devons plus nous taire. Nous devons agir autrement et reprendre notre destin en main.

A quand ce jour ce jour où le peuple du Mali, dans toutes ses composantes, bien informé et désabusé, demandera des comptes aux criminels de tous bords et  à tous les niveaux, pour l’avoir  trahi, humilié et fait souffrir? Ils ne perdent rien à attendre ! Ce jour viendra !

Dr Bouréima Gnalibouly DICKO, 

Pr d’Université en retraite      

Bamako, décembre  2019

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2 COMMENTAIRES

  1. Dr Bouréima Gnalibouly DICKO, Pr d’Université en retraite, IL N’ Y A PAS D’ ETHNIE AU MALI DONT LE SANG N’ A PAS ÉTÉ VERSÉ PENDANT CETTE CRISE DE MAUVAISE GOUVERNANCE SYTÉMIQUE.

    LA MAUVAISE GOUVERNANCE SYSTÉMIQUE EST LA CAUSE DE CE QUI NOUS ARRIVE TOUS:

    MR DICKO, TOI ET MOI, NOUS NOUS CONNAISSONS TRES BIEN, VOIRE AU NIVEAU PARENTAL…

    MAIS ICI, NOUS PARLONS DU MALI….

    JE PENSE QUE LORSQUE LA MAISON MALI BRULE, NOUS DEVONS ÉTEINDRE LE FEU AVANT TOUT, EN PREMIER LIEU, ET APRES DISCUTER SINON DISPUTER SUR LES FAUTES DE TOUT UN CHACUN.

    MOI JE SUIS BAW, UN PEU AU NORD DE BLA, COMBIEN DE BAW SONT DISPARUS ASSASSINÉS PAR DES PHEULS DE PASSAGE ENTRE NOS HAMEAUX.
    NOUS, NOUS SOMMES LIÉS Á LA TERRE, Á NOS TERRES, ET NOS DÉPLACEMENTS SONT TRES LIMITÉS, DONC LES NOUVELLES SUR NOTRE VIE AUSSI RESTENT SUR PLACE.

    NOUS LES BAWs , SOMMES RESTÉS EN DEHORS DE L’ INGÉNIERIE SOCIALE DE TOUT BORD…
    PAR LÁ, JE PENSE QUE TU VAS COMPRENDRE DE QUOI IL EST QUESTION: SUJET ANTHROPOLOGIQUE, Pr d’Université en retraite…

    Dr Bouréima Gnalibouly DICKO, Pr d’Université en retraite, MEME LES GUERRES MONDIALES ONT ATTENDU LEURS FINS POURQUE JUSTICE SOIT FAITE….

    DANS L’ OPTIQUE DE CE QUE JE VIENS DE TE DIRE, NE VOIS-TU PAS QUE TU SOUFFLSE SUR LA BRAISE….QUI VA…NOUS BRULER ..TOUS…SANS DISTINCTION ENTRE BAW, SENOUFO, PHEUL, DOGON, BAMBARA,…..????????

    LA NAIVETÉ EST-ELLE Á LA BASE DE CETTE SORTIE RATÉE, AU MOINS POUR UN PROF D’ UNIVERSITÉ, CAR TU TE PRÉSENTES PATRIOTE…..???

    LE MAL PRIMAIRE DU MALI EST D’ AVOIR LAISSÉ TOUT CE BEAU MONDE DE FAINÉNTS INGÉNIEURS-SOCIAL FAUX DIPLOMÉS DES PIRES DES INGÉNIERIES SOCIALES FRANCAISE ET ARABE .

    MIS Á PART LE PAYSAN MALIEN, PERSONNE NE PRODUIT DE VALEUR MATÉRIELLE.

    DONC , IL EN RESULTE UN CANNIBALISME SOCIO-ÉCONOMIQUE OÚ MENSONGE, VOL, TRAITRISE RIMMENT AVEC UNE HARMONIE INFERNALE QUI NE PEUT QUE CONDUIRE LE PAYS Á SA PERTE.

    Dr Bouréima Gnalibouly DICKO, Pr d’Université en retraite, Á MON AVIS TU DOIS FAIRE UN PEU D’ INTROSPECTION…

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