NELSON MANDELA : Brèves Promesses d’un Monde Meilleur

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nelson-mandela« …j’avais perdu la face devant mes amis. Ce n’était qu’un âne qui m’avait fait tomber mais j’ai appris qu’humilier quelqu’un, c’est le faire souffrir inutilement. Même quand j’étais enfant, j’ai appris à vaincre mes adversaires sans les déshonorer ».

 

 

(Nelson Mandela, un long chemin vers la liberté, Medium, P16).

Ce héros devenu le symbole de tous les opprimés, sa mort est la promesse de changements profonds et positifs de sociétés. Il y a Nelson et Mandela, pour parler d’un combattant suspendu entre le passé et l’avenir.

D’une façon générale, cet homme est un guerrier de la paix.

 

 

Parce que Nelson s’oublie pour les Tribus, les races, l’Etat, la Nation, le continent et les dieux, parce qu’il est tout entier mobilisé par la passion de l’universel, sa personnalité est antique, pleine et grande. Sa grandeur réside dans la mesure. Mesurer est ici respecter l’autonomie de chaque être, y saluer une essence. La mesure de la grandeur humaine est dans les sentiments et dans les actes : acquérir la simplicité élémentaire du chameau ou de la fleur, est l’idéal antique que symbolise Nelson.

 

 

Parce que l’homme politique Mandela n’est pas, comme le Nelson antique, grand, mais démesuré et sublime avec son amour mystérieux de l’ennemi. Mais ce qu’il perd ici en grandeur, il le gagne en réalisme, et réalité entre les réalités, la personne acquiert une autre dimension quand elle se reconnaît liée à sa finitude. Qu’en aucun cas, la grandeur ne saurait être l’objet ou la prime de la vie humaine, qu’inaccessible à qui la cherche, ignorée de qui l’atteint, elle n’a de sens et de valeur que pour les autres.

 

 

Des ennemis ? Peut-être. Des égarés, certainement.

Après sa libération, il rencontra Mangosotu Buthelezi, leader de l’Inquata, qui ne voulait rien lui concéder pour des raisons tribales liées essentiellement à la domination historique des Zoulous(Chaka a régné 50 ans)  et à leur supériorité numérique. Silhouette à la Joe Frazier, une grosse chaîne en or jetée autour du cou et des épaules, une main posée sur la hanche, l’autre tenant une canne, Buthelezi se mit à parler avec morgue, d’une voix hautaine et gutturale ; Mandela regardait son visage marqué de deux traits de barbe noire qui couraient du menton aux lèvres. Ce qu’il disait devait être très insultant et méprisant, car son ministre et interprète parut gêné et l’éventail qu’il tenait s’agitait spasmodiquement.

 

 

–      Qu’est ce qu’il dit ? demanda Mandela en souriant.

–      Il vous recommande aux chiens.

Mandela éclata de rire.

–      C’est gentil. Je suis sûr que, venant de sa part, c’est une recommandation qui me servira un jour. Dites lui que chaque fois que je verrai un chien, je dirai que je viens de la part de Buthelezi, le doyen de leur tribu.

 

 

–      Monsieur Mandela, dit l’interprète, en s’éventant d’un air peiné, nous disons chez nous que les mots partent vite et reviennent lentement.

Mandela jeta aux deux compères un regard amical. Il répéta mot pour mot en anglais à Buthelezi ce qu’il venait de dire à son ministre. Buthelezi, qui avait soudain oublié sa morgue s’avança et serra la main de Mandela (un geste qu’il avait oublié dans l’estimation des têtes et des bêtes qu’il avait abattues) et claironna une sorte de déclaration solennelle de fraternité, le visage souriant.

 

 

–      N’en parlons plus. Je sais depuis longtemps ce qu’est l’honneur pour ce grand peuple, reprit Mandela.

C’était la première fois qu’il le voyait en tête à tête. Il n’avait pas du tout la stature héroïque qu’il lui avait prêtée et son visage n’avait rien de cette noblesse extraordinaire dont se pare d’ordinaire les chefs Zoulous. Elu premier Président Noir,  Mandela en fit son ministre de l’intérieur.

Lorsque Mandela rendit visite à l’épouse du sinistre Peter Botha, dans sa propriété de campagne, c’était pour lui une tache plus que jamais urgente et difficile, mais nécessaire, et chez ceux qui se laissaient aller au pessimisme et à la rancune, la ténacité et la générosité de Mandela éveilla un enthousiasme nouveau et étonnant.

Elle était complètement indifférente (pour ne pas dire plus) à tout ce que Mandela lui disait. Elle semblait pressée de les voir déguerpir afin d’aller recompter ses milliers de bijoux, histoire de s’assurer que ses étranges visiteurs n’en avaient pas chipés.

 

 

–      Voyez vous, confia Mandela plus tard à sa suite, je suis paraît-il un agent du Deuxième Bureau, qui cherche à brouiller les cartes et à dissimuler la révolte qui gronde chez les Noirs mécontents ; pour certains je suis un agent communiste, et pour d’autres encore je suis payé par Kaddafi, par Hassan II, et tutti quanti. Un illuminé, un excité, un humaniste bêlant, que sais-je encore. Il haussa les épaules. Et pourtant, c’est tellement simple. Heureusement, il ya tout de même quelque chose qui existe et qui s’appelle le cœur du peuple. Ce n’est pas une légende, ce n’est pas uniquement un sujet de chansons. Il s’agit pour nous de réconcilier la nation. Nous avons une terre qui reprend dans son sein, plus vite qu’une autre, les branches tombées, les ambitions et les hommes.

En effet, c’est une terre qui est par excellence comme chez nous au Mali un lieu de brassage et de passage, et où chacun de nous recevra sa leçon d’insignifiance.

 

 

I : L’enfance de Mandela

 

Nelson MANDELA est né le 18 juillet 1918 à MVESO, un petit village au bord de la rivière MBASHE, dans le District d’UMTATA, la capitale du TRANSKEI, « loin du monde et des événements, où la vie n’avait pas changé depuis des centaines d’années ». Le Transkei, qui était la plus grande division territoriale à l’intérieur de l’Afrique du Sud, est situé à 900 km au sud de Johannesburg, avec une population d’environ 3 millions et demi de Xhosas et une petite minorité de Basothos et de Blancs.

 

 

Nelson Mandela appartient à la partie du peuple THEMBU de la nation Xhosa. Les Xhosas sont un peuple fier et patrilinéaire « avec une langue expressive et mélodieuse et un attachement solide aux lois, à l’éducation et à la politique ». Chaque Xhosa appartient à un clan qui indique son ascendance jusqu’à un ancêtre spécifique. Nelson Mandela est membre du clan MADIBA, qui régnait dans le Transkei au XVIIIème  siècle. On l’appelle souvent MADIBA, du nom de son clan, ce qui est un signe de respect.

 

 

«En plus de la vie, d’une forte constitution, et d’un lien immuable à la famille royale des THEMBUS, la seule chose que m’a donnée mon père à la naissance a été un nom, ROLIHLAHLA ». En XHOSA, ROLIHLAHLA signifie littéralement « tirer la branche d’un arbre », mais dans la langue courante, sa signification plus précise est «celui qui crée des problèmes ».

 

 

De grandes images appartenant à l’enfance hantent l’imagination du célèbre prisonnier. « Je ne crois pas que les noms déterminent la destinée ni que mon père ait deviné mon avenir d’une façon ou d’une autre, mais plus tard, des amis et des parents attribueront en plaisantant à mon nom de naissance les nombreuses tempêtes que j’ai déclenchées et endurées. On ne m’a donné mon prénom anglais et connu (Nelson) qu’au premier jour d’école ».

 

 

Son père avait quatre épouses, dont la troisième était sa mère, NOSEKI FANNY. Chacune des épouses avait son Kraal, petite ferme comprenant en général un enclos pour les animaux, des champs pour la moisson et une ou plusieurs huttes couvertes de chaume.

 

 

Ils ont engendré 13 enfants, 4 garçons et 9 filles. Nelson Mandela est l’ainé de la Maison de la Main Droite et le plus jeune des quatre fils de son père. Il a trois sœurs, BALIWE, NOTANCU et MAKHUTSWANA. Depuis le Mercredi 4 Novembre 2013, avec le retour de Nelson à l’origine, tous ses fils sont maintenant décédés.

 

 

Le père était un homme grand, à la peau très sombre, avec un port droit et imposant dont son fils a hérité. Il était sévère et n’hésitait pas à châtier ses enfants. Il pouvait se montrer d’un entêtement excessif, un autre trait de caractère qui est passé du père au fils.

 

 

Le père de Nelson Mandela était fier et révolté, avec un sens obstiné de la justice, qui s’est retrouvé en lui. Un jour, un des sujets de son père porta plainte contre lui, suite à une querelle parce qu’un bœuf s’était échappé. En conséquence, le magistrat (un blanc, forcément) envoya un message pour donner l’ordre au père de se présenter devant lui. Quand il reçut la convocation, il envoya la réponse suivante : « Andizi, ndisaqula ». (Je n’irai pas, je suis prêt à me battre). A cette époque là aussi, on ne défiait pas les magistrats. Une telle conduite était considérée comme le sommet de l’insolence, et selon Nelson, « dans son cas, ça l’était ».

 

 

Quand le magistrat reçut la réponse de son père, il l’accusa immédiatement d’insubordination. Il n’y a eu aucune enquête sur les faits générateurs ; elles étaient réservées aux fonctionnaires blancs. Le magistrat déposa purement et simplement le père de Nelson, mettant fin ainsi aux responsabilités de chef de la famille MANDELA.  Son père perdit à la fois sa fortune et son titre. Il fut dépossédé de son troupeau et de ses terres, et du revenu qu’il en tirait. Nelson était à peine né.

 

 

Jadis comme lui, les souverains légitimes étaient tout spécialement chargés de donner le spectacle de la grandeur et il importait peu qu’ils la possédassent ou non. Leur attitude signifiait que quelque chose comme la grandeur existait quelque part. Aujourd’hui à quelques infimes exceptions près, la grandeur est nécessairement invisible, étant celle du souverain caché, du souverain « éternellement présent », caution du souverain manifeste d’autrefois. Elle ne peut être saisie qu’intuitivement, au cœur du monde de l’Esprit où rien n’est véritablement séparé, que la colère ou l’orgueil d’un seul suffit à colorer, et où la pensée la plus « subjective » engage la pensée de tous.

 

 

A cause de leurs difficultés -effondrements subits et misère soudaine-  la mère de Nelson alla s’installer à QUNU, un village un peu plus important, plus au Nord, près d’UMTATA, où elle pouvait bénéficier du soutien de parents et d’amis. Ils ne menaient plus grand train, mais c’est dans ce village de QUNU que Nelson Mandela a passé les plus heureuses années de son enfance et où il sera enterré (QUNU n’est pas son village natal, comme le répète RFI ; il  est né à MVESU, un village au Sud, mais dans le même District).

 

 

« Autant que je m’en souvienne, en fait, je n’ai jamais été seul pendant mon enfance. Les fils et les filles des tantes ou des oncles sont considérés comme des frères et des sœurs et non comme des cousins. Nous n’avons pas de demi-frères ni de demi-sœurs. La sœur de ma mère est ma mère ; le fils de mon oncle est mon frère ; l’enfant de mon frère est mon fils  ou ma fille… » On se croirait à Douentza, à Ansongo, à Diapaga où à Kaolack ; « Dans la hutte où nous dormions, il n’y avait pas de meubles au sens occidental du terme.  Ma mère cuisinait dans une marmite de fer à trois pieds installée sur un feu au centre de la hutte ou à l’extérieur. Le maïs (que nous appelions mealier), le sorgho, les haricots et les citrouilles composaient  l’essentiel de notre nourriture, non pas à cause d’une préférence, mais parce que les gens ne pouvaient pas s’acheter autre chose. Les familles plus riches ajoutaient à cela du sucre, du thé, du café, mais, pour la plus grande partie des gens de Qunu, il s’agissait de produits luxueux au-dessus de leurs moyens. L’eau qu’on utilisait pour la ferme, la cuisine et la lessive, on devait aller la chercher avec des seaux dans les ruisseaux et les sources…Très jeunes, j’ai passé l’essentiel de mon temps dans le veld à jouer et à me battre avec les autres garçons du village. Un garçon qui restait à la maison dans les jupes de sa mère était considéré comme une femmelette. La nuit, je partageais mon repas et ma couverture avec ces mêmes garçons. Je n’avais pas plus de cinq ans quand j’ai commencé à garder les moutons et les veaux dans les prés. J’ai découvert l’attachement presque mystique des Xhosas pour le bétail non seulement comme source de nourriture et de richesse, mais comme bénédiction de Dieu et source de bonheur. C’est dans les prairies que j’ai appris à tirer des oiseaux avec une fronde, à récolter du miel sauvage, des fruits et des racines comestibles, à boire le lait chaud et sucré directement au pis de la vache, à nager dans les ruisseaux clairs et froids et à attraper des poissons avec un fil et un morceau de fil de fer aiguisé. J’ai appris le combat avec un bâton – un savoir essentiel à tout garçon africain de la campagne – et je suis devenu expert dans ses diverses techniques : parer les coups, faire une fausse attaque dans une direction et frapper dans une autre, échapper à un adversaire par un jeu de jambes rapide… ». Mandela pratiqua beaucoup la boxe.

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QUNU et sa vie ressemblent aux villages du vieux BAFA au Mali (Seydou BADIAN, « sous l’orage »), ou de Tindican en Guinée (Camara Laye « L’enfant Noir »). L’Afrique, c’est le même cœur : le cœur n’a pas de surnom. Voici Peter Abrahams (« Je ne suis pas un homme libre ») admirant son pays, l’Afrique : « je fus frappé une fois de plus par cette terre hautaine, réservée comme une femme fière et austère, drapée dans sa dignité, sans être ni humble ni altière. Elle m’apportait une présence ferme, silencieuse et reposante, et commandait le respect rien que par son existence… y a-t-il au monde une terre dont on perçoive la puissance aussi intensément  qu’en Afrique ? Y a-t-il ailleurs rien d’aussi réservé, d’aussi austère et d’aussi tendre à la fois ? Comment en exprimer la beauté ? Comment faire comprendre à d’autres, plus tard, son empreinte sur le cœur et l’âme de ses enfants ? ».

 

 

L’univers de l’enfance ressemble à une chambre simple remplie d’ombres mystérieuses, d’objets et de murmures connus, de terres parsemées de mers, mais, un autre jour, beaucoup plus tard, aux grands espaces, aux larges taches des champs et des plaines, à la présence des gorges et des ruisseaux, aux sifflements du vent, au râle du père  mourant, va succéder le temps de l’attente des jugements. Entre l’apprentissage de la virilité et de la douleur, il y aura de la spontanéité, de l’amour, de la rudesse et l’énergie expressive de la lutte pour l’espérance de toute une nation, non sans ruines, affrontements et deuils sans fin. Un désespoir étouffant court dans ce pays, les plus denses et les plus enflammées des violences, par le dogmatisme et l’aveuglement des racistes en proie à la haine de classe et au rejet de l’autochtone. Une issue pourtant se dessine, malgré les massacres, les dilemmes qui enserrent les colored people dans un étau impitoyable. Conserver jusqu’au bout l’amour d’autrui, le sens de la fraternité et souffrir ou mourir pour ce combat là. Voie difficile qui mène à la mort et au martyre mais qui fut celle des personnages héroïques dont fait partie au suprême degré Nelson Rolihlahla Mandela, qui ont balayé les barrières qui séparaient du salut les indigènes étrangers en leur terroir, reprouvés, et exilés intérieurs.

 

 

Système sans dieu, sans âme, l’apartheid maintient artificiellement l’autorité de ses instances à dessein de s’approprier perpétuellement l’utilisation féroce des immenses ressources du pays. Mais  en un temps où lui apparut la fragilité de ses mobiles séculaires, il se choisit lui-même pour fin et tenta de sauver et de s’ajouter les qualités des idoles anéanties.

 

 

Une torsion interne, un vide sidéral caractérisent la maladie de cette idéologie tragique pour qui tout est miroir déformant. Le monde perd ses angles, se dissout dans l’épaisseur d’une conscience invertie, condamnée à ne jamais connaître qu’une réalité de dureté, sourde à la perception commune de l’ANC, du parti communiste, du mouvement de  la conscience noire, de la Cosatu, qui l’arracherait à elle-même, la perdant pour la mieux sauver.

Maître Mamadou GAKOU.

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