Aujourd’hui, les Maliens doivent se poser les bonnes questions, faire des diagnostics réels sans complaisance et trouver des solutions adéquates, qui ne les serviront pas seulement aujourd’hui, mais qui seront valables même pour les générations futures.
Pour ce faire, la constitution doit être moderne tout en s’inspirant de nos traditions, de notre essence. Elle doit surtout avoir des outils nécessaires pour impliquer les Maliens, toutes couches confondues, dans la gestion étatique. Et cela par des mécanismes d’équilibre efficaces et bien pensés.
Toutes les modifications que nous proposons ici ont été déjà utilisées ailleurs. Seulement, elles n’ont jamais été implémentées dans une même architecture comme le cas qui sera exposé. Par ce projet nous voulons construire un système de cohabitation institutionnelle dans lequel la clé de voûte ne sera pas l’institution présidence, mais elle sera l’équilibre entre les institutions.
Notre proposition de projet porte sur quatre institutions, notamment la présidence de la République, le gouvernement à travers son chef (Premier ministre-PM), l’Assemblée nationale, et le Haut conseil national (HCN) qui va remplacer le Haut conseil des collectivités qui jouera le rôle d’un Sénat. Le mot sénat est utilisé ici pour pouvoir juste expliquer que le Haut Conseil National ne sera qu’un « Sénat malianisé ».
Le Congrès, dans notre entendement, désigne l’instance ou les deux organes parlementaires siègent ensemble, c’est-à-dire l’Assemblée nationale et le HCN. Dans notre vision constitutionnelle, le président de la République est un « Surveillant ». Le Président du Mali Kura (Nouveau Mali) doit cesser d’être un monarque républicain. Dans le schéma institutionnel proposé le président de la République sera élu au suffrage universel direct, mais ne désignera pas le Premier ministre de la nation.
Ce mode de désignation va lui conférer une grande légitimité, et va le différencier d’un président juste symbolique, un aspect qui ne passera pas dans le cas malien. En effet, le chef au Mali ne peut pas être complètement dépouillé. Il ne peut pas être que symbolique comme au Cap-Vert ou en Israël. Alors le faire choisir par tous les Maliens, l’autorisera ainsi à nommer deux ministres d’Etat : celui de la défense, ce qui lui imposera la responsabilité de défendre les territoires du peuple qui l’a désigné directement. Il va ensuite choisir le ministre des Affaires étrangères.
Ce qui va lui octroyer le droit d’agir également sur la diplomatie et l’image extérieure de la nation. En plus de cela, selon des conditions précises, il va surveiller de l’intérieur le travail du Premier ministre. Il pourra le démettre sous certaines conditions, mais il aura des limites dans cette prérogative à cause d’une contrainte de temps et aussi à cause d’une procédure très rigoureuse.
Il importe aujourd’hui que nous sortions des carcans établis
Le régime semi présidentiel, qui nous gère de nos jours, n’est juste qu’un mélange ou une possibilité du régime parlementaire dans le régime présidentiel type. Une touche qui a été dénichée chez les britanniques par Michel Debré pour des besoins d’équilibre dans l’architecture qui a créé la 5e République française. Nous pouvons alors nous permettre sans aucun complexe la liberté de trouver nos marques en partant d’un existant. Dans le cas que nous proposons, le président valide la nomination du Premier ministre, mais celui-ci est élu par ses pairs députés. Le chef du gouvernement sera donc un élu national. Donc ayant une légitimité sans faille.
Le président ne peut refuser cette validation, comme en Angleterre, et elle est nécessaire pour parachever la nomination du Premier ministre. Cette disposition va conférer un pouvoir de surveillance au Chef de l’Etat sur le Premier ministre, mais n’entachera aucunément la grande liberté de gestion que celui-ci peut avoir, du fait de sa désignation par les représentants du peuple, c’est-à-dire les parlementaires. Dans le schéma proposé nous cherchons un équilibre, qui va octroyer des libertés à l’endroit des organes de gestion de la nation. Mais, des libertés qui seront en même temps surveillées par d’autres organes. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’une liberté s’arrête là où commence une autre ? Alors nous devons créer un cercle d’équilibre entre les organes institutionnels. Comme dans un jeu ou chacun tient chacun, et le tout tient parce que nous nous tenons.
Dans le régime semi présidentiel, c’est l’Assemblée qui détermine l’aspect politique. C’est présidentiel, si le président est fort à l’hémicycle. Et si c’est l’opposition qui y est forte, elle crée une cohabitation. Ce qui fait que le semi-présidentiel est aussi semi-parlementaire. Mais, dans notre cas, nous avons choisi le parlementaire tout en donnant un pouvoir de veille sur la citadelle au président de la République. Toutefois, cette force permise au chef de l’Etat sera contrôlée, limitée par des mécanismes spéciaux efficaces. Des limites qui peuvent aller jusqu’à sa destitution populaire, à travers un referendum, qui va être aussi soumise à une procédure bien rigoureuse. La cohabitation devient le système, elle cesse d’être une option.
Il faut noter que le président de la République, aussi bien dans le régime présidentiel que dans le système semi-présidentiel, peut avoir la possibilité de nommer des ministres d’Etat sans que ces derniers ne soient juridiquement plus forts que le Premier ministre. C’est donc ce mécanisme que nous allons utiliser dans le cas proposé. Ce qui nous amènera à juste institutionnaliser cette possibilité déjà ouverte.
Le concept proposé va permettre d’éviter que le président de la République soit un Dieu sur terre. Surtout que nous savons qu’au Mali le chef, de façon culturelle, peut tout influencer. Alors dans cette proposition nous allons juste demander au président de ne se concentrer que sur trois choses, la défense nationale, la diplomatie du pays et la surveillance sous condition d’un Premier ministre qui sera choisi par les parlementaires.
Un Premier ministre libre, mais bien encadré
Dans le système proposé, le Premier ministre aura beaucoup de liberté de gestion grâce à son mode de désignation. Mais, il va gouverner en faisant énormément attention, à cause d’une épée de Damoclès qui sera suspendue sur sa tête et qui sera matérialisée à travers les prérogatives du président de la République. En effet il formera son gouvernement en toute autonomie tout en inculquant l’idée que le président de la République aura le devoir de l’apprécier après deux ans et demi de gouvernance et que, à sa suite, le Haut conseil national (qui va être une évolution du haut conseil des collectivités) va aussi veiller sur sa gestion et que, enfin, le peuple aura à son tour un droit de contrôle sur lui (Motion de censure) à travers ses députés.
Un Premier ministre désigné par l’Assemblée nationale peut s’avérer être un mécanisme qui pourra éviter au peuple de faire une désignation de cœur comme cela se fait en général. Ce principe pourra apporter une grande amélioration dans le choix des hommes qui seront députés. Et il apportera beaucoup de rigueur dans le processus parce que chacun aura la possibilité de pouvoir mesurer la dimension et la valeur réelle du député qu’il va contribuer à élire.
Par ailleurs, chacun pourra apprécier conséquemment le sommet que son candidat à la députation peut atteindre. Et lorsqu’un citoyen sait que son député local peut être Premier ministre de la nation, il réfléchira longuement avant de le choisir. En outre les Premiers ministres auront une base et une culture politique et se trouveront déjà en contact avec le peuple. Il importe de signaler enfin que, quand les chefs de l’exécutif sont désignés par des politiciens expérimentés, de grands électeurs, tels que les autres députés, il y’a de fortes chances que la nation soit dotée de chefs de gouvernement très aguerris.
Dans le schéma préconisé, le parlement sera bicaméral, donc composé par deux chambres. L’Assemblée nationale sera la première chambre. En plus de ses anciennes missions, elle va aussi désigner en son sein le Premier ministre. La seconde chambre sera le Haut conseil national. Il sera non seulement la 2e chambre, mais aussi un organe de régulation et d’institutionnalisation de l’authenticité malienne.
Dans le cas que nous proposons, l’Assemblée nationale va continuer à jouer tous ses anciens rôles. Mais elle aura en plus l’obligation de prendre des avis auprès du HCN sur presque tout. Et des fois certains avis lui seront contraignants. Ces nouvelles dispositions feront l’objet de précisions pour qu’elles soient parfaitement maîtrisées.
Remplaçant le Haut conseil des collectivités, le HCN sera une sorte de sénat, mais au parfum malien. Il est su que les Maliens sont contre un sénat à l’occidental, ce qui peut se comprendre. Mais, le projet va initier un organe qui sera un réceptacle qui prendra en compte la configuration de notre réalité sociologique. Une réalité qui agit sur nos faits politiques. Et cette réalité sociale doit se sentir dans les mécanismes d’équilibre pour une meilleure gestion du pays. Nous avons besoin d’un Toguna pour réguler, pour surveiller et pour faciliter les actions de gestion de notre nation.
Créer un sénat typiquement malien
Actuellement nous avons des anciens présidents qui savent beaucoup de choses, qui sont entretenus par la nation et qui n’apportent vraiment plus. Pourtant, avec la démocratie nous allons en avoir un bon nombre. Nous devons donc utiliser officiellement leurs expériences dans le processus de stabilisation de la nation sans créer de gêne au dirigeant du jour.
Aussi nos différents régimes ont tous eu des confrontations avec des responsables religieux et coutumiers ces derniers temps à cause très souvent des divergences de vue. Cela est surtout dû aux mutations sociales et au développement technologique du monde actuel. Il faut alors savoir changer ces forces qui peuvent perturber, en puissance pouvant apporter convenablement à la nation. Et la présence des leaders religieux au sein d’un HCN nous permettra de créer une harmonie dans les relations de l’Etat avec ces milieux sociaux. Un choix qui va leur permettre de contribuer à la construction nationale.
Il importe de noter que, dans notre projet, le Haut conseil islamique (HCI) n’aura plus de raison d’être et les visites forcées dans les vestibules des chefs coutumiers cesseront.
Au finish, nous pensons en toute conscience que ce que nous exposons ici reste une proposition qui peut ne pas être partagée, mais il peut aussi être soumis à des améliorations. Nous sommes toutefois persuadés que notre projet peut toujours ouvrir la réflexion vers une évolution. Ce qui parait être nécessaire dans le contexte national aujourd’hui.
Moussa Sey Diallo
Elu communal