Monsieur le Président,
Le Mouvement vert-jaune-rouge a décidé de rompre le silence face à une école malienne qui fait semblant de former des citoyens maliens aptes à prendre en main l’avenir du pays.
L’école malienne est malade. Elle traîne cette maladie depuis plus d’une décennie. D’année en année, la situation de notre école va de mal en pire. Et cela ne peut plus et ne doit plus continuer.
Quand les élèves, sous l’égide de l’AEEM, décident de mettre sous l’éteignoir leurs sempiternelles revendications d’améliorations des conditions d’études, pour se soucier un temps soit peu de leur avenir et devenir, ce sont les enseignants sous la conduite de leurs multiples syndicats qui désertent les salles de classes pour des revendications certes souvent justifiées, mais qui mettent en péril l’avenir du pays.
Nous n’avons pas la prétention de dire que les syndicats n’ont pas le droit de revendiquer pour améliorer les conditions de vie et de travail de leurs adhérents. Mais, nous tenons à rappeler qu’aucune revendication, fut-t-elle légitime, ne doit porter atteinte à l’intérêt supérieur du Mali, à travers une formation au rabais de ses filles et fils, citoyennes et citoyens de demain.
Monsieur le Président,
Pour l’intérêt supérieur de la nation malienne, il est temps que l’Etat du Mali cesse de faire semblant de payer les enseignants, tant leur traitement salarial est à l’antipode du coût de la vie au Mali. Mais, les enseignants doivent aussi arrêter de faire semblant d’enseigner.
Le traitement réservé aux enseignants par l’Etat du Mali, les oblige à faire autre chose pour joindre les deux bouts. Et, avec cette floraison des écoles privées, nombreux sont les enseignants qui sont devenus des champions dans la courses aux heures de cours. Cela, au détriment de leurs enseignements dans les établissements publics.
Face à la décrépitude de l’école malienne, le Mouvement vert-jaune-rouge voudrait attirer votre attention sur le fait que l’école publique doit être le creuset de la formation des citoyens maliens.
A l’instar de la défense nationale, le secteur de l’éducation, dans le contexte actuel de notre pays, ne peut pas être privatisée comme c’est le cas aujourd’hui.
Nous sommes aujourd’hui convaincus que la privatisation sauvage du secteur de l’éducation au Mali, pourrait en partie expliquer la formation au rabais des maliens.
Monsieur le Président,
L’Etat malien doit admettre sa responsabilité dans la destruction de la qualité de l’enseignement, donc de la formation au Mali.
Comment comprendre qu’au moment où il donnait la possibilité à des citoyens maliens d’ouvrir des écoles privées et à des collectivités d’installées des écoles communautaires, l’Etat décide de fermer les Instituts de formation de maîtres.
Toute une génération de citoyens maliens a eu la malchance d’avoir été formée par des enseignants dont certains n’avaient ni la pédagogie, ni le niveau. Au Mali, des recalés de la 6ème année de l’école fondamentale, ont été enseignants dans des écoles communautaires, s’ils n’y sont pas toujours.
A côté des écoles communautaires, symboles de la démission totale de l’Etat, l’on assiste dans les centres urbains à une privatisation sauvage du système éducatif du pays.
Monsieur le Président,
Des milliards de francs CFA qui pouvaient être utilisés par l’Etat pour renforcer les structures publiques de l’éducation des citoyens, se retrouvent chaque année à gonfler les comptes bancaires des promoteurs d’écoles privées, dont certains n’ont rien à envier à des boutiquiers qui tiennent des épiceries.
Au Mali, il y a plusieurs écoles privées qui ne sont des écoles que de nom. Des bâtiments inadaptés, des enseignants très peu motivés, quand ils ont le niveau, avec des promoteurs qui ne se soucient pas du tout du niveau des enfants qui leur sont confiés. Ce sont-là les caractéristiques communes à plusieurs écoles privées du pays.
Et, souvent ce sont ces écoles dépenaillées qui bénéficient du plus grand nombre des élèves orientés par l’Etat.
Pour le bonheur des élèves maliens, il faut rapidement mettre fin aux pratiques mafieuses qui prennent l’éducation en otage.
Monsieur le Président,
Une petite volonté politique pourrait remettre de l’ordre dans l’école malienne qui souffre de plusieurs maux.
D’année en année, les différentes Universités maliennes s’éloignent des règles et des principes qui feraient d’elles des centres d’excellence.
Il y a à peine deux semaines que certains journaux maliens avaient entrepris de dénoncer au niveau de certaines facultés des réseaux de notes attribuées contre de l’argent. Des montants ont même été avancés pour que l’étudiant ait certaines notes.
Que dire des enseignants spécialisés dans la vente des fascicules aux étudiants ? Selon nos informations, certains étudiants qui refusent d’acheter ces fascicules de « Monsieur », se condamnent à ne pas avoir la moyenne dans sa matière.
Monsieur le Président,
Nous pensons que les enseignants à l’Université sont payés par l’Etat pour délivrer des enseignements et nom pour vendre des fascicules.
La corruption s’est aujourd’hui emparée de l’enseignement supérieur au Mali. Des enseignants très peu soucieux de leur responsabilité de formation de cadres maliens dignes de nom, ont décidé de se lancer dans une course dont le trophée au bout de piste est l’argent.
Comme s’ils n’étaient pas payés par l’Etat, certains enseignants ne reculent devant aucune pratique malsaine pour se mettre quelques billets dans la poche ou quelques avantages en nature.
Monsieur le Président,
Que dire des écoles dont nous ignorons totalement les programmes? Le moment n’est-il pas venu pour que l’Etat du Mali s’assume dans le développement des Medersas. Du point de vu de la laïcité de la République, ce sera justice.
Mais, mieux, l’Etat pourra avoir un droit de regard sur le programme qui est enseigné dans ces medersas et sur les enseignants qui y professent.
Au lieu de laisser les medersas dans le giron d’acteurs privés, l’Etat du Mali doit prendre toutes les dispositions pour un financement public de ces établissements, afin d’avoir un regard sur l’origine des financements de ces structures qui participent à la formation intellectuelle d’une catégorie de maliennes et maliens.
Aussi, au regard des résultats catastrophiques, le moment n’est-t-il pas venu pour que l’Etat du Mali se donne les moyens de sortir son école des systèmes d’ajustement structurel. C’est aussi l’occasion de sortir de ces reformes intempestives de l’éducation en fonction des financements disponibles sur le plan international.
Un Etat, dont l’éducation dépend des financements du tout venant, n’aura que les résultats regrettables qu’il nous est donné de constater dans notre pays.
Aujourd’hui au Mali, l’éducation est réformée en fonction des financements des bailleurs. Chaque réforme prend fin avec son financement.
Pour construire un Mali laïque, démocratique et Républicain, où chaque citoyen aura la chance de vivre à la sueur de son front et selon ses convictions religieuses, il faut absolument que l’Etat accepte de donner une politique cohérente d’éducation et de formation de ses filles et fils.
Monsieur le Président,
Convaincu que l’école publique est et restera le creuset de la formation des citoyens, le Mouvement vert-jaune-rouge, vous invite à instruire à vos collaborateurs chargés de la gestion du secteur de l’éducation, à prendre des mesures urgentes afin de redonner à l’école malienne ses lettres de noblesse et ce conformément aux défis qui se posent à notre pays.
Bamako, le 23 novembre 2016
Yagaré Baba Diakité
Président du Mouvement Vert-Jaune-Rouge
Nous pensons que les enseignants à l’Université sont payés par l’Etat pour délivrer des enseignements et NON pour vendre des fascicules.
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