Le Jeudi 8 Janvier 2015, le premier ministre Moussa Mara a présenté sa démission au président de la république, Ibrahim Boubacar Keïta, après dix mois à la tête de l’exécutif malien. Ce premier ministre est le deuxième à démissionner après Tatam Ly, dont la démission a fait l’objet de révélations venant de l’intéressé lui-même. On est désormais en droit de se poser des questions sur le malaise existentiel du pouvoir malien, qui est, en moins de deux ans, à son troisième chef de gouvernement. I.B.K choisit-il mal ses chefs de gouvernement, ou bien est-il à l’origine du malaise au sein de l’équipe gouvernementale ?
Puisque nos dirigeants ont pris la fâcheuse habitude de ne pas donner d’explications au peuple par rapport à la gestion des affaires publiques, les rumeurs prennent le dessus sur les vraies informations. Disons-le tout de suite, c’est dans un régime dictatorial que le peuple est tenu à l’écart de la gestion des affaires publiques et où les dirigeants pensent qu’il n’est pas digne de respect pour être informé des décisions engageant sa vie à lui aussi. Le peuple est infantilisé, on pense qu’il n’est pas assez mûr pour recevoir les vraies informations, qu’il n’est pas non plus assez majeur pour prendre les décisions qu’il faut. Alors, le peuple subit la dictature dans un régime qui est supposé être démocratique. Vu que les gouvernants de ce pays ne nous disent rien par rapport à la démission du P.M. , et que donc qu’ils nous considèrent comme des gens qui ne sont pas dignes d’être informés, puisque nous sommes des observateurs de la politique malienne mais aussi des citoyens qui réfléchissent , nous avons décidé de faire une analyse sur ce départ de Moussa Mara. En effet, on peut évoquer plusieurs signes avant-coureurs de la démission inévitable du premier ministre.
Il y a d’abord la pression des membres du parti présidentiel (RPM) qui ne voulaient qu’un des leurs à la tête du gouvernement. Le président a peut-être finalement cédé aux poids lourds de son parti qui ne cachaient pas leur désaccord avec le choix de Moussa Mara. D’ailleurs, chose étonnante, l’opposition politique s’est retrouvée sur la même longueur d’onde que leurs adversaires pour demander le départ de l’ex-premier ministre. On sait aussi que l’opposition voulait la peau de Mara après sa visite à Kidal, dont les conséquences sont connues des Maliens. Ce qui nous amène à poser la question de savoir si les rebelles « séparatistes » n’ont pas aussi demandé sa démission, après les événements de Kidal, et avant toute signature d’accord de paix avec les autorités maliennes.
Mais quelles que soient les raisons véritables de la démission du premier ministre, nous pensons que le peuple doit en être informé. Qu’il ait démissionné sous la pression du R.P.M., ou celle des rebelles, qui n’aurait pas voulu de quelqu’un qui a osé les défier à Kidal, le peuple ne peut s’en tenir à ses hypothèses cosmétiques. Ce qui intéresse le malien ordinaire, c’est de savoir si ceux qui le dirigent sont soucieux de ses problèmes existentiels ; si sa sécurité est assurée, si l’éducation des enfants est une priorité, etc.
On peut donc se demander si le choix du chef de gouvernement est fait suivant des critères objectifs. Choisit-on les hommes en fonction de leurs compétences, de leur rigueur, de leur patriotisme, etc. ? Nous nous demandons seulement si nos dirigeants se soucient réellement de nos préoccupations réelles ? Mais aussi si le premier ministre manque des qualités nécessaires pour mener à bien la charge qui lui était confiée ?
Loin de nous l’idée de maintenir indéfiniment des hommes au pouvoir, quelles que soient leurs compétences, mais nous voulons savoir, comme tout le peuple malien, ce qui s’est réellement passé, pour éviter toute intoxication et favoriser l’émergence d’un véritable débat politique, gage de toute démocratie normale. La démocratie ne peut subsister sans une communication responsable et franche des gouvernants avec le peuple. Maintenir le peuple dans l’ignorance, en refusant de lui donner les vraies informations, c’est le ramener au stade d’un peuple soumis, non pas aux lois comme le voudrait Rousseau mais aux caprices et à la volonté des dirigeants. Nous l’avons déjà évoqué plus haut, en disant que c’est le comportement des régimes dictatoriaux ou totalitaires. Le peuple, souverain, doit être le véritable maître de son destin. Le dirigeant responsable doit gouverner à travers la volonté de son peuple. Il doit être informé de toutes les questions qui engagent la vie de la collectivité. Des citoyens sans information ne constituent plus un peuple maître de lui-même, mais un regroupement d’hommes asservis à la volonté des chefs qui ne sont rien d’autres que des maîtres d’esclaves, comme l’affirmait Rousseau.
Souleymane Coulibaly (Enseignant/ Philosophie)