Ce pays voisin traverse une crise politique et sociale délicate, depuis quelques mois, dont l’un des points culminants a été la manifestation du 05 juin 2020.
Cette crise s’est traduite par un soulèvement populaire d’une partie importante de la population malienne fidèle à l’imam Mahmoud Dicko, ancien président du Haut Conseil islamique malien (HCIM). Ce vendredi 19 juin encore, à l’occasion d’un rassemblement tenu après la prière du vendredi, ces Maliens ont exigé, sans aucune concession possible, la démission du président de la République démocratiquement élu, Ibrahima Boubacar Keita. Le peuple malien veut reprendre le pouvoir qu’il a délégué au chef de l’État.
La veille, une délégation de la Cedeao avait pourtant tenté une médiation entre le M5-RFP, proche de l’Imam Dicko, et la majorité présidentielle. Mais aucun accord n’a été trouvé. Le M5 estime que l’unique solution pour calmer les manifestants, c’est le départ d’IBK de la tête du pays.
«Demander la démission du Président n’est pas quelque chose de trop, si cela peut apporter la paix, la démocratie», a déclaré Issa Kaou Ndjim, membre du M5.
«C’est le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, et sa gestion calamiteuse, les responsables de la déstabilisation de notre pays. IBK est l’élément déstabilisant de la République. Nous avons demandé à la Cedeao d’aider le peuple malien à ce que Ibrahim Boubacar Keita quitte le pouvoir», a laissé entendre Dr Oumar Mariko.
La crise que vit ce pays voisin du Sénégal montre, à suffisance, la fragilité de ses Institutions, depuis le coup d’État d’Amadou Sanogo, contre le pouvoir d’Amadou Toumani Touré, en 2012. Les groupes terroristes ont réussi à diviser le territoire malien, face au double jeu de la France, qui semble déterminée à concrétiser son projet maléfique de partition du pays en deux entités, au profit du Mouvement national pour la Libération de l’Azawad (MNLA), dont certains membres sont sponsorisés par l’Élysée.
C’est à cause de son jeu clair-obscur que la population, qui scandait «Vive France», en 2012 lors des attaques d’AQMI, en est à «France Dégage», aujourd’hui. La vérité, c’est que les Maliens ne peuvent pas comprendre que les Américains puissent tuer Ossama Ben Laden au Pakistan, Aboubacar Al Bagdadi en Irak, Abdel Malik Droukdel au Mali, et que d’autres leaders terroristes violents comme Iyag Ag Ghali, Amadou Koufa, Mokhtar Bel Mokhtar, Aboubacar Shekeau, Al Sakhraoui et leurs associés continuent de se pavaner librement entre Gao, Kidal, Tombouctou, Syrte, jusqu’aux frontières sénégalaises, à Moussala, sans être inquiétés, dans des zones pourtant sous contrôle des drones de l’Opération Barkhane.
Suite à ce constat, les Maliens ont vite accusé IBK d’être un agent de la France, à la tête de l’État, dont il va falloir, maintenant, écourter le règne. En plus, se succèdent des scandales, symboles d’une mal-gouvernance chronique depuis l’arrivée d’IBK et de son clan au pouvoir. Ils se sont accaparés de tout ! Détournements de deniers publics, marchés de gré à gré, bradage du foncier, clientélisme politique, francisation de l’économie malienne et insécurité rythment le quotidien des femmes et de la jeunesse de ce pays.
Dans sa déclaration, le M5 soutient qu’IBK menace «l’existence du Mali». Il a dénoncé les crises «politiques, sociales, scolaires, sanitaires, sécuritaires et de gouvernance». La gouvernance calamiteuse d’IBK a engendré des groupes sociaux et des leaders d’opinion nouveaux, à l’instar de l’imam Dicko, aujourd’hui timonier de cette révolte populaire.
Le charme des manifestations organisées au Mali, c’est que tous les acteurs politiques sont relégués au second rang. L’élite politique malienne a perdu toute crédibilité aux yeux du malien lambda.
Le président du Haut Conseil islamique malien (HCIM), Imam Dicko, cristallise tous les courants contestataires. Ce sunnite a réussi à fédérer le bas peuple, qui trouve en lui la solution pour la renaissance d’un Mali nouveau.
Hier, vendredi 19 juin 2020, devant des milliers de jeunes sympathisants, Imam Dicko a tenu à préciser que la politique ne l’intéresse pas et que sa mosquée qu’il dirige depuis 40 ans lui suffit. Mais, il s’est engagé pour restaurer l’État de Droit, la dignité et l’honneur du Mali. Car, il estime que les Maliens sont fatigués. Là, son discours rappelle celui de Kéba Mbaye qui disait : «Le Sénégal sont fatigués». Cette conclusion est aussi valable dans ce Sénégal de 2020.
Aujourd’hui, le Président Macky Sall doit beaucoup apprendre de ce qui se déroule au Mali et qui peut faire tâche d’huile au Sénégal, pays qui compte des religieux aussi engagés que l’imam Dicko.
Macky Sall doit être à l’écoute de son peuple pour éviter d’entraîner le pays dans une impasse aux retombées insoupçonnées. Le Sénégal nage dans un calme trompeur, d’où pourrait jaillir des tourbillons politiquement et socialement dangereux pour sa stabilité. Monsieur le Président, vous ne devez pas prêter l’oreille à ces thuriféraires qui vous disent : «Monsieur le Président, tout va bien !». Ils vous trompent, les Sénégalais souffrent !
Dans leurs slogans contestataires, les Maliens utilisent les mêmes expressions de propagande que les Sénégalais. Ils ont les mêmes comportements dans les réseaux sociaux, face aux événements politiques, parce que partageant la même histoire. Cela donne l’impression que le Sénégal et le Mali sont dans la même situation et que les deux peuples ont les mêmes difficultés… Sur le plan social surtout.
Tout ce qui se passe au Mali touchera directement ou indirectement le Sénégal. Et en partie, la sécurité intérieure du Sénégal dépend de celui du Mali.
Il ne faudrait pas que le Président Macky Sall attende que le vent de la contestation malienne traverse nos frontières pour atterrir à la Place de l’Indépendance ou à la Place de l’Obélisque pour réagir. Ce serait trop tard ! Le Président Sall doit agir tout de suite, en apportant les corrections nécessaires pour ressusciter l’espoir du peuple sénégalais, aujourd’hui en souffrance.
Macky Sall doit poser des actes forts pour inscrire son nom dans l’annale de l’Histoire du Sénégal, en restant collé aux préoccupations de son peuple. Les nombreuses manifestations des jeunes à Touba, à Tivaouane, à Kaffrine, à Kaolack, à Dakar (voir ailleurs) pourraient être la brise qui annonce l’averse dévastatrice.
Ce cycle de révolution qui, de nos jours, secoue le régime d’IBK a ravagé le pouvoir de Bouteflika, en Algérie, mais aussi celui de Blaise Compaoré, au Burkina Faso, et il menace ceux d’Alpha Condé, en Guinée, d’Amadou Barro, en Gambie, d’Alassane Ouattara, en Côte d’Ivoire et de Emballo, en Guinée-Bissau. Macky doit alors apprendre des événements en cours au Mali, pour réajuster sa gouvernance.
Mamadou Mouth BANE