Mesures prises par le gouvernement pour la lutte contre le COVID-19: Mr. Makalou économiste, décortique le discours du président

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Suite aux mesures prises par le Président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Kéita, lors de son discours à la nation le vendredi 10 avril, pour la lutte contre le Covid-19, nous avons décidé de rapprocher un économiste afin de décortiquer les mesures qui ont été prises. Le budget de 500 milliards pour les mesures sociales, la prise en charge des factures de l’électricité et de l’eau (le cas des compteurs prépayées qui soulève de nombreuses questions auprès des populations), la répercussion du covid-19 sur les PME… Modibo Mao MAKALOU, économiste nous dit tout !

 1- S.B : Le président de la République a annoncé le vendredi 10 avril 2020, lors de son discours à la nation un budget de 500 milliards de F CFA pour les mesures sociales pour la lutte contre le covid-19. Comment ses mesures seront-elles financées concrètement ?

Mr MAKALOU : En effet, toutes les perspectives pour l’économie mondiale en 2020 ont été revues à la baisse par les grandes institutions financières et de développement suite à la pandémie mondiale du nouveau Coronavirus (Covid-19) qui a débuté en Chine en décembre 2019.  Ce ralentissement de l’économie mondiale va compromettre les recettes fiscales et non fiscales alors même que les pays doivent répondre à de nouveaux besoins de dépenses publiques. Mais la riposte à la pandémie Covid-19 exige des mesures fortes et ciblées de par le monde et par conséquent les dépenses de santé doivent augmenter car la santé et le bien-être des populations doivent être prioritaires dorénavant.  Ainsi c’est en vue d’amoindrir l’impact négatif de la pandémie Covid-19 sur notre économie et l’ensemble de notre population que le Président de la République a édicté plusieurs mesures sociales qui coûteront à l’État au moins 500 milliards de F CFA.

Une diminution des taxes douanières fera inévitablement baisser les recettes douanières et creuser davantage le déficit budgétaire qui est d’environ 423 milliards F CFA dans le projet de loi de finances 2020

2- S.B : Quel sera l’impact de la diminution pendant 3 mois de la base taxable au cordon douanier des produits de première nécessité, notamment le riz et le lait ?

Mr MAKALOU : Notre pays dépend beaucoup du commerce international tant au niveau des importations que des exportations. L’économie malienne est vulnérable face aux chocs exogènes comme la pandémie Covid-19 car la production nationale est spécialisée et non transformée et de surcroît trois produits (or, coton, bétail) constituent 90 ℅ de nos exportations. Les denrées alimentaires constituent le quatrième plus important poste parmi les importations, soit environ 330 milliards CFA en moyenne par an ces deux dernières années. Donc une diminution des taxes douanières fera inévitablement baisser les recettes douanières et creuser davantage le déficit budgétaire qui est d’environ 423 milliards F CFA dans le projet de loi de finances 2020. La politique budgétaire devra jouer un rôle majeur pour atténuer le choc extérieur, et les positions budgétaires devront retrouver des trajectoires à moyen terme, lesquelles trajectoires ne compromettent pas la viabilité de la dette à la fin de de la crise sanitaire et économique.

Les sociétés de fourniture d’eau et d’électricité traversent actuellement des difficultés de trésorerie et n’arrivent pas présentement à satisfaire la demande croissante des populations

3- S.B : Des mesures ont été prises afin de soulager les populations des catégories relevant des tranches dites sociales sur le plan de l’électricité et de l’eau. Quid de celles qui utilisent des compteurs prépayés ?

Une prise en charge des factures d’électricité et d’eau des catégories relevant des tranches dites sociales, pour les mois d’avril et de mai 2020, a été effectivement annoncée par le Président de la République. Toutefois, les sociétés de fourniture d’eau et d’électricité traversent actuellement des difficultés de trésorerie et n’arrivent pas présentement à satisfaire la demande croissante des populations pour leurs services à cause des montants importants d’investissements nécessaires pour la production, le transport et la distribution de l’eau et de l’électricité. Par ailleurs, environ 60 % de la population malienne n’a accès ni à l’eau ni à l’électricité.

4- S.B : Le Président a aussi annoncé une réduction des impôts afin de soutenir le secteur privé, notamment : le tourisme, la culture, le transport, l’hôtellerie et la restauration. Cependant, d’autres secteurs, seront touchés aussi par la pandémie du covid-19 tels que les médias. Qu’en est-il pour eux ?

Mr MAKALOU: Parmi les mesures annoncées par le Président de la République en faveur du secteur privé figurent la dotation du Fonds de Garantie du Secteur Privé d’un montant de 20 milliards de F CFA destiné à garantir les besoins de financement des PME/PMI, des systèmes financiers décentralisés des industries et de certaines grandes entreprises affectées par la pandémie Covid-19 ainsi que des remises d’impôts, au cas par cas et secteur par secteur, aux entreprises privées impactées par les mesures de prévention du COVID-19, en l’occurrence les secteurs les plus sinistrés tels que les industries touristiques (Hôtellerie, Voyages et Restauration), culturels et les Transports, afin de protéger les emplois.

Par ailleurs, il est envisagé que les crédits de toutes les entreprises sinistrées suite au COVID-19 soient restructurés et que des orientations soient données aux banques afin que les entreprises maliennes puissent bénéficier des facilités accordées par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest.

En réalité, il urge d’apporter une aide ciblée et temporaire aux secteurs les plus durement touchés de manière inclusive comme le tourisme, la restauration et les autres secteurs des services. Ainsi, des allégements fiscaux temporaires sous forme de réductions ciblées ou de reports d’échéances de crédit bancaire pourraient aider toutes les entreprises à court de trésorerie suite à la pandémie Covid-19. N’oublions pas les aides alimentaires et les transferts monétaires pour les couches les plus vulnérables et démunies, en l’occurrence les femmes et les jeunes, de même que le secteur informel.

La gestion des compteurs prépayés par rapport aux mesures sociales ne pose aucune difficulté pour les compagnies d’eau et d’électricité

5- S.B : Le président a annoncé que les priorités d’investissements seront revues et que la gestion des fonds reposera sur la supervision du chef de gouvernement. Devons-nous comprendre par-là que la transparence de la gestion des fonds mobilisées pour la lutte pour le covid-19 dépendra du PM ?

La pandémie Covid-19 aura des conséquences sur tous les pans de l’économie nationale en réduisant le produit intérieur brut et le revenu national. Aussi, le budget national qui détermine les ressources et les charges de l’État sera affecté et des arbitrages devront être faits aux niveaux des différentes allocations budgétaires par le Ministère de l’Économie et des Finances sous l’autorité du Premier ministre, chef du Gouvernement qui a en charge la coordination gouvernementale. Toutefois, la redevabilité doit être de mise dans la gestion de ressources publiques selon les normes et bonnes pratiques en finances publiques même en temps de crises sanitaire et économique.

QUI EST MODIBO MAO MAKALOU?

Modibo Mao Makalou était membre de 2004 à 2012 du Groupe de Travail  sur l’Efficacité de l’Aide du Comité d’Aide au Développement  (CAD) de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE). Il a été nommé en 2011 Sherpa pour les 54 pays membres de la Commission de  l’Union Africaine en vue d’élaborer le Document Final du 4eme Haut-Sommet sur l’Efficacité du Développement qui s’est tenu à Busan (Corée du Sud) du 29 novembre au 1er décembre 2011.

Il a été administrateur suppléant au sein de Afrique Initiatives (piloté par l’ancien premier ministre français Michel Rocard) et a aussi occupé d’importantes functions au sein de la direction financière de BHP Minerals, une des plus importantes  societés minières au monde à Syama et Bamako (1993), à la direction commerciale de Shell Mali, une très importante société pétrolière (1995), et a coordonné la gestion administrative et financière d’un projet d’exportation de produits d’élevage (1996) pour le compte de l’Agence Américaine de Développement (USAID). Mr. Makalou avait créé une société de commerce international au Mali en 1998 et a été chargé de mission pour les mines, les nouvelles technologies, l’energie et l’eau à la Présidence de la République du Mali (2002)  puis  coordinateur de la Mission de Développement et de Coopération  (une initiative du Centre Carter et de la Présidence de la République du Mali) puis Coordinateur de l’Unité des Partenariats Public-Privé de la Primature en 2017.

Il est titulaire  d’un baccalauréat international de l’Ecole Internationale Européenne de Paris (France, 1984), d’une  maîtrise en Economie de l’Université de Montréal  (Canada, 1987) et d’un MBA en Business et finance international de American University à Washington DC (USA, 1992).

LA REDACTION

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