Mes vérités sur l’école : Nous ne demandons pas de la charité, mais un droit

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C’est au mois d’août prochain correspondant à l’entame du mois de Ramadan (11 Aout) que la grande manifestation contre le code des personnes et de la famille aura un an. Le recul permet d’analyser sans passion quelques contours de cette crise sociale.

On ne peut pas rester muet face à un lynchage médiatique qui, chaque jour qui passe, ternit d’avantage l’image de l’école malienne. On ne peut pas tolérer non plus l’attitude de certains journalistes qui se mettent à écrire tout et n’importe quoi sur la grève des enseignants. Depuis plusieurs années maintenant les résultats -du système éducatif malien- sont extraordinairement décevants. Plus ahurissant est le fait que tout le monde sait combien le système est mauvais, que tout le monde sait comment s’en sortir et qu’on ne fasse rien.

Poser le diagnostic sans aucune démagogie est pourtant possible. Ce que nous demandons n’est pas de la charité, mais un droit. Du début de cette crise à aujourd’hui, tout a été dit, tout sauf la vérité. Or, la confiance est la base de la crédibilité. Cette grève est et restera notre seule arme pour alerter le malien lambda de ce que nous vivons comme souffrance quotidiennement.

Dans le domaine de l’éducation, l’objectif de l’Etat doit être de fixer et de préparer le Mali à la compétition de la matière grise  qui constitue la réalité du monde d’aujourd’hui.

Pour y arriver, il faut doter notre enseignement supérieur qui est à l’évidence la clef de voûte de notre système éducatif de moyens conséquents. Or, pour des raisons bien connues, notre enseignement supérieur vit un cataclysme sans précédent.

D’abord, le point de départ est le délabrement de l’enseignement fondamental et secondaire qui chaque  jour dévient confus et inégalitaire. Un enfant scolarisé aujourd’hui dans les écoles publiques de l’Etat n’a pratiquement aucune chance d’espérer à une bonne formation et à un emploi. Les raisons de cette déconfiture sont nombreuses et la misère des enseignants y est pour beaucoup de choses conduisant ces derniers à aller monnayer dans les écoles privées leur savoir. Nul n’a besoin de s’attarder sur ses raisons qui sont connues de tous et qui constituent le mal à résorber. Seulement si nous laissons une telle situation perdurer, nous pouvons dire adieu à la compétitivité ; les conséquences pour le Mali en seraient très graves.

Ensuite, au niveau de l’université, malgré les difficultés, l’accent doit être mis sur l’accompagnement des étudiants, de donner à chacun d’eux, quel que soit sa situation précaire, toutes les chances de trouver son domaine d’excellence, de se préparer aux métiers du futur et de faire progresser le savoir.

Pour y arriver, la politique doit être d’assurer à tout étudiant de pouvoir quitter l’enseignement supérieur avec un diplôme lui permettant d’être compétitif et de décrocher un emploi. La réussite de cet objectif suppose que les facultés disposent d’une réelle autonomie. Et la nation devra les consacrer des moyens croissants et mieux utilisés- Il est triste de voir que l’autonomie des facultés est de la poudre aux yeux- ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

De même, la volonté aujourd’hui exprimée d’instaurer le système LMD doit obéir à l’exigence de cohérence des enseignements supérieurs des autres Etats de la sous-région. L’ouverture des frontières aux travailleurs de toutes nationalités, une réalité aujourd’hui, doit pousser chaque Etat a mieux armer ses étudiants à la compétition. La réalité nous a, d’ailleurs, rattrapé. Les étudiants qui sortent de nos facultés rencontrent de plus en plus de difficultés pour décrocher un emploi. Le concours d’entrée à l’ENA démontre ce fait en mettant aux prises 10000 candidats pour 100 places. Le  secteur privé ne déroge pas à cette règle.

Si les autorités ne réagissent pas rapidement pour arrêter l’hémorragie, entreprendre une reforme majeure, durable, le Mali perdrait toute chance d’utiliser au mieux ce que sa jeunesse représente comme espoir et potentiel. Ce combat est pour tous les maliens une priorité, une urgence voire une évidence nationale.

Y arriver est de notre responsabilité à tous.

Les propositions ne manquent pas pour autant. Les équipes de formation doivent à ce niveau jouer un grand rôle. Comme cela se passe dans beaucoup de pays,  le but est de rendre les étudiants plus acteurs de leur réussite en leur accordant un suivi sur la base de leurs projets professionnels. Oui chacun de nos étudiants en mettant les pieds à la fac rêve de devenir avocat, préfet, commissaire, juge, inspecteur de finance, prof et j’en passe… Le projet de l’étudiant doit s’articuler autour de cet objectif. Il faut que les administrations universitaires puissent bénéficier de moyens pour faciliter à l’étudiant son orientation voire réorientation afin de lui assurer un soutien pédagogique tout au long de son parcours et favoriser la réussite de son projet de formation. Il arrive qu’un étudiant pense avoir la capacité de mener de longues études avant de buter à des difficultés majeures. Entre deux sessions les administrations universitaires auront donc l’obligation d’organiser des cours de soutien pour les étudiants ayant échoué par le biais du tutorat par exemple. Le but étant de ne laisser personne sur le carreau. Encore une fois, ceci implique la mise à la disposition des facultés des moyens, dont elles ne disposent guère.

De même lorsque les politiques de reforme sont admises, elles nécessitent la concertation des acteurs de l’école, particulièrement les professeurs maliens. Il est bien et tout à fait normal de faire appel aux experts. La contribution de ces derniers doit s’accommoder avec celle de ceux là, qui, tous les jours vivent la réalité du terrain. L’université a besoin que les acteurs se fassent confiance. Et l’Etat doit comprendre que personne, mieux que les professeurs, ne pourra diagnostiquer les maux de l’université de Bamako. Les avis de ces derniers doivent compter.

A l’aube du cinquantenaire, il convient avec responsabilité de vraiment faire le bilan, l’évaluation scientifique des réformes antérieures enfin d’éviter, le flou et l’imprécision des textes -appliqués et proposés- qui régissent l’université source de multiples interprétations et tensions entre pouvoirs publics, enseignants et étudiants. La désillusion est grande entre les ambitions affichées des administrations des facultés et l’inexistence sinon l’insuffisance criante des moyens administratifs, techniques, financiers, humains… 

Regardons dans le rétroviseur de notre système éducatif. Quel système, quelle éducation nous voulons pour les enfants de la République?

Et voir un peu ce qui ce passe chez nos voisins.

Le drame est que l’école ne s’est pas adaptée à l’évolution sociale entrainant ainsi un effritement de l’autorité scolaire.

Enfin, la vérité ne tue pas. Les conditions d’études présentement sont déplorables. Il est difficile voire impensable de voir qu’encore au 21è siècle on puisse parler d’enseignement supérieur sans bibliothèque. La presque totalité des facultés ne disposent pas de bibliothèques. Si elle existe, elles sont dans un tel état de délabrement inqualifiable. Il faut dire la vérité et mettre à grand jour les conditions de travail dans lesquelles étudiants et professeurs se trouvent. Quelle qualité d’enseignement voulez vous lorsque la prime de documentation allouée aux enseignants est de 12.500Fcfa contrairement à ce que Mme la ministre a annoncé sur les antennes. Si les journalistes avaient procédé à un minimum d’investigations, ils auraient pu se rendre compte bulletin de solde à l’appui que le salaire brut est de 150844Fcfa et le net 146311Fcfa. Ajouter la prime spéciale de 50000Fcfa vous avez mon salaire 208811Fcfa. Ce qui est loin de l’affirmation faite à la télé. C’est ce climat qui nous a muré dans le silence. Ces constats font croire que l’enseignement supérieur n’est pas une priorité. Devenues des parcs d’entassement, un point de chute pour tous les bacheliers, les facultés sont des espaces de violences de tout genre. Tous les maliens peuvent venir aujourd’hui dans les facultés et se rendre compte de la réalité du désastre que vivent les enseignants et étudiants. Trouver une réponse à ses problèmes est une question de survie.

Toutefois, on peut rester les bras croisés et laisser la maison brulée. La vraie victime dans cette situation demeure la société. Et nous sommes la société. Lorsque ces enfants sortent et qu’ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas faire face aux exigences de la compétition, c’est en ce moment qu’émergera le danger. L’échec scolaire engendre la violence. Il ya des choses à faire car il ne s’agit pas seulement de critiquer. De cette mission, il convient de faire appel à tout le monde notamment aux parents. Les parents doivent comprendre que l’échec de leurs enfants constitue leur propre échec. Il faut inviter les parents à venir avec nous, à discuter. Car un parent n’a rien de précieux dans la vie que son enfant. Chaque acteur doit assumer sa part de responsabilité. Le rôle de l’école c’est d’instruire, celui des parents éduquer. Si eux, ils échouent, oui, les professeurs aussi échoueront pour la simple raison qu’en l’absence d’éducation, il n’ya pas d’instruction.

Il faut un réarmement des consciences afin de réussir la reconquête de l’école. C’est le seul enjeu qui prime aujourd’hui. Mais arrêtons de rêver, l’atteinte de cet objectif passe par l’octroi des moyens à l’enseignement supérieur, l’amélioration des conditions des enseignants et des étudiants. Et il faut arrêter avec les comparaisons qui ne tiennent pas. Aucune nation ne peut prétendre à l’épanouissement en reléguant son enseignement au dernier plan.

Nous avons perdu assez de temps.

 

                         DE Souleymane assistant droit public FSJP

 

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