MĂ©ditons-nous sur le silence des martyrs des 18 janvier 2012 et 2017 ?

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La vie est assimilĂ©e Ă  un fleuve qui coule sans interruption. Les poètes, les philosophes, les scientifiques les plus Ă©minents ont Ă©tĂ© Ă©merveillĂ©s et attentifs Ă  ce phĂ©nomène inhĂ©rent Ă  la nature et Ă  ses dĂ©rivĂ©s. Il provoque l’usure de toutes les crĂ©atures. Son noyau et moteur, son Ă©picentre est le temps qu’aucune intelligence n’a cernĂ© dans son entièretĂ©. Si le temps dĂ©borde le cerveau humain et toutes les facultĂ©s de l’ĂŞtre le plus douĂ© de l’univers, c’est Ă  cause de son essence divine. Seul le silence permet de meubler notre ignorance du temps dont le moteur vĂ©ritable est le CrĂ©ateur lui-mĂŞme. Dans les saintes Ă©critures, le Quor’an, Allah jure par le temps.

Oui, il est Ă  la fois un instant, une durĂ©e, une Ă©poque, un siècle, en somme un Ă©talon pour mesurer l’Ă©volution d’un organisme obĂ©issant Ă  des phases de croissance jusqu’Ă  son dĂ©pĂ©rissement final. Oui, l’homme est un point minuscule de l’univers, un rose au faible, dira le poète, mais un point focal qui parachève la crĂ©ation divine. Il est le reflet de son Ă©poque.

L’homme est cette graine de beautĂ© dont les actes signent le dĂ©but de l’histoire universelle et de toutes les autres sciences (Ă©pistĂ©mologie). Cependant, l’histoire de l’homme mesurĂ©e Ă  son espĂ©rance de vie est Ă©phĂ©mère. La vraie histoire est celle de la somme de sanctions de tous les humains, vivants ou morts. Car, la vie et la mort se cĂ´toient, se superposent et sont insĂ©parables.

L’une ou l’autre peut faire la grandeur voire la dĂ©cadence de l’ĂŞtre humain. Les plus grands hommes sont devenus très Ă©minents après leur mort. Seuls les hommes mĂ©diocres ont une histoire qui s’Ă©teint juste après leur enterrement. Les grands hommes pĂ©tris de valeurs univers elles scintillent durant toute l’existence Ă  cause de leurs qualitĂ©s inaltĂ©rables.

Ces hommes exceptionnels sont Ă  la fois des prophètes, des inspirĂ©s, des ascĂ©tiques, des sages, des savants, des poètes, des artistes, des hommes d’État, etc. Ils n’ont nullement besoin de monuments Ă©rigĂ©s en leur nom pour ĂŞtre prĂ©servĂ©s de l’usure du temps, de la mort irrĂ©versible. Ils transcendent la moisissure, la rouille, bref la corruption. Ils sont Ă©ternels, prĂ©servĂ©s comme l’âme pure. Parmi ces ĂŞtres Ă©ternels, invincibles et immortels, figurent les martyrs, ceux qui versent leur sang pour dĂ©fendre leur patrie. Ils peuvent ĂŞtre oubliĂ©s des citoyens amnĂ©siques mais ils sont conservĂ©s comme des trĂ©sors immatĂ©riels dans le panthĂ©on de la nation. MĂ©ditons-nous souvent sur le silence de ces vertueux martyrs qui sont les prĂ©curseurs de la souverainetĂ© retrouvĂ©e, chantĂ©e comme une chanson populaire, un nouvel album d’un artiste Ă  sa Gloire? Point besoin de stèles pour les hĂ©ros morts pour la patrie, pas besoin de discours sporadiques Ă  leurs noms. Ils sont vivants. Se souviennent d’eux leurs veuves, leurs orphelins, leurs frères d’armes et la nation vertueuse pour l’Ă©ternitĂ©. Alors modestes mortels que nous sommes, emploierons nous Ă  mĂ©diter sur le silence de nos martyrs nous observant dans notre course effrĂ©nĂ©e aux plaisirs mondains. L’annĂ©e 2023 comme les prĂ©cĂ©dentes, est finie sur une routine, un rituel annuel, un anniversaire. Il est oubliĂ© le lendemain de tous les fĂŞtards dĂ©nuĂ©s de leurs pactoles.

Encore le 1er janvier est fĂŞtĂ© puis oubliĂ©. Le 14 janvier est Ă©rigĂ© en fĂŞte nationale en prĂ©lude au 20 janvier, fĂŞte de l’armĂ©e, couronnement de la souverainetĂ© retrouvĂ©e. Et puis on a sautĂ© des dates historiques qui constituent le point de dĂ©part de cette souverainetĂ© nationale symbolisĂ©e par la conquĂŞte de Kidal et cette autre citĂ©. Mais avons-nous MĂ©ditĂ© sur les Ă©vènements vĂ©cus les 17,18 au…. 24 janvier 2012 puis au 18 janvier 2017? Regardons douze (12) ans en arrière dans le rĂ©troviseur du Mali. Oui, mĂ©ditons, non pour rendre les citoyens tristes, mais les rappeler les Ĺ“uvres des martyrs auxquels nous devons notre souverainetĂ© nationale brandie avec fiertĂ©. Cette fiertĂ© sera belle en faisant rĂ©fĂ©rence Ă  ces hommes exceptionnels tombĂ©s le 17 janvier 2012 sous les balles du Mouvement national de libĂ©ration de l’Azawad (MNLA) d’abord Ă  MĂ©naka puis plus tard Ă  Aguelhok. Cette date coĂŻncide aussi avec la mort lointaine de Lumumba du Congo au dĂ©but des annĂ©es 60 sous les balles des parachutistes impĂ©rialistes.

Oui, le17 janvier constitue une date inoubliable au Mali qui marquera plus tard le dĂ©luge qui a emballĂ© notre destin, notre rencontre avec les rebelles, les djihadistes, les terroristes, la France, Serval, Barkhane, Takouba, G5 Sahel, MINUSMA (Mission multidimensionnelle intĂ©grĂ©e des Nations unies pour la stabilisation au Mali) bref le deuil, l’esclavage, l’humiliation, la dĂ©stabilisation. Le peu de bonheur acquis par la reconquĂŞte de Ber Ă  Kidal nous fait oublier le martyr de onze (11) annĂ©es de pĂ©nitence. Les fĂŞtes de fin d’annĂ©e et la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) en RĂ©publique de la CĂ´te d’Ivoire (RCI), nous anesthĂ©sient d’avantage. MĂ©ditons-nous sur les douze (12) annĂ©es de malheurs? En cette veille du 18 janvier, je pense surtout Ă  deux (02) Ă©vĂ©nements majeurs qui ont scellĂ© notre destin commun.

En effet, le 18 janvier 2012 marque l’assaut contre le camp d’Aguelhok sous le commandement du capitaine SĂ©kou TraorĂ© dit ”BAD”. Son unitĂ© tombera sous les balles de l’ennemi le24 janvier, en dĂ©pit des troupes dĂ©pĂŞchĂ©es de Tessalit et sur tout de Gao sous l’Ă©gide du GĂ©nĂ©ral A. Ould Meydou. Le soleil de ce 24 janvier2012, ”couleur rouge vermeil se coucha donc annonçant le crĂ©puscule sanglant d’une gĂ©nĂ©ration de militaires Ă©mĂ©rites, dont la bravoure et celle de sa troupe entière, au-delĂ  des vernis Ă©piques qui rendent les tragĂ©dies plus supportables“, demeurent une vĂ©ritĂ© Ă©tablie et non un mythe.

Hommage Ă  cette troupe et Ă  son commandant tombĂ©s en martyrs. Ils sont les vraies graines de la souverainetĂ© qui n’ont cessĂ© de fleurir pour donner des graines si belles et promues d’ĂŞtre encore plus belles dans l’avenir. Hommage Ă  tous ces militaires tombĂ©s le 18 janvier 2017 suite Ă  l’attentat du MĂ©canisme opĂ©rationnel de Coordination (MOC) Ă  Gao. Que de morts! parmi lesquels mon ami le capital Chaka O. Hommage Ă  ces soldats illustres rescapĂ©s mais aussi dĂ©cĂ©dĂ©s faute d’une prise en charge adĂ©quate notamment le lieutenant Niangala, l’ami de mon ami. Et encore cet autre Colonel Camara, Chirurgien abattu au quartier Château. La liste est longue et douloureuse Ă  dĂ©rouler. Repos Ă©ternel Ă  leurs âmes. RĂ©confort absolu Ă  leurs familles Ă©plorĂ©es et leurs parentĂ©s, Ă  la Nation entière. Hommage Ă  tous ces militaires mal habillĂ©s, Ă©quipĂ©s et nourris qui ont jurĂ© fidĂ©litĂ© au Mali et ont gardĂ© intact le souvenir de leurs frères d’armes tombĂ©s en mission.

Si janvier a Ă©tĂ© retenu comme le mois de la souverainetĂ© non pas Ă  cause de la seule rupture avec la France, mais aussi bien, parce qu’il rĂ©sume bien le point de dĂ©part de toutes atrocitĂ©s, l’aboutissement de tous les complots contre le Mali mais aussi la faillite de notre gouvernance, l’exhibition de nos discordes. MĂ©ditons sur toutes les Ă©motions suscitĂ©es par ce mois et surtout ces pages sanglantes, pour qu’elles ne tombent pas dans l’oubli. Ayons une mĂ©moire fidèle pour conserver notre histoire, nos peines et joies, afin de fortifier le caractère des gĂ©nĂ©rations futures.

MĂ©ditons sur le sacrifice de ces hommes, de ces habitants abandonnĂ©s aux violences du Mouvement national de libĂ©ration de l’Azawad (MNLA), Mouvement pour l’unicitĂ© et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Ansar-DĂ®ne Ă  Gao, MĂ©naka, Tombouctou, Ansongo, etc. Nous devons nous rappeler la mĂ©moire de nos morts civils et militaires. Ils sont les vrais artisans de notre souverainetĂ© souhaitĂ©e, en construction. Nul besoin de les Ă©riger des stèles, des monuments, bref des bois sacrĂ©s oĂą les gouvernants viendront dĂ©poser des germes de fleurs, au rythme de la fanfare militaire. CĂ©lĂ©brons leur sacrifice dans le cĹ“ur et gravons-le dans la mĂ©moire collective comme du marbre.

Ă€ la veille du 20 janvier 2024, je formule les prières les plus pieuses Ă  nos civils rĂ©sistants et militaires morts au combat, formule les meilleurs vĹ“ux aux vivants. Je souhaite prompt rĂ©tablissement aux blessĂ©s et rĂ©confort total aux familles de tous les citoyens civils et militaires engagĂ©s dans la dĂ©fense du Mali. Nous ne cesserons de mĂ©diter sur le sacrifice de nos martyrs et de les prĂ©server pour l’Ă©ternitĂ© dans nos cĹ“urs et esprits. Qu’Allah bĂ©nisse le Mali et les Maliens.

Alhassane GAOUKOYE

Enseignant Chercheur Ă  l’ULSHB

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