Me Mamadou Ismaila Konaté analyse l’accord cadre CNRDRE – CEDEAO : «La transition est bien différente de l’intérim»

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1 – La crise de confiance est en passe de s’installer entre le Comité National pour le Redressement de l’Etat et de la Démocratie (CNRDRE) et le Front Uni Pour la Sauvegarde de la Démocratie et de la République (FDR) d’une part, le Mouvement Populaire du 22 mars (MP 22) et le FDR d’autre part. En toile de fond de cette crise de confiance, les nombreuses questions restées en suspens à la suite de la signature de l’accord cadre du 6 avril 2012 entre le CNRDRE et le médiateur CEDEAO et leurs diverses interprétations.
2 – Sur la foi de cet accord (dont ne font pas partie les forces politiques maliennes (FDR et MP 22) et les acteurs sociaux et/ou de la scène politique malienne), la CEDEAO et une partie de la communauté internationale ont levé les sanctions prises à l’encontre du Mali et de la junte. Dès lors, cet accord international a donné pleine et entière satisfaction à la communauté internationale sans pour autant régler les questions de « politique interne » laissées en suspens. Les acteurs directement concernés ne semblent pas trop savoir la meilleure méthode à mettre en œuvre, en vue d’arriver, sur la base de la concertation, à l’élaboration d’une feuille de route. Ce sont toutes ces questions de « confiance » qui sont à l’origine des suspicions légitimes ou non des uns vis à vis des autres. Si l’on n’y prend garde, l’atmosphère politique ne manquera pas de se « polluer » très vite. Est ce vraiment au Médiateur de soulever ces questions, de les résoudre? Non, ce serait plutôt aux Maliens qui devraient là faire preuve de grand génie.
3 – Pour mémoire, c’est dès la signature de cet accord cadre que le Président de l’Assemblée nationale et le Premier Ministre ont effectivement pu saisir la Cour constitutionnelle de la démission du Président Amadou Toumani Touré. La Cour constitutionnelle a pris son arrêt de constatation de la vacance du pouvoir présidentiel. Bien évidemment, elle a mis en œuvre les dispositions pertinentes de l’article 36 de la Constitution de février 1992 pour désigner M. Dioncounda Traoré, ès qualité de Président de l’Assemblée nationale en qualité de Président de la République par intérim.
4 – En application des dispositions de la Constitution de 1992, le Président de la République par intérim, M Dioncounda Traoré devra assurer toutes les fonctions de Président de la République, à l’exception de :
–    nommer le premier ministre et les membres du gouvernement ou mettre fin à leurs fonctions ;
–    soumettre un texte à référendum ;
–    prendre des mesures exceptionnelles.
5 – Le texte de l’accord cadre n’a d’ailleurs « attribué » cette prérogative de nommer le premier ministre et les ministres à aucune autorité spécifique. L’accord cadre s’est simplement contenté d’indiquer que le premier ministre et les membres du gouvernement devront être désignés de manière « consensuelle ».
6 – La feuille de route politique à venir devrait tout de même reprendre ce point qui a besoin d’être précisé. La charge de nommer le premier ministre peut par exemple être attribuée à une autorité donnée tandis qu’une ou plusieurs autres autorités aura la charge de proposer les noms de ceux là qui seront candidats au poste de premier ministre et de ministres.
7 – D’un point de vue plus pratique et par souci de commodité, la nomination du premier ministre et des membres du gouvernement ne devrait intervenir qu’au terme de l’intérim. Une telle démarche est assez importante pour marquer la césure entre les deux temps: intérim et transition. Il est vrai que l’intérim ne serait et ne devrait point se prolonger au delà de son terme légal. Le Président de la République par intérim devrait se souvenir que le dépassement du délai légal d’un mandat est constitutif de faute au même titre qu’un renversement de régime.
8 – La transition, bien différente de l’intérim, est la phase politique qui intervient hors la Constitution. Elle est prévue justement par l’accord cadre. Le texte y donne quelques précisons en ce qui concerne son chef qui est en même temps le premier ministre.
9 – La feuille de route politique à venir devrait préciser, entre autres points :
–    les missions et les objectifs de la transition ;
–    les autres organes de la transition ;
–    la durée de la transition ;
–    les objectifs de la transition ;
–    les rapports entre les organes de la transition et le gouvernement de transition…
10 – L’accord cadre propose le maintien du parlement de la dernière législature ATT, mais aussi  la prorogation du mandat des députés, au delà du terme légal, ce, jusqu’à la fin de la transition. Ce point n’est pas sans difficultés. Il devrait être soumis à la Cour constitutionnelle pour que cette dernière se prononce du point de la légalité d’une telle mesure.
Mamadou Ismaila Konaté,
Avocat à la Cour

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7 COMMENTAIRES

  1. eh voila que toutes ces “bonnes âmes” ont la bouche fine, ça s’élucubre tous azimuts à démontrer qu’on maitrise le droit. cependant, le même droit a été malmené ici par des bidasses sans scrupule, avec un viol répugnant de la Constitution de ce pays à la clé. mais en ce moment-là, il fallait faire gaffe pour ne pas être du mauvais cote… de la junte assurément, et non pas de l’Histoire. mais une chose est sure, la démocratie et le peuple sauront reconnaitre les siens, sans tambour ni trompette… just wait and see !

  2. La réflexion est ouverte. Nous avons 40 jours pour trouver la formule idoine. Je trouve cependant, que le premier ministre qui sera nommé pour l’intérim doit continuer à conduire la phase de transition pour éviter la cassure entre les deux phases. Notre pays ne peut plus se permettre un retour dans une autre période d’incertitude, après 40 jours, pendant qu’il y a des problèmes urgents à résoudre. Le sort du président intérimaire sera toujours confié et géré par la constitution. Par ailleurs, si notre constitution ne prévoit pas toutes ces éventualités, il faut le reconnaître humblement et convenir de quelque chose qui fera jurisprudence en attendant de combler la lacune. Pas de temps pour la tergiversation trop de dossier brûlants sans compter que la Frace et son MNLA ne vont pas croiser les bras pour nous attendre! Ils vont s’armer d’avantage…

  3. nous demandons au CNRDRE de matter tous ces speculateurs d’intellectuels voyous.de les mettre à l’abris dans les cacho de koulikoro.de juger tous les anciens intellectuels mal sains et les condamnés à mort.au Mali pour le moment il n’ya que des apatrites et non des democrates.

  4. Juste une question: à partir du moment oû le President a “demissionné” , le prmier ministre a t il encore autorité pour saisir la Cour Constitutionnelle avec le President de l’Assemblée Nationale?

    • Oui puisque le gouvernement n’a pas été dissout par le Président avant de démissionner. Donc, légalement le premier ministre jouit toujours de ses prérogatives.

  5. Je voudrai que Mr l’avocat nous explique: si Mr ATT était empêcher d’une autre manière le 22/03/2012 que par un coup d’état, que l’élection ne soit pas possible dans les 40 jours, par le président de l’assemblée Nationale investit Président de la République. Quel mécanisme notre constitution prévoit dans ce cas. Si elle ne prévoit rien cela voudra dire que notre constitution est insuffisante.
    Au vu de la communauté Internationale censé nous aider, le retour à la vie constitutionnelle normale veut dire l’application de la constitution. Si nous n’allons pas dans ce sens nous risquons de compromettre les chances de ce pays.
    Je souhaite que Mr l’avocat me répond.

  6. la transition est juridiquement incompatible avec le rétablissement de la Constitution.le CNDRE n’a dès lors aucune existence légale. Tout autre bricolage est un cautionnement du coup d’Etat.

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