Mon nom est Sita. Ma réussite scolaire et mon envie de me battre ont une histoire, que je me dois de raconter.
Je suis la fille d’Issa Baba, écrivain de son Etat, auteur des Manuels de géographie à l’usage des classes des premier et seconde cycles de l’enseignement dans les écoles maliennes. Il a écrit également divers récits, dont Koumi Diossé, des études sociologiques régionales, des romans.
J’avais sept (7) ans quand il est décédé. J’ai donc grandi sans la présence d’un père. A partir de ma scolarisation, j’ai bénéficié du respect du à ce père que je n’ai pas connu. J’étais respectée de tout le monde, par les maîtres et les directeurs d’école, dès l’instant où ils apprenaient que j’étais la fille d’un écrivain. Ce grand respect pour le statut d’écrivain de mon père m’a motivée et je travaillais beaucoup à l’école pour être digne de cette image.
Mais l’enfance est un stade de vie très particulier où l’absence du père brise les rêves et installe le sentiment de solitude. On met du temps à acquérir le sentiment de sa propre valeur, faute d’avoir confiance en soi, car pour avoir confiance dans la vie, il faut avoir bénéficié de l’amour valorisant d’un père, fier de son enfant.
J’ai été une enfant solitaire, perdue. Le livre est devenu mon unique et intime ami. Il m’a permis de sortir de ma coquille, d’avoir confiance, d’avoir une identité, d’avoir une certaine ouverture d’esprit. Il m’a principalement donné envie de prendre ma revanche sur la vie, de me battre pour être la fille de mon père.
Au cours des années qui ont suivi, j’ai constaté avec amertume que la place occupée par les écrivains dans notre société n’est pas assez valorisée. Selon Amadou Seydou Traoré, les écrivains maliens sont comme «la trace d’une pirogue sur l’eau ». Visible à la seconde de son passage, mais disparaissant aussitôt comme si elle n’a jamais existé.
Or le travail de l’écrivain est utile tout long de notre vie ; de l’enfance à l’âge adulte, en passant par l’adolescence. Comme l’écrit le Mouvement Malivaleurs dans ses documents d’orientation, « le relèvement du niveau de l’école passe par la promotion de la lecture, qui permet de combler les besoins d’apprentissage, de découverte, d’éveil en ce qui concerne le jeune enfant, de détente, de loisir, d’ouverture à d’autres cultures, d’amélioration de la qualité de l’éducation. »
Je pense, avec conviction, que les écrivains et chercheurs sont des figures emblématiques, qui méritent considération, respect et reconnaissance. Il nous faut donner plus de visibilité au patrimoine intellectuel malien en valorisant leur mémoire. Ne rien entreprendre serait condamner les jeunes générations, puisqu’elles n’auront ni identité, ni ambition, ni motivation pour l’apprentissage, ni orientation, ni modèle auquel se référer, ni esprit patriotique, ni culture qui constitue l’élément fondamental.
Sidi Yéhia Et Tadelsi, un penseur de Tombouctou au 16è siècle a écrit à juste raison : « N’as-tu pas vu que si la trace de ceux qui mettent de l’ardeur à être généreux mérite d’être citée, la trace laissée par les penseurs est plus digne d’être estimée encore. La disparition d’une intelligence de ce monde est un deuil qui se manifeste en tous pays et chez les hommes de valeur. »
Après avoir terminé mes études universitaires, j’ai rencontré le Mouvement Malivaleurs qui œuvre pour faire connaitre la production intellectuelle nationale et revivifier la mémoire des penseurs. Ses programmes « la Rue des Ecrivains » et « Faire connaissance avec… » proposent de mettre l’accent sur la culture du modèle et du mérite en impliquant, côte à côte, auteurs, municipalités, écoles et universités autour de la problématique du patrimoine intellectuel du Mali.
Aux nouvelles générations, je dis : réveillez vous !
Nos parents nous ont laissé divers héritages…Certains, notamment les aînés des familles, croient que lorsqu’on parle de patrimoine, il s’agit seulement de la concession familiale, des vergers et autres parcelles d’habitation. Le plus grand, le plus beau, de tous les patrimoines, ce sont les valeurs que les devanciers ont su et pu nous inculquer. Les chinois disent que pour être un homme, il faut avoir planté un arbre ou écrit un livre.
Je vous invite à rejoindre le programme ‘’ Culture et modèle du Mérite de Malivaleurs’’, à faire connaissance avec les géants, ces femmes et hommes de conviction qui ont amélioré notre présent par leur disponibilité à servir. Des hommes d’honneur par conséquent. Qui ont capitalisé à travers des écrits ! Qui ont fait œuvre utile au village, dans le campement, dans le quartier, dans le service public, dans les centres de santé, dans l’éducation, dans les forces de défense, etc ! Ce sont tous ceux dont les acquis passeront aux générations à venir !
Traore Sita Aminata