Les réactions de certains politiques aux récents évènements ont encore une fois montré une division profonde installée dans notre pays ces dernières décennies. Bien plus que seulement politique, la fracture entre les regroupements socio-politiques ne cesse de se creuser, au point qu’on se demande ce qui tient encore ensemble le Mali, et combien de temps cela pourra durer. Nous ne sommes pas simplement en désaccord les uns avec les autres sur les fins de la politique, mais nous sommes également en désaccord sur la compréhension de la réalité elle-même. Notre pays fait face à une polarisation asymétrique. En effet, la polarisation de notre société tient à trois grandes caractéristiques : une profonde destruction de notre tissu social et de nos valeurs, un nouveau fondamentalisme religieux fervent, une méfiance viscérale à l’égard du système politique et de l’État. Or, ce qui nous a permis de rester unis et de faire fonctionner notre pays jusque-là, en dépit de notre riche diversité, est entre autres notre attachement à nos valeurs communes et à nos us.
Cette polarisation politique est en partie le résultat d’un jeu dangereux auquel s’adonnent trop souvent les acteurs politiques ainsi que leurs médias mensonges. Ce sont les politiciens en manque d’attention et les regroupements qui se trouvent à la marge qui saisissent des occasions de dérapages politiques, de faiblesse ou d’inattention de l’État pour déstabiliser tout ce qui n’est pas à leurs avantages. Les fautes et les intentions malveillantes dont ils s’accusent mutuellement témoignent de l’incompréhension, de l’animosité et du sentiment de rancune qui les dressent de plus en plus durement les uns contre les autres. Le problème, c’est qu’à la longue, cette polarisation finit par réellement exacerber les antagonismes dans la population et compliquer la recherche de compromis sur les enjeux. Et le cancer au cœur de notre lutte pour le bien-être de notre population est qu’il n’y a pas assez de gens parmi nos politiques qui sont prêts à sacrifier leur intérêt à court terme pour l’intérêt à long terme de l’ensemble de notre peuple.
Cependant, la situation actuelle n’est pas une fatalité, mais il est grand temps de retourner à nos fondamentaux avec des alternatives viables et surtout de retrouver les grandes forces – culturelle, religieuse, politique et sociale qui nous ont toujours rapprochées les uns des autres. Il nous faut un civisme qui fait référence aux devoirs et aux responsabilités du citoyen dans l’espace public. Nos politiques doivent promettre de se faire rassembleurs et être des acteurs de changements plus profonds pour que la tendance à la polarisation se renverse. Nous devons aussi exiger que la politique soit exercée comme un art et une pratique de gouvernance de notre société et son objectif devant être de régir la vie dans nos communautés et d’assurer leur subsistance. Nous devons établir des liens qui nous unissent politiquement et qui nous encouragent à mener des actions communes de lutte susceptibles de garantir la stabilité politique dans notre pays. Travaillons en commun pour remplacer l’indifférence et l’individualisme avec des politiques centrées sur les droits de l’ensemble du peuple et la souveraineté populaire.
Cheick Boucadry Traore