Mali – Ukraine : deux crises similaires, deux approches contradictoires de la communauté internationale.

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Aboubacar MAIGA
Aboubacar MAIGA

En fait, pendant que François Hollande et Angela Merkel négocient un plan de paix avec Vladimir Poutine à Moscou, de plus en plus de voix se manifestent dans le bloc de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) en faveur d’une dotation de l’Ukraine en armes lourdes. Ce serait bien si cette option pourrait aider Kiev à éteindre le feu dans l’Est du pays. Seulement, le problème est que personne ne parle toujours de livraison d’armes au pouvoir malien qui, comme les autorités ukrainiennes, fait face au même défi : conserver son intégrité territoriale. Paradoxe historique, c’est qu’au lendemain du coup d’état de mars 2012, au moment où les forces de défense et de sécurité maliennes avaient si besoin de matériels militaires pour stopper l’avancée des groupes armés au nord, cette même communauté internationale par l’entremise de la CEDEAO n’a rien trouvé de mieux que de bloquer les cargaisons d’armes du Mali dans les port de Conakry et de Dakar. Elles ne seront livrées que lorsque les deux tiers du territoire seront sous contrôle des terroristes… La suite, tout le monde le sait.

Regardons alors aujourd’hui, ces mêmes puissances ont su trouver une idée de génie pour résoudre la crise ukrainienne : « il faut armer les ukrainiens contre ces ”terroristes”! (c’est le terme par lequel Kiev désigne ses séparatistes) » Et au Mali? – Bien sûr au Mali, tous les terroristes ont été neutralisés ; du moins, lorsqu’on n’a pas besoin d’eux pour justifier le prolongement de notre présence militaire. Entre-temps, on oblige l’Etat malien à négocier avec ses terroristes. –Non, j’ai oublié, il faut les nommer les « rebelles touareg », comme ça, ça sonne bien dans les oreilles, étant donné que le mot « touareg » retentit comme si c’est toute une communauté qui s’est dressée contre le pouvoir malien, – ce pouvoir cruel et despotique, selon eux, qui n’a fait que massacrer les touaregs depuis l’indépendance. Heureusement que la majorité des touaregs et des autres communautés du nord se sont rangés du côté de Bamako pour ainsi prouver le contraire. Finalement, ce film dont ils avaient longuement mitonné le scénario se déroule à présent sans réalisateur.

Le plus bizarre dans tout ça, c’est que l’armée malienne ne peut même pas se déplacer sur son propre territoire sans qu’on ne parle d’agression ou de violation de cessez-le-feu. Or, au même moment, curieusement, les puissants rebelles font la pluie et le beau temps partout où ils le désirent sans que les maliens ne puissent manifester tranquillement sans être criblés de balles par les forces qui sont censées venir les proteger. Voyez-vous, après tout, le malien reste confiant quant au succès des négociations interminables d’Alger. Pour comprendre cette espérance vide d’espoirs, il faut vraiment être malien.

Attendez un peu, mais qui continue d’armer les rebelles maliens? D’où provient leur financement pour le carburant, la nourriture et leur puissante propagande médiatique? Qui arme l’opposition syrienne, l’Etat islamique, Boko Haram? Est-ce seulement du trafic de drogues et du commerce des otages comme on veut nous faire croire? Etonnamment, tout ça ressemble à la stratégie d’intimidation et de la peur des groupes mafieux qui consiste à créer une situation d’insécurité chez un riche homme d’affaires pour ensuite venir lui proposer ses services. Effrayé et paniqué, celui-ci devient aussitôt cette proie facile à croquer avec appétit comme tous ces Etats actuellement aux abois qui crient successivement au secours. Du coup, peu à peu, en fonction de la distribution mondiale des sphères d’influence formées à partir de la carte coloniale, chaque puissance occidentale récupère ses anciennes possessions coloniales sous forme de traité de défense, d’alliance économique ou de bases militaires.

De l’autre côté en Europe, vous ne voulez pas savoir pourquoi jusqu’à présent l’ONU est absente en Ukraine après tant de morts parmi les civils? D’après la même organisation internationale, plus de 5000 personnes auraient été tuées et plus de 10 000 blessés depuis le début du conflit. Et toujours rien, les combats continuent de plus belle. Au lieu de songer à une force d’interposition entre les deux camps, non, ils veulent transformer ce conflit en guerre totale entre russe et l’OTAN en envisageant d’armer les deux parties. Ce serait d’abord une guerre interposée, après personne ne contrôlera plus rien… (retour au chapitre de la guerre froide : Vietnam et Corée (divisée en deux depuis), deux exemples parmi tant d’autres). Déjà, ces conflits n’appartiennent plus aux ukrainiens et aux maliens. Les deux peuples sont utilisés comme des pions…, mais le savent-ils dans les deux camps qui s’affrontent de part et d’autre?

Pour autant, on ne peut s’empêcher de constater que l’attitude adoptée par la communauté internationale par rapport au dossier ukrainien diffère de loin de celle qu’on observe à l’égard du Mali. Est-ce parce que ce conflit se passe au coeur de l’Europe ou c’est parce que c’est une question de domination entre la Russie et les pays occidentaux dans cet espace ô combien stratégique et vital pour les deux camps? En tout cas, il faut être puérilement naïf et stupide pour ne pas voir cette gestion inéquitable de deux crises géographiquement distantes, mais qui ont tout en commun. D’ailleurs, dans le cas du Mali, c’est un pays qui fait face à des rebelles débarqués de la Lybie d’où ils ont été chassés par l’OTAN, tandis que l’Ukraine fait la guerre contre des gens qui se sont revoltés contre un pouvoir qu’ils ne reconnaissent pas, d’autant qu’ils le jugent imposé de l’extérieur. Alors, si ce n’est une question d’intérêts et de pouvoir, lequel de ces deux pays doit être armé contre ses « terroristes »? Sauf si l’on ne veut pas nous démontrer une fois encore qu’il y a des bons séparatistes qui, dans le cas malien, représentent les rebelles « touareg » , et les mauvais – ceux de Donetsk et de Loughansk. A partir de là, on s’octroie le droit de légitimer les doléances des occupants de Kidal en autorisant Kiev à bombarder avec nos armes les siens. Où est ici l’équité et la morale politique?

Nous prennent-ils vraiment pour des cons? –Eh bien, ça se voit, Messieurs! Enfin, tout dépend de l’angle par lequel on veut considérer les choses. – Leurs médias! voilà d’où ils nous tiennent. C’est à partir de ces outils de propagande installés sous nos nez qu’ils transforment nos héros en des minables, nos braves soldats en des avatars, et leurs marionnettes en des véritables héros de la démocratie ; en fait, la démocratie dans leur compréhension stricte du terme. Et que peut-on faire lorsque vous êtes si dépourvus face à ces lobbyistes de la terreur qui se sont spécialisés dans l’instrumentalisation des aspirations légitimes (parfois inculquées) des peuples moins lucides et endoctrinés afin de servir leurs desseins inavoués. – Vos ex-colonies sont toujours à vos ordres, Messieurs!

Par Aboubacar Maiga  depuis Saint-Pétersbourg

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4 COMMENTAIRES

  1. tout a fait exact il faut être aveugle pour ne pas voir la réalité le Mali manque de tout on nous prive de se réarmer de recouvrir la totalité de notre territoire et en même temps on parle d'armer le pouvoir ukrainien , pauvre Mali tu n'as que tes yeux pour pleurer

  2. je ne peux que te remercier pour ta clairvoyance cher Aboubacar Maïga, j'invite les hommes politiques qui végètent pour un oui ou un non de bien lire ces passages afin de mieux jouer leur partition s'ils ont un brin de patriotisme

  3. Ces gens ne sont pas pires que nos opposants Mr Maiga!!!!! Qu’on détruise le pays de l’extérieur OK, mais se détruire soit même ALORS. Que dire de l’attitude de nos “apprentis opposants?

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