Un proverbe de chez-nous dit qu’on peut toujours tirer quelque chose d’utile de n’importe quelle épreuve ! La même idée est reprise par un grand leader tiers-mondiste d’Asie qui, s’adressant à ses combattants après une défaite disait : « Il faut transformer l’insuccès en succès ». Il leur proposait des solutions idoines et les combattants repartaient avec courage et esprit de sacrifice.
S’agissant de la situation au Mali aujourd’hui, nous sommes devant un échec de la construction de l’état-nation que nous désirons bâtir. Cette situation est certes critique, mais pas désespérée, contrairement à son apparence.
Faisons d’abord le point.
A la litanie d’un général d’armée ATT : «je ne veux pas de la guerre, je sais ce que c’est que la guerre !» a succédé une autre, celle du Capitaine putschiste: «c’est la mauvaise gestion de la question du Nord qui a nous a conduit à prendre les armes !» Pendant ce temps, la rébellion gagne du terrain, l’armée effectue des « replis stratégiques » : jusqu’à quand et où Capitaine ?
Le premier, un général de surcroît, qui a eu à fréquenter l’école de guerre de la France- une référence pour tous les francophones et qu’il se plaisait à rappeler- avait certainement désappris ou avait mal assimilé ce principe élémentaire et universel suivant: « qui veut la paix, prépare la guerre ! »
Le Général était conscient qu’il n’avait pas d’armée ni du point de vue effectif, ni du point de vue mental, ni du point de vue organisationnel et donc n'avait aucune capacité à résister à une force militaire quelle qu’elle soit. Son espace de manœuvre dilatoire s’amincissant comme une peau de chagrin, il ne pouvait que fuir la réalité, retarder la débâcle de son armée. C’est pourquoi, il ne pouvait recevoir les revenants de Libye avec armes et bagages qu’à bras ouverts. A son actif, il faut reconnaître que certains « libyens » restés fidèles au Mali participeraient pour le moment activement aux combats contre la rébellion.
Le Général avait planifié pour passer « la patate chaude » à son successeur dans les 2 mois à venir, espérant ainsi obtenir, un jugement de « bon démocratique et d’homme de paix » aux yeux de l’opinion internationale et de « grand bâtisseur et chantre de l’unité nationale » aux yeux de Maliens naïfs ou laudateurs. Le plan a capoté par la faute d’une victime de « l’inexistence » de l’armée : le capitaine Amadou Haya SANOGO. Il ferait partie de ce groupe de soldats qui auraient abandonné Anderamboukane, Ménaka faute de moyens et de soutiens et qui auraient rejoint Bamako via Niamey, Gao.
Le capitaine connaissant la situation de l’armée espérait-il une contre offensive de celle-ci ? Ne pouvait-il pas comprendre que son action allait désorganiser davantage une armée en débandade, donc faire la part belle à la rébellion ? Aujourd’hui, les 2/3 du pays sont occupés ! La menace de sanctions plane sur le Mali, un pays pauvre et continental. Après une semaine de pouvoir, Amadou SANOGO n’a eu d’autres choix que de quémander des négociations aux rebelles qui l’on chichement ignoré et à demander publiquement excuse et aide à ses frères qui lui avaient pourtant fait l’honneur de lui rendre visite malgré son illégitimité. Mais, il les a humiliés en leur refusant le «
aw bissimillah » que tout Malien éduqué au Mali connaît. Le Malien ne chasse pas l’étranger, même s’il est son ennemi ! Où sont donc passées la fierté, l’hospitalité et la dignité maliennes légendaires?
Pour tout observateur raisonnable, le pire est à venir pour le Mali ! Mais non, soyons positifs :
Transformons cet état de déliquescence du Mali en un facteur positif. C’est l’occasion de répartir de bons pieds. Pour cela, il faut :
1) l’acception du plan de la CEDEAO par les putschistes. Ce qui nous éviterait d’être isolés sur les plans, sous-régional et international avec toutes les retombées positives dont bénéficiera le pays;
2) l’appel aux pays amis et à l’ONU pour la réorganisation de l’armée, simultanément à la reconquête du nord. Ceci est d’une extrême urgence. Il faut éviter à tout prix qu’une administration quelconque MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) s’installe sur une portion du territoire national. Pour l’instant, le MNLA n’est pas bien structuré pour administrer les « territoires conquis» ;
3) des élections crédibles avec l’aide des Nations Unis ;
4) le gouvernement issu de ces consultations aura dans sa feuille de route des activités multiples dont:
-la restauration de l’autorité de l’Etat de gré ou de force, sur tout le territoire national;
-l’engagement à ressortir tous les dossiers de corruption, d’enrichissements illicites et de trahisons avérés depuis 1992 et de les porter devant les juridictions compétentes ;
- un projet d’amendement de la constitution à la lumière des derniers évènements, constitution dont le contenu accordera une indépendance effective à la justice, mais aussi posera des garde-fous pour la contrôler.
Les enseignements que nous avons tirés du premier putsch dans notre pays ne nous permettent en aucune façon d’accorder un crédit à un régime kaki. On dit bien
« chat échaudé craint l’eau froide ». Moussa Traoré avait promis
6 mois de transition ; à l’époque il était lieutenant, donc je suppose, moins futé qu’un capitaine. C’est pourquoi, très avisé, le chef de la junte a toujours esquivé la question concernant la durée de la transition ! Déjà dans l’acte fondamental publié par l’Essor n° 17153 du mercredi 26 mars 2012, en son article37, fixant nombre et composition du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et de la Restauration de l’Etat (CNRDRE) sa composition léonine est évidente : sur 41 membres, 26 sont militaires ! Les 15 autres proviendraient des forces vives qui, pourtant, représentent la majorité de Maliens. Allez comprendre !
Vive le Mali démocratique et sans gouvernance militaire ! Que Dieu sauve le Mali !
Bamako le 31mars 2012 ;
Hamidou ONGOÏBA, Professeur à la retraite Bamako B.P.E 1045