Contexte
Au moment où une rébellion armée et un groupe islamiste sévissent dans les zones septentrionales du Mali, le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE) a pris le pouvoir au Mali par la force armée le 22 mars 2012.
La communauté nationale fonde l’espoir de vite retrouver la paix et la quiétude. La communauté internationale, à l’unisson, s’élève contre la rupture de l’ordre constitutionnel et réclame le retour à une vie institutionnelle normale.
Contraintes
L’opinion nationale valse entre approbation et désapprobation de la rupture de l’ordre constitutionnel.
En matière économique, le ralentissement de l’activité économique pourrait entraîner une baisse significative des recettes fiscales, qui représentent environ 70% des entrées de fonds au Trésor Public. La moindre perturbation de la réalisation de ces recettes a une forte répercussion sur la marche de l’Etat. Au même moment, les besoins, déjà forts et pressants, deviennent d’une plus vive acuité : demande sociale d’une part, financement de l’action militaire contre les mouvements islamistes et rebelles dans le nord du pays, d’autre part.
Au plan politique, le processus de renouvellement des institutions par des élections démocratiques a été brusquement interrompu, ce qui engendre inquiétudes et interrogations aussi bien chez les acteurs politiques que chez les citoyens.
En termes juridiques la déclaration de suspension de la Constitution par le CNRDRE n’opère pas abrogation de cette Constitution (en droit pur) pour la simple raison que le seul moyen de rétractation de la constitution reste le référendum. La Conférence Nationale, pour dissuader toute tentative de prise de pouvoir anticonstitutionnelle, a inscrit dans la Constitution du 25 février 1992 un article (alinéa 3 de l’article 121) en ces termes : « Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien ». Les responsables du CNRDRE devraient donc obtenir une issue juridique pour eux afin, à long terme, de ne pas subir les conséquences pénales de leur action.
Au plan international, l’heure est à la réprobation et aux demandes de retour à l’ordre constitutionnel. Ainsi, l’Organisation des Nations Unies, l’Union Africaine, l’Union européenne, l’Organisation Internationale de la Francophonie, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, la Banque Africaine de Développement ont publié des prises de position explicites contre l’action du CNRDRE. En particulier, l’Union Africaine et la CEDEAO prônent le rétablissement du président élu en 2007. La CEDEAO brandit même la menace de recourir à la force armée contre le CNRDRE.
Or, l’apport de la coopération internationale est essentiel pour le Mali. En 2009, par exemple, le financement du Budget Spécial d’Investissement (BSI) a été « assuré par l’extérieur à hauteur de 257,629 milliards de FCFA (soit 65,2%) » et les dons « sont ressortis à 171,5 milliards de FCFA », soit un total de 429 milliards de FCFA. Pour l’exercice budgétaire en cours, l’aide extérieure attendue est de l’ordre de 480 milliards de FCFA.
Opportunités
A l’échelle du Mali, l’action du CNRDRE fait écho à une désapprobation par de nombreux citoyens de la gouvernance exercée par le régime politique qui était en place. Certains, à présent, interprètent leur rejet de ce régime comme une adhésion au coup de force du CNRDRE.
Au plan politique, de nombreux acteurs politiques se mettent au diapason du CNRDRE, lui apportant des soutiens plus ou moins explicites.
Au plan sécuritaire, l’action du CNRDRE pourrait produire un effet cathartique sur la motivation et le sens de la responsabilité des forces armées sur le front des batailles contre les rebelles et les islamistes d’Ançare Dine.
Au plan international, le Mali peut réussir à desserrer l’étau, à l’exemple de la Mauritanie (2008), de la Guinée (2008) et du Niger (2010) en rétablissant rapidement l’ordre constitutionnel normal.
Défis
Un regard panoramique sur la géopolitique mondiale montre que la démocratie est un acquis universel auquel aucun renoncement définitif ni même durable n’est à envisager ; il y a comme une alliance sacrée mondiale pour que la démocratie soit le principe de gestion des pays.
Illustrent parfaitement cette opinion l’isolement de la Corée du nord, de Cuba et du Zimbabwe mis à l’index pour la nature de leur régime politique, la réprobation générale qui prévalait à l’égard de la Birmanie, et la vivacité des réactions que drainent tous les cas d’élections non transparentes.
A terme immédiat, il reste primordial, pour rassurer les communautés nationale et internationale, de respecter tous les droits fondamentaux : droit à la vie ; droit à ne pas subir des tortures et autres traitements inhumains, cruels et dégradants ; liberté d’expression ; liberté d’opinion ; liberté de réunion et d’association ; liberté de la presse ; indépendance de la Justice.
Il faudrait également que la classe politique puisse surmonter ses divisions afin d’engager un dialogue constructif incluant le CNRDRE, encore que dans le contexte actuel le consensus général ne signifie pas unanimisme.
Une telle attitude rassurera les communautés nationale et internationale, les partenaires au développement et les opérateurs économiques nationaux et étrangers.
Objectifs
Restaurer la confiance à l’intérieur et à l’extérieur du Mali ;
Organiser le retour à l’ordre constitutionnel républicain.
Actions
Les actions à mener doivent l’être sous l’égide de la Constitution de 1992, qui, malgré tout, reste en vigueur. Ce postulat est le point de départ, mais aussi le point d’arrivée. Pour préserver l’image de démocratie modèle qu’avait le Mali et pour ancrer définitivement la démocratie dans les mœurs politiques maliennes, cette Constitution doit être préservée de toute révision pendant plusieurs années encore. Les errements connus, qui fondaient le projet de révision qui était en cours, sont imputables non aux faiblesses consubstantielles de la Constitution mais à une mauvaise mise en œuvre qu’alimentait surtout la pusillanimité des hommes politiques.
Les actions proposées sont donc les suivantes :
Démission formelle du Gouvernement du premier Ministre Mme Mariam Kaïdama Sidibé ;
Démission formelle du président Amadou Toumani Touré ;
Vu l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle dans les 40 jours, que tous les acteurs se concertent pour mettre en place un Collège présidentiel, composé de 3 à 5 personnes représentant le CNRDRE, les partis politiques, la société civile, et pour une durée de 6 à 12 mois (en fonction de l’évolution du conflit avec le MNLA), en réservant le poste de vice-président au CNRDRE ;
Constitution d’un Gouvernement d’union nationale, comprenant des représentants du CNRDRE, des partis politiques et la société civile (qui fournit le premier Ministre) ;
Vote (par l’Assemblée Nationale actuelle) d’une loi d’amnistie générale relative aux faits ayant consisté à renverser le Gouvernement légal ;
Au terme du mandat actuel de l’Assemblée Nationale, organisation des élections législatives (mai-juin 2012) dans les zones non déstabilisées ;
Résolution du conflit engagé par le MNLA (1ère option : la négociation ; 2nde option : le recours à la force, y compris avec l’appui de l’OTAN car la rébellion au Mali est une conséquence directe des bombardements de l’OTAN en Libye) ;
Maintien de l’action militaire (conjointement avec l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Sénégal avec l’appui de puissances étrangères) contre AQMI, les trafiquants et les islamistes ;
Signature d’un Accord de paix avec le MNLA, convaincu par le dialogue ou vaincu par la force ;
Organisation d’élection présidentielle sur tout le territoire et des élections législatives partielles dans les circonscriptions exclues précédemment.
Intérêts du schéma :
Retour immédiat à l’ordre constitutionnel ;
Restauration des relations diplomatiques du Mali;
Restauration des relations internationales financières du Mali (environ 380 milliards de FCFA par an, soit 20% du budget d’Etat) ;
Protection juridique assurée aux membres du CENDRE (car la Constitution du 25 février dispose que « tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien » ; et le code pénal punit de mort cette infraction qui peut être poursuivie pendant 10 ans même si la Constitution venait à être effectivement abrogée) ;
L’activité économique se poursuit, apportant au Trésor Public les recettes nécessaires au financement des multiples besoins du pays ;
Le Mali préserve son image et ses symboles.
Quel que soit le cas de figure, tous les droits civils, politiques, économiques et sociaux doivent être garantis à tous les citoyens.
Bamako, le 27 mars 2012
Proposé par Moumouni GUINDO,
Président d’une Association de défense des droits de l’Homme